Viandes : un marché complètement bouleversé par la crise
La crise sanitaire liée à la Covid-19 et les confinements successifs ont fortement chamboulé les habitudes de consommation. Les viandes, et principalement la viande bovine, ont été impactées par ce bouleversement inédit.

Dès le début de la pandémie en France, en mars dernier, le marché de la viande bovine a subi de profonds bouleversements. En cause, les mesures drastiques de lutte instaurées, telles que la fermeture des écoles dans au moins 17 États membres de l’Union européenne, la fermeture des restaurants en France, en Italie ou encore en Belgique, la baisse de la restauration collective, etc. Un contexte qui a entraîné une modification des circuits d’approvisionnement. Alors que la restauration hors domicile (RHD) avait profondément évolué ces dernières années, avec des chiffres d’affaires en hausse pour tous les circuits, la crise a mis un coup d’arrêt qui pourrait perdurer.
L’année 2020, aussi atypique soit-elle avec cette crise sanitaire sans précédent, a donc entraîné un effondrement du chiffre d’affaires (CA) de la RHD. « La restauration traditionnelle a été extrêmement affectée durant le premier confinement, avec une baisse de 94 % du CA en avril et de 88 % en mai par rapport à la même période en 2019 », note Caroline Monniot, cheffe de projet conjoncture viande bovine à l’Institut de l’élevage (Idele), lors d’un webinaire (conférence en ligne) proposé le 17 novembre dernier.
La viande bovine française privilégiée
L’effondrement a donc été total durant le printemps 2020, avant de repartir progressivement au début de l’été. « Le secteur, encore convalescent, a replongé avec ce deuxième confinement », alerte-t-elle. Ainsi, la fermeture obligatoire de la restauration a entraîné un report massif sur la vente de viande de bœuf au détail, avec l’obligation, pour les ménages, de cuisiner à domicile. En cumul du 1er janvier au 30 septembre, « les achats de bœuf à domicile (piécés et hachés, hors élaborés), ont progressé entre 2019 et 2020 de + 5,5 % et de + 7,5 % en CA », continue-t-elle.
Autre fait marquant, la demande en viande bovine française a augmenté. « Dès le mois de mars, nous avons eu une renationalisation de nos approvisionnements, avec 13 % des importations en avril (contre 22 % en temps normal). Au global, le bilan de consommation totale sur les neuf premiers mois de l’année 2020 a baissé de 2,5 % mais la viande française consommée a, quant à elle, augmenté de 1,2 % », rappelle Caroline Monniot, tandis que les importations affichaient une baisse de 15 à 16 %. « Cette forte croissance de la consommation à domicile a bénéficié aux viandes, avec une évolution d’achats toutes viandes confondues de 10 % », rajoute Grazyna Marcinkowska, chargée d’études en consommation transversale à FranceAgriMer.
Le boom de la viande hachée
Les consommateurs, contraints de cuisiner, ont préféré acheter des produits pratiques et rapides à préparer. C’est pourquoi « le premier confinement a provoqué un boom des achats de viande hachée, avec + 11 % de volumes achetés », indique Caroline Monniot. D’après les études de l’institut Nielsen, la viande de bœuf hachée surgelée a été la plus plébiscitée dans les rayons de la grande distribution, avec une hausse de 57 % du chiffre d’affaires, par rapport à 2019. Le bœuf haché frais a lui aussi évolué, avec + 31 %.
« Le marché est ensuite resté dynamique, pour finalement connaître une nouvelle très forte hausse depuis le reconfinement à la fin du mois d’octobre », poursuit la cheffe de projet de l’Idele. « La consommation de viande hachée n’a pas été freinée par la hausse des prix, ce qui montre l’intérêt des consommateurs pour cette catégorie », estime Caroline Monniot. Pour autant, cet attrait spectaculaire pour la viande hachée cache un nouveau problème, celui d’une valorisation moindre de la carcasse. « Beaucoup de pièces à griller, vendues habituellement en restauration, sont aujourd’hui vendues en haché, à un prix bien évidemment moindre. La hausse des prix du haché est aujourd’hui insuffisante pour compenser ce déséquilibre », prévient-elle.
Les viandes surgelées en première ligne
Par ailleurs, la progression des achats de viande surgelée, toutes catégories a bondi de 50 % en mars et avril 2020, un chiffre qui s’explique notamment par la volonté de stocker mais aussi par le recrutement de nouveaux acheteurs. « En avril, ce sont les espèces principales qui ont progressé, comme le porc (+ 23 %), le bœuf (+ 20 %) et le poulet (+ 36 %), contrairement à la viande ovine (- 11 %) par exemple », souligne Grazyna Marcinkowska.
La pandémie aura finalement démontré l’intérêt des consommateurs pour plus de souveraineté alimentaire. Ils sont davantage sensibles au bien-être animal, à l’environnement et aux liens avec les producteurs. « Ce sont des demandes fortes même si nous savons qu’il y aura un impact économique de cette crise sanitaire. La consommation, dans les mois et années à venir, dépendra des politiques macro-économiques qui seront menées au niveau national et de l’UE », conclut Caroline Monniot. Les inconnues perdurent quant à l’évolution des tendances de consommation et à l’économie de la filière alimentaire.
Amandine Priolet
Une campagne digitale en faveur de la viande hachée française

La campagne « C’est incroyable tout ce que l’on peut faire avec de la viande hachée » était de retour du 16 novembre au 6 décembre sur les plateformes des chaînes Replay (TF1, M6 et France TV), YouTube et Dailymotion ainsi que sur les sites culinaires 750g, Cuisine Actuelle ou encore Marmiton. Cette campagne visait à « mettre en avant ce produit devenu un incontournable dans nos frigos », explique Interbev dans sa newsletter interne le 24 novembre. « La campagne s’illustre par la création d’un film publicitaire de 20 secondes diffusé sur Internet. Il met en scène un moment de convivialité entre amis où chacun laisse libre court à ses émotions. Au cœur de ce dîner, un plat à base de viande hachée qui symbolise le partage et la simplicité. » Une première vague de diffusion avait été organisée en octobre : 16 millions de vidéos ont été vues intégralement à 100 %, confirme l’interprofession.