Un robot enjambeur pour ne plus dire « aïe » !

«Si on peut réduire la pénibilité du travail de plantation de l'ail, ce sera bien. » C'est ce que confie André Bernard, producteur d'ail et président de la chambre régionale d'agriculture Paca. Après avoir découvert cette innovation primée au salon Tech&Bio en septembre, il a invité le concepteur à venir faire une démonstration sur une de ses parcelles. Le 10 octobre, tous les producteurs de la future AOP ail de Piolenc sont venus observer, tester l'engin et questionner le fabricant.
Pour obtenir un ail frais de qualité, il faut le planter avec la pointe vers le haut. Cela permet une pousse puis une récolte homogènes et précoces. Aucune machine n'est capable de planter ainsi. Ce travail reste donc manuel. Or, il est éprouvant. « Et il faut au minimum 100 heures par hectare avec une équipe habituée, qui tient un bon rythme », précise Sylvain Bernard, producteur d'ail. C'est donc aussi le plus gros poste de main-d'œuvre. Voilà pourquoi l'enjambeur Ponchon a tant d'attrait.
« Nous apportons des sièges ou des lits, de l'ombre, le silence ou de la musique », résume Fabien Milachon, le concepteur. Ce roboticien de l'Yonne a développé le premier prototype en mars 2018 pour un important maraîcher bio local. Aujourd'hui, il propose un enjambeur entièrement électrique, dont la simplicité de la structure offre des possibilités d'adaptation aux demandes de ses clients. L'engin est sobre et modulaire. Trois types de postes de travail sont proposés : lits de désherbage, sièges rotatifs pour travailler entre les rangs et sièges suspendus au-dessus du rang. Un levage trois points catégorie 2, à l'arrière, permet d'ajouter une bineuse par exemple. En option : un GPS RTK et un bras robotisé. Conçu pour aller à très faible vitesse, il peut atteindre 12 km/h, ce qui permet de passer d'un champ à l'autre sans l'aide d'un tracteur.
Pérenniser la main-d'œuvre
En un passage, on peut intervenir sur trois rangs à la fois. L'engin peut accueillir quatre personnes en même temps et 400 à 500 kg de charge. « Nos utilisateurs l'emploient six heures par jour et développent de nouvelles façons de s'en servir. "Il faut bien une année pour se rendre compte des potentialités" nous disent-ils », rapporte Fabien Milachon. Mieux, les utilisateurs en profitent pour développer de nouvelles techniques de plantation, destinées à réduire la fatigue et augmenter la productivité. Surtout, ils constatent que leurs employés sont moins fatigués sur la semaine et vont même mieux travailler à l'échelle de la saison. « Cela pourrait permettre de pérenniser la main-d'œuvre », constate, très intéressé, Stéphane Massonet, président des producteurs de l'ail de Piolenc. En maraîchage, grâce à ce robot enjambeur, le temps de ramassage peut être divisé par deux, annonce le constructeur. Il est aussi utilisable en pépinière arboricole et viticole.
Améliorer à la fois ergonomie et productivité est un double objectif possible. André Bernard l'avait expérimenté en œuvrant à la mise au point d'une machine pour récolter les melons dans les années 1990. Toujours à l'affût de techniques innovantes, il aime les tester sur son exploitation et en faire profiter d'autres producteurs : paillage en plastique biodégradable, essais de couverts végétaux... Alors, là, il a vite repéré le potentiel de cet engin. Après avoir testé ce matériel, Benjamin Favalier, l'un des producteurs présents, l'a considéré « intéressant pour le confort d'utilisation et la productivité ».
Cécile Poulain