Vinsobres : s’autoréguler pour éviter l’effondrement des prix
Quelques jours après l’assemblée générale du comité des vignerons de Vinsobres, le point avec son président Philippe Chaume sur l’actualité de ce cru drômois des Côtes-du-Rhône méridionales.

À Vinsobres comme ailleurs, la colère exprimée par le monde agricole lors des mobilisations historiques de ces dernières semaines fait écho. Philippe Chaume, président du comité des vignerons de Vinsobres depuis 2022, ne peut s’empêcher d’aborder le sujet. La simplification administrative fait partie de ses revendications. « Comme tous les agriculteurs, nous subissons la superposition des contrôles de plusieurs organismes qui nous demandent en général les mêmes choses. Avec un guichet unique, nous pourrions fournir les renseignements une seule fois pour toutes. Surtout quand il s’agit de contrôler des bricoles », argumente le vigneron. Il estime que la seule avancée significative obtenue pour l’instant est l’abandon de la hausse progressive de la fiscalité sur le gazole non routier. « Cela aura directement un impact sur les charges de nos exploitations », reconnaît Philippe Chaume. Quant aux mesures annoncées pour la viticulture, notamment les plans d’arrachage, « ça ne concerne pas vraiment une appellation comme Vinsobres ».
Mention spéciale à la coopération
Dans cette période compliquée pour le monde agricole, le président du comité des vignerons de Vinsobres livre tout de même quelques éléments positifs pour l’appellation même s’il reste très prudent. On peut notamment retenir que, pour l’instant, en cru Vinsobres, les stocks sont relativement maitrisés. « Nous parvenons à nous autoréguler, à ne produire que ce que nous sommes capables de vendre en Vinsobres afin d’éviter un écroulement des prix », confie le président. Il adresse d’ailleurs une mention spéciale à la coopération, « qui fait vraiment son boulot et ne surproduit pas ». On notera tout de même sur la campagne écoulée une légère progression des surfaces en appellation (+ 1,3 % par rapport à 2022 pour atteindre 553,5 ha), ainsi qu’une légère progression des volumes (+ 5,8 %), portant à 18 460 hl la production du millésime 2023. Les sorties totales sur la campagne 2022-2023 se chiffrent à 13 826 hl, en recul de 2,5 % par rapport à la campagne précédente.
Le marché local et régional reste important pour l’appellation. Au niveau national, le léger recul des achats en GMS se poursuit, un phénomène qui concerne de nombreuses appellations. L’export quant à lui, même s’il reste un marché moins important que le national, progresse régulièrement avec notamment des appels d’offre et des référencements permanents sur les pays d’Europe du Nord (Suède, Finlande, Norvège…) ou encore le Canada. Philippe Chaume signale également une bonne progression sur le Royaume-Uni pour le Cellier des Dauphins. En 2024, l’appellation sera aussi présente à New-York les 24 et 25 juin pour Vinexpo America afin de relancer un marché « un peu calme » aux États-Unis. À noter, les ventes bouteilles progressent davantage que le vrac, Philippe Chaume estimant que le négoce « ne s’intéresse pas assez au Vinsobres ».
Quant au bio, « ça fait partie du packaging d’un cru, analyse le président. Pratiquement toutes les caves particulières de l’appellation Vinsobres sont en bio et du côté de la cave coopérative, les surfaces labellisées en agriculture biologique ne régressent pas. Le bio, même si on ne le vend pas forcément plus cher, nous permet de vendre. C’est en général les premières cuves qui partent. »
Le dossier du cru blanc bientôt déposé
Par ailleurs, le projet de cru blanc en Vinsobres est toujours sur les rails. « Nous avons fait le plus gros du boulot : historique, élaboration du cahier des charges, études pédologiques… D’ici trois mois, nous devrions déposer le dossier auprès du comité régional de l’Inao. Nous espérons qu’une commission d’enquête puisse être nommée au niveau national d’ici fin août », détaille le président. Alors commencera une série d’allers-retours pour confirmer le bien-fondé de la demande du comité. « Nous avons bon espoir d’obtenir cette reconnaissance. Les dégustations très pointues, conduites à l’aveugle par de très bons sommeliers, confirment la typicité de nos blancs, avec deux types de profils, selon l’altitude et l’exposition des parcelles », indique Philippe Chaume. Et d’ajouter : « La demande pour ces vins est là. Tous nos blancs 2023 [pour l’instant en appellation Côtes-du-Rhône ou Côtes-du-Rhône village, ndlr] sont déjà commercialisés. »
Sophie Sabot
Vinsobres défend sa « ceinture végétale »
« Sur Vinsobres, nous avons autant de surface boisée que de surface viticole en cru », souligne Philippe Chaume. Il se félicite de la démarche menée par les élus municipaux il y a une trentaine d’années pour protéger les zones boisées de la commune dans le cadre de la révision du plan d’occupation des sols. Cette « ceinture végétale » est selon lui essentielle au terroir de Vinsobres. Elle protège les vignes du gel et du Mistral, limite l’évapotranspiration, favorise des micro-climats propre à l’appellation, crée des refuges à oiseaux et chauve-souris… « Nous avons d’ailleurs très peu de problèmes d’insectes piqueurs (cochylis, eudémis...) », signale le président. Préserver cette ceinture végétale est pour le comité des vignerons de Vinsobres une priorité, dans un contexte où le développement des chaufferies bois plaquettes fait peser une pression importante sur les zones boisées du secteur.