Une cuma pour optimiser le travail du sol et réduire les traitements phytosanitaires

Trois vignerons bio de Chignin (Savoie) ont pris conscience qu'il leur fallait être correctement équipés pour le travail du sol afin de rationaliser leurs interventions. De discussions en discussions, il s'est avéré que leurs voisins en conventionnel étaient également intéressés pour revenir à un travail du sol leur permettant de mieux exprimer leur terroir viticole en limitant l'emploi d'herbicides. Après une année de réflexion, qui a permis de bien définir les besoins de chacun et les investissements correspondants, la Cuma de Chignin a vu le jour en janvier 2011. Elle regroupe seize adhérents, soit la quasi-totalité des vignerons de Chignin et deux extérieurs. André Quenard, vigneron bio depuis 15 ans et secrétaire de la Cuma, témoigne : « Pour nous, les bio, il a été assez facile de calibrer nos besoins. La totalité de nos surfaces devant être travaillée et avec nos quelques années d'expérience, nous avions une vision assez précise des outils que nous recherchions, leur utilisation et le nombre d'heures de sollicitation. Pour nos collègues en conventionnel, c'était nouveau, et les besoins sont en constante évolution. »
Pour les outils de griffage, les demandes sont en régulière augmentation. Depuis la création de la cuma, il a été constaté de nombreux arrêts de l'utilisation de désherbants sur la commune. « Certains avaient signé pour une journée de griffage au départ et sont passés à 10 jours maintenant, poursuit André. C'est indéniable, la Cuma est un plus pour l'environnement ».
Chez Denis et Didier Berthollier (EARL La Combe des Grands Vignes), si la conversion n'est pas envisagée dans l'immédiat, en revanche avec l'aide de la cuma, l'ensemble de l'exploitation est conduite sans herbicide depuis quatre ans.
Plusieurs types d'outils
Il n'y a pas un seul type d'outil pour le désherbage mécanique en viticulture. C'est une combinaison d'outils qui sont adaptés en fonction de la parcelle (pédologie, densité de plantation, pente...) et des conditions climatiques annuelles. La cuma a permis de disposer du matériel nécessaire pour la mise en œuvre du désherbage mécanique, même sur les parcelles en coteau. Outre l'arrêt des herbicides, elle facilite la réduction d'utilisation des produits phytosanitaires et a permis son engagement en 2011 dans le réseau Dephy ferme (réseau national de référence des systèmes de cultures économes en produits phytosanitaires).
La baisse des intrants phytosanitaires oblige à être plus réactif. Et le fait de disposer, grâce à la cuma, d'un deuxième véhicule porteur libère du temps disponible au tracteur de l'exploitation déjà monté avec le matériel de pulvérisation. Ensuite, la cuma permet d'équiper l'exploitation d'outils comme le chenillard, très adapté aux parcelles en pente. Équipé d'un bon matériel de pulvérisation, celui-ci permet une meilleure application des produits au cœur de la vigne et ainsi d'envisager une réduction des doses. Sur vigne étroite, la réduction est de 30 % par rapport à la référence régionale.
Conversion à la bio
Chez certains, l'évolution des pratiques a été jusqu'à une conversion à l'agriculture biologique. C'est le cas de Pascal Quenard : « Attiré par la production bio depuis longtemps, je n'avais pas encore franchi le pas du fait de la topographie très diversifiée. Je n'avais pas le matériel adéquat pour travailler les sols. En effet, cela nécessite du matériel efficace, robuste, diversifié de mes parcelles et, à l'échelle de mon exploitation, je ne pouvais pas me permettre les investissements nécessaires. La création de la cuma a permis d'investir dans ce type de matériel et, en 2013, j'ai pu me lancer dans une démarche de conversion à l'agriculture biologique sur l'ensemble du domaine ».
Les viticulteurs bio sont même allés au-delà du travail du sol et ont acquis deux pulvérisateurs en commun : un sur enjambeur face par face et un aéroconvecteur sur chenillard pour les différentes configurations de parcelles. En se mettant d'accord à l'avance sur des stratégies de protection similaires, cela a permis d'optimiser la qualité de protection du vignoble sur l'ensemble des exploitations bio de Chignin.
Nombreuses sollicitations
Avec le nombre croissant de demandes, il n'est pas toujours évident de pouvoir répondre à toutes les sollicitations. « Parfois le calendrier arrive à saturation mais nous avons la chance, sur Chignin, d'être une commune viticole où l'entente est facile. Nous nous sommes fixés des règles : une petite exploitation (moins de 10 ha) peut réserver un outil une journée ; une grosse, deux jours consécutifs. Entre ces réservations, il y a toujours latitude de regarder le calendrier et, si le jour même un outil est disponible, on peut le prendre », explique André. « De plus, j'ai l'impression que le fait d'avoir pris l'habitude de réfléchir tous ensemble à nos besoins a permis de déstresser les vignerons, poursuit-il. L'outil n'est pas disponible aujourd'hui ? Je le prendrai demain, ou dans trois jours... ».
Le choix des matériels
Comme pour la création de la cuma, il se déroule en général une année entre la première idée des besoins, les essais et l'achat effectif des outils.
Leur credo : il faut du matériel robuste car il va être fortement sollicité, par de nombreuses personnes et dans des conditions difficiles. La dernière acquisition est un outil intercep Belhomme hydraulique avec décavailloneuse, sarcleuse, corps de buttage, têtes de tonte. En 2015, quatre ans après les débuts de la cuma, il y a eu environ 500 000 euros d'investissement.
Arnaud Furet, Adabio et Sébastien Cortel, chambre d'agriculture Savoie-Mont-Blanc, ingénieur réseau Dephy Ecophyto
(pôle conversion bio)