T’air de famille : du verger à la cuillère du consommateur
Virginie et Yann Houlette, arboriculteurs, ont misé sur la transformation de leurs productions en jus et purées dès 2012. Un choix qui porte ses fruits !

À Loriol-sur-Drôme, les fruits bio du Gaec T’Air de famille sont majoritairement destinés à la transformation. Sur les 8 hectares de vergers que compte aujourd’hui l’exploitation, 30 % des volumes sont destinées au frais, le reste passe par l’atelier créé en 2016 par Virginie et Yann Houlette. Soit près de 80 000 pots et 30 000 bouteilles par an commercialisés sous la marque T’Air de famille auprès d’une trentaine de magasins spécialisés bio ou magasins de producteurs, en Drôme mais aussi sur Lyon et Grenoble. La gamme compte notamment sept purées de fruits, toujours à base de pommes produites par Virginie et Yann, couplées à des poires, abricots, cerises, kiwis, figues de l’exploitation ou des pêches et coings d’autres producteurs.
« On ne pensait pas en arriver là », confie Virginie Houlette, en faisant visiter les 150 m² de l’atelier qui réunit les équipements pour le pressage mais aussi la cuisson, le conditionnement, l’autoclavage, l’étiquetage, l’encartonnage…
Un épisode de grêle bouscule les projets
« Nous nous sommes installés hors cadre familial en 2012. Yann avait travaillé comme technicien pour l’association Agribiodrôme puis s’était installé avec un autre agriculteur du secteur. De mon côté, j’avais ouvert un restaurant bio à Valence. Mais avec l’arrivée des enfants, c’était compliqué de concilier ces deux activités », raconte l’agricultrice. D’où leur décision de monter leur propre exploitation. « Au départ, nous n’avions qu’un bâtiment de 300 m², 5 000 m² de vergers et quelques surfaces sur lesquelles nous avons commencé à faire de l’ail et de l’oignon en attendant de pouvoir planter des vergers. Deux ans plus tard, nous avions réussi à trouver des terres pour atteindre 12 ha », poursuit-elle. Aujourd’hui le Gaec exploite 5 ha en pommes, 1 ha en kiwi et 2 ha en cerise, abricot, prune, kaki, figue, poire, ainsi que 4 ha en céréales.
Dès l’année de leur installation, leur projet a pris une tournure qu’ils n’avaient pas envisagée. L’exploitation a en effet subi en 2012 un épisode de grêle qui a abîmé la récolte de pommes. Virginie et Yann Houlette font alors la connaissance d’un maraîcher du Nord-Ardèche qui leur propose d’utiliser son atelier pour des essais de transformation. Rapidement, ces essais s’avèrent concluants et le couple trouve des débouchés dans les magasins spécialisés bio. « Ça a tout de suite marché car à l’époque il y avait peu d’offre en purées et compotes sous étiquette de producteurs. De 2012 à 2016, nous avons loué l’atelier en Nord-Ardèche avant d’investir dans notre propre outil », commente l’arboricultrice. La facture pour créer l’atelier de transformation s’est montée à 170 000 euros. Le Gaec a bénéficié de 50 000 euros d’aides via le Feader (Europe + Région). Pour amortir plus rapidement l’investissement, ils le louent à leur tour à d’autres producteurs.
Jusqu’à 1 500 pots par jour
« Nos équipements nous permettent de préparer jusqu’à 1 500 pots de 620 g par jour. Comme nous sommes à la fois producteurs et transformateurs, nous pouvons choisir les fruits que nous transformons, les transformer au bon moment... », précise Virginie Houlette. Depuis la récolte jusqu’à fin février, où l’ensemble des fruits de la saison précédente est achevé de transformer, l’activité est intense. Il faut aussi jongler avec la disponibilité des espèces. « Nous disposons d’une machine pour dénoyauter les abricots et cerises que nous faisons surgeler par un prestataire en attendant de les transformer plus tard avec les pommes », indique la productrice.
Jusqu’à présent, le Gaec est parvenu à proposer aux magasins bio des tarifs relativement compétitifs face aux purées et compotes issues d’unités de production industrielle. Mais, avec un prix de bocaux et capsules qui a doublé en sept ans, une facture de gaz qui a augmenté de 30 % en deux ans, le couple tire sur ses marges. « Nous avons déjà réduit le personnel*. Mais nous allons devoir augmenter nos tarifs. On ne l’a fait qu’une fois en onze ans car sur des produits comme la compote ou la purée, c’est difficile. Il s’agit de produits de base pour le consommateur qui n’est pas prêt à mettre un prix élevé », avertit Virginie Houlette.
« C’est bon ? Dites le nous ! »
À terme, le couple envisage de développer un réseau de consommation locale via la vente à la ferme. « Notre idée est d’aller vers la transformation de l’intégralité de notre production. Ne plus livrer de fruits frais nous permettrait de passer moins de temps sur la route en pleine saison. En plus de la vente directe, nous projetons aussi de mettre en place une activité d’accueil pédagogique axée sur la biodiversité dans nos vergers en faisant découvrir les nichoirs, hôtels à insectes, haies, bosquets... », précise la productrice.
Face à la charge de travail que représente la transformation, Virginie Houlette reconnaît puiser de la motivation dans les retours des clients. « C’est bon ? Dites le nous ! » est inscrit sur les étiquettes des produits T’air de famille. « Alors parfois, sourit la productrice, nous recevons des photos de gens en train de manger nos produits, des messages qui nous disent “n’arrêtez pas vos compotes”… » De quoi retrouver de l’entrain dans les périodes difficiles.
Sophie Sabot
*Le Gaec embauche une personne à temps plein, à la transformation d’août à février puis aux vergers. Une autre personne est là durant huit mois sur la partie vergers, ainsi que 4 à 5 cueilleurs sur deux ou trois mois.