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Zoom sur une profession

Vétérinaire rural, “ Une vocation, presque un sacerdoce ” (+ vidéo)

À l’occasion du lancement de notre nouvelle rubrique « Un jour avec… », nous vous invitons à découvrir une profession par mois. Cette semaine, nous avons plongé dans l’univers des vétérinaires ruraux à travers le regard de deux étudiantes de l’école vétérinaire et agronomique VetAgro Sup de Marcy-l’Étoile (Rhône) et de leur encadrant, Gilles Le Sobre. Un métier technique où passion et investissement personnel alimentent le travail des jeunes générations.
Vétérinaire rural, “ Une vocation,  presque un sacerdoce ” (+ vidéo)

8h du matin, l’École nationale vétérinaire de Lyon se réveille au son des meuglements de son troupeau pédagogique. Deux jeunes étudiantes grimpent aussitôt dans une voiture Berlingo blanche. Au volant, Gilles Le Sobre, leur encadrant. La voiture s’éloigne de l’entrée principale de l’école. Le trio laisse derrière lui la statue de Claude Bourgelat, précurseur de l’enseignement vétérinaire. (lien vidéo à la fin de cet article)

La transmission du métier

Gilles Le Sobre, praticien hospitalier vétérinaire, enseigne depuis douze ans à l’école VetAgro Sup de Marcy-l’Étoile. Sa spécialité : la rurale. Ce matin, il accompagne deux élèves de cinquième année dans la ferme de la Grange Bodet, à Savigny, pour un suivi de troupeau. « Je vous laisse tout faire et, si besoin, j’interviens », leur annonce-t-il. Pas une seconde à perdre, Christian Barberet, éleveur de 46 montbéliardes les attend de pied ferme dans son exploitation. Hélène, 25 ans, et Maud, 26 ans, enfilent rapidement bottes et casaques, échographe autour du cou. « Les filles » prennent tout de suite en main la situation sous le regard attentif du « professeur » qui ne peut s’empêcher de leur donner un dernier conseil avant qu’elles se mettent à l’œuvre. « Rappelez-vous, d’abord l’examen de loin, susurre-t-il, quand on regarde l’animal dans son ensemble, on voit déjà beaucoup de choses ». Suit l’examen rapproché pendant lequel muqueuses, ganglions, cœur, poumons, rumen, abdomen et jugulaire sont passés au crible. Méticuleux, Gilles n’oublie pas d’observer les pattes de la vache ainsi que son poil « qui en dit beaucoup sur son alimentation ». Stéthoscope autour du cou, Maud crée instantanément une proximité rassurante avec les vaches laitières. « Ici, il semblerait qu’il y ait deux veaux. À ce stade, ils ne mesurent que quelques centimètres chacun mais le scanner permet de bien les distinguer », explique l’étudiante originaire des Hauts-de-France, en stage depuis un mois à l’Ucra, unité clinique rurale de l’Arbresle. Gilles Le Sobre y est employé à temps partiel avec cinq autres vétérinaires professionnels. Avant de procéder à la consultation, Hélène chatouille la queue de Jordanie qui n’a pas l’air d’avoir bien envie de se laisser approcher. Grande, fine, l’étudiante s’adapte aux mouvements brusques de la vache avec détermination et bienveillance. « Parfois c’est compliqué, si l’animal n’a pas envie d’être examiné, on ne peut pas travailler dans de bonnes conditions. Il faut être patient, lui laisser le temps et y revenir si possible un peu plus tard », explique la jeune vétérinaire avec calme et maturité.

Stagiaires à l’unité clinique de l’Arbresle,  Maud Rouault et Hélène d’Harcourt sont supervisées par leur encadrant qui les forme et les accompagne dans leurs gestes techniques.

« Parfois seul face à l’adversité »

Impliqué dans le travail des vétérinaires, Christian Barberet reste très vigilant à leurs moindres faits et gestes. C’est lui qui remplit sur un tableau de notation les notes (ndlr de 1 à 5) de l’état corporel de ses vaches données par Gilles et ses élèves. « Pour la montbéliarde, l’idéal c’est qu’elle soit à 3,5 au moment du vêlage et pendant le tarissement et à 2,5 au plus bas au pic de lactation », précise le praticien hospitalier. Un système de notation européen qui varie quelque peu en fonction des races. Regard rassurant envers ses étudiantes, Gilles n’a de cesse de les questionner et de les pousser dans leurs retranchements pour les faire progresser. Cet homme de 56 ans a intégré l’une des premières classes de l’école vétérinaire de Nantes. Depuis ,la profession a bien évolué. « En déplacement, j’ai toujours mon ordinateur, en plus du stéthoscope, du thermomètre et de l’échographe. On s’adapte aux nouvelles technologies », explique-t-il.
Derrière ses grands yeux bleus se cache un homme discret et déterminé, une personne droite désireuse de transmettre ses connaissances et sa passion aux futures générations. « J’essaie d’être le plus réaliste possible par rapport à la profession, je leur explique que c’est un métier difficile et ultra-technique. Il faut être prêt à vivre des moments très forts, qu’ils soient beaux ou tristes. On est parfois seul face à l’adversité, face à une torsion de matrice, quand un vêlage se passe mal par exemple. Vétérinaire rural, c’est une vocation avant tout ». « On ne compte pas nos heures. Que ce soit le jour, la nuit, la semaine, le week-end ou les jours fériés, on y va. C’est tellement passionnant, on apprend toute sa vie », ajoute Gilles, source d’inspiration pour Maud et Hélène. Et même si les maux physiques ne tardent pas à se manifester quand on débute dans la profession, la passion permet de garder le cap. « En tant que vétérinaires ruraux, nous avons tous un décollement de la capsule de la scapula (omoplate), c’est un métier très physique mais extrêmement varié ».

Le relationnel, un incontournable

Et pour preuve, en une journée, ce trio de choc aura non seulement ausculté la cinquantaine de vaches le matin mais aussi administré un antiparasitaire à un bouc nain de sept mois blessé à l’oreille. Les vétérinaires se seront en plus déplacés pour réaliser deux rappels de FCO et examiner un broutard affaibli depuis quelques jours.
« Ce qui me plaît le plus dans ce métier, c’est qu’on ne fait jamais les mêmes choses, d’une journée à l’autre. À l’école, nous pouvons assister aux opérations au sein de l’hôpital des ruminants », se réjouit Maud. Déplacement de caillette*, infection du cordon ombilical, imperforation de l’anus, hernies, transferts embryonnaires, les étudiants se forment sous le regard de leurs enseignants. « Pour le moment, nous n’avons pas de box de chirurgie stérile à l’école. Je ne suis pas forcément toujours pour car ces étudiants seront amenés à gérer des urgences sur le terrain plus tard.


Il faut qu’ils soient aussi confrontés à un environnement réaliste », estime Gilles Le sobre. Pragmatisme et dextérité, deux maîtres mots pour cet enseignant qui « ne lâche pas ses étudiantes tant que tout n’est pas clair et intégré ». Session de débriefe en fin de journée. C’est à elles de dresser le bilan de l’état de santé de la ferme de la Grange Bodet. « Le taux cellulaire du troupeau a bien été récupéré ces derniers mois. Néanmoins, il y a encore quelques infectées chroniques et trop de vaches partent à
la réforme trop tôt », concluent-elles. Leur encadrant acquiesce, valide les propos de ses étudiants et apporte ses conseils. Hélène et Maud n’en perdent pas une miette. Elles s’en inspirent pour peut-être un jour dépasser leur maître. Et lui donner raison de s’être autant investi dans son devoir de transmission. 

Alison Pelotier
*La caillette est l’un des quatre estomacs de la vache. Après le vêlage, il peut passer à gauche alors qu’il est physiologiquement placé à droite. L’opération permet de le remettre à sa place

A voir en vidéo en cliquant sur ce lien : http://bit.ly/2omCtLN