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Règlement Omnibus

Une mini-réforme de la Pac pour 2018 qui ne dit pas son nom

Après de longues discussions, le Conseil des ministres, le Parlement européen et la Commission de Bruxelles ont trouvé un accord ambitieux sur le volet agricole du règlement omnibus. Ce dernier apporte des avancées en améliorant les assurances et instruments de stabilisation des revenus, en allégeant
les contraintes du droit de la concurrence européen sur les organisations de producteurs et en apportant quelques avancées en matière de simplification. Décryptage.
Une mini-réforme de la Pac pour 2018 qui ne dit pas son nom

Parfois des bonnes nouvelles peuvent passer inaperçues. Celles venant de l'Union européenne plus que d'autres. C'est un peu le sentiment que l'on a à propos de l'accord sur le volet agricole du règlement européen omnibus. En effet, cette mini-réforme des modalités de fonctionnement du budget de la Pac porte plusieurs avancées réclamées de longue date par le syndicalisme agricole. Les nouvelles dispositions devraient entrer en vigueur dès 2018. « C'est un accord inédit qui constitue une avancée majeure pour la politique agricole commune », souligne Luc Vernet, du think tank Farm Europe. De son côté, le député européen PPE Michel Dantin, qui a œuvré depuis un an et demi pour arriver à cet accord au sein de la commission agriculture du Parlement européen, indique qu'il s'agit « d'une révision profonde des modalités de fonctionnement de l'Union européenne ».

Michel Dantin, député européen, a négocié d’arrache-pied pour obtenir un renforcement des organisations de producteurs afin d’être en capacité de peser sur les négociations commerciales.

Un droit de la concurrence européen revisité

Même si la Commission européenne n'avait pas prévu d'ouvrir le dossier du droit de la concurrence à ce stade, les eurodéputés ont obtenu l'extension des règles du « Paquet lait », s'appliquant déjà aux secteurs du lait, de l'huile d'olive et des céréales, à l'ensemble des autres filières. Cette réécriture de certains articles de l'organisation commune de marché (OCM) offre plusieurs nouvelles possibilités au monde agricole. Tous les agriculteurs pourront donc avoir des contrats précisant clairement les prix, les volumes et la durée. Ils pourront regrouper leurs forces pour vendre collectivement leurs produits, définir les quantités et les standards de qualité au sein de leur organisation de producteurs. Autre élément, les interprofessions pourront négocier un partage de la valeur ajoutée au sein de la filière, comme dans le secteur du sucre aujourd'hui. De plus, la limite de concentration de 33 % pour une production agricole donnée au niveau national et de 3,5 % au niveau européen est supprimée.

Des outils de gestion de crise améliorés

Pour améliorer le recours à l'outil d'assurance subventionnée, la Commission européenne avait proposé que le seuil de déclenchement passe de 30 % de pertes à 20 % au niveau sectoriel, c'est-à-dire couvrant un secteur de production en particulier, par exemple le lait, et non pas l'ensemble des activités de l'exploitation. Le compromis final prévoit que pour les contrats d'assurance, le taux de 20 % de pertes soit appliqué. En revanche, pour l'instrument de stabilisation de revenu général (et non pas sectoriel) et pour les fonds de mutualisation, le seuil est maintenu à 30 %.
Autre évolution, comme l'avait proposé la Commission, pour l'ensemble de ces dispositifs de gestion des risques, la compensation est portée jusqu'à 70 % (au lieu de 65 % précédemment). Ces outils peuvent être cofinancés en partie par les fonds du deuxième pilier (70 % pour les assurances récoltes et 25 % pour l'instrument de stabilisation des revenus). En revanche, les députés européens n'ont pas obtenu d'avancées sur les outils de gestion et de prévention des crises. Ils auraient par exemple souhaité l'instauration d'un programme de réduction de la production en cas de grave perturbation du marché, comme cela a été mis en place ponctuellement pendant la crise laitière de 2016 avec le dispositif d'incitation à la réduction de la production.

Simplification à la marge

Sur le volet de la simplification de la législation, les avancées sont plus marginales. Les discussions ont notamment porté sur le verdissement des aides directes. Les exploitations dont plus de 75 % des terres arables sont consacrées à la production d'herbe, de plantes fourragères ou couvertes par des prairies permanentes, seront toutes exemptées des règles du verdissement, alors que jusqu'à présent celles de plus de 30 ha devaient s'y conformer. Trois plantes supplémentaires sont ajoutées à la liste de cultures pouvant être reconnues comme surface d'intérêt écologique (SIE) : le miscanthus, la silphie perfoliée et les plantes mellifères.
À noter, comme cela a déjà été décidé par la Commission, il ne sera plus possible d'avoir recours à des traitements phytosanitaires sur ces surfaces à partir de 2018. Les autres dispositions proposées par la Commission européenne ont été adoptées : une plus grande flexibilité au niveau national pour définir ce qu'est un agriculteur actif, la simplification de l'accès aux instruments financiers, la possibilité de faire passer le complément d'aides directes pour les jeunes agriculteurs (« top up ») de 25 % à 50 % dans la limite de l'enveloppe disponible.
Pour aller plus loin, il faudra attendre la prochaine réforme de la Pac. Mais les discussions pourraient traîner compte tenu des incertitudes budgétaires liées au Brexit. Les eurodéputés ont donc voulu améliorer la Pac actuelle sans attendre cette échéance. Reste à la France et à son gouvernement, à s'emparer des outils mis à disposition dans cette mini-réforme, et aux agriculteurs de s'en approprier pour faire bouger les lignes.
C.P. avec Agrapresse

 

PAC/ La prochaine réforme de la Pac ne devrait pas remettre en cause les aides directes qui resteront le principal outil de soutien aux revenus des agriculteurs. Les modifications du règlement omnibus pourraient être complétées.

Premières esquisses de la Pac d’après 2020

Les orientations de la prochaine réforme de la Pac après 2020 commencent à se préciser. Les premières pistes de propositions sont contenues dans un « papier » informel émanant de la direction générale de l’agriculture. Ces premières orientations feront l’objet d’une communication par le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, fin novembre. Ensuite, un semestre de négociations entre le Conseil des ministres de l’Agriculture et le Parlement européen s’ouvrira, avant la présentation concrète par le commissaire de ses propositions avant la fin de l’année 2018. Dans les petites phrases qu’il a déjà distillées, le commissaire a déjà laissé entendre qu’il n’y aurait pas de bouleversement profond de la Pac actuelle. En effet, il est question du maintien des marchés de produits agricoles ouverts et libres qui doivent, en situation normale, fonctionner sans intervention publique. Les exportations agroalimentaires par des entreprises compétitives, vers les pays tiers, doivent rester des moteurs de croissance du secteur. Les agriculteurs devront également à l’avenir décider eux-mêmes à quels risques de prix ils veulent s’exposer. L’idée française de consacrer jusqu’à un tiers du budget agricole de l’Union européenne  à l’assurance risques, n’est pas reprise dans le document de la direction générale de l’agriculture.
Les premières pistes de propositions des orientations de la Pac d’après 2020 sont déjà élaborées.
Rééquilibrage des aides
En revanche, des modifications sont avancées dans les aides directes et dans les contraintes environnementales, même si les aides directes restent la colonne vertébrale de la prochaine Pac pour permettre aux agriculteurs de produire et leur assurer un revenu décent. L’idée principale est de procéder à un rééquilibrage des aides entre les bénéficiaires et d’éviter une trop forte concentration. Le concept selon lequel 20 % des exploitations toucheraient 80 % des aides a la vie dure. D’où la proposition d’instaurer un plafond entre 60 000 € et 100 000 € par exploitation et par an, en prenant néanmoins en compte le nombre d’emplois dans les grandes structures de l’Est allemand, de la Tchéquie et de la Slovaquie, notamment. Autre orientation du papier, la volonté du commissaire de parvenir à une harmonisation des aides entre l’Est et l’Ouest européen. Tous les agriculteurs de l’UE sont devant les mêmes défis, estime le papier, indépendamment des différences de coûts salariaux ou de prix du foncier agricole.
Des mesures environnementales plus libres
Le document de la Commission souligne que les contraintes actuelles d’environnement sont bureaucratiques et inefficaces. Ces contraintes largement unifiées en UE ne collent pas aux situations concrètes des États. C’est la raison pour laquelle l’UE devrait se contenter de fixer des objectifs en matière agri-environnementale. Aux États de développer des concepts nationaux pour parvenir à ces objectifs. La mise en œuvre des contrôles leur reviendrait également. En outre, les États membres pourraient transférer plus de moyens du premier pilier au second, pour développer des programmes d’environnements libres dans le cadre du développement rural. Mais ce transfert ne serait pas soumis à l’obligation d’un cofinancement.