“ Si l’on a un épisode pluvieux long et modéré, on peut encore recharger les nappes ”

Les nappes du Centre et l'Est de la France sont à des niveaux modérément bas. Est-ce inquiétant à ce stade ?
Manuel Parizot : « C'est un peu tôt pour la période. Généralement, nous sommes dans la période de fin de la recharge, on est censé atteindre le maximum du niveau des nappes qui sont surveillées. On devrait être à la moyenne ou au-dessus, si l'on avait eu des conditions météorologiques favorables. On a eu une bonne recharge des aquifères à l'automne 2019 mais, depuis janvier, on ne recharge plus. On a eu très peu de pluies efficaces. Il y a eu de grosses averses mais qui ont immédiatement ruisselé car les sols étaient déjà saturés, pour rejoindre directement les cours d'eau. Peu d'eau s'est finalement infiltrée et la reprise de la végétation est ensuite venue désaturer les sols. Tout ceci a limité la recharge des nappes. Les niveaux des nappes descendent et sont, en plus, plutôt bas. »
Le phénomène est-il accentué par les sécheresses successives de ces dernières années ?
M.P. : « Cela va dépendre du type de nappes que l'on suit. Dans le Jura, on a des aquifères calcaires extrêmement fissurés. Dès qu'il pleut, on a des niveaux de nappes relativement hauts, dès qu'il ne pleut plus, tout part dans les cours d'eau. En Saône-et-Loire, dans la partie plaine de la Saône, en Bresse et sur la partie du Nord-Ouest de l'Ain, ce sont des aquifères alluviaux. Ce sont de tout petits réservoirs, qui vont se remplir assez vite dès qu'il pleut, et baisser aussi rapidement quand il ne pleut plus, avec un peu plus d'inertie, car l'eau circule moins vite, mais avec des réserves relativement faibles. Un tiers des aquifères va finalement être impacté par l'accumulation d'épisodes de faibles recharges. Et ce n'est pas le fait des hautes températures, ni de la sécheresse : celles-ci vont affecter les sols et pénaliser l'agriculture, mais elles n'auront pas d'impact sur ces aquifères. C'est l'enchaînement de longues périodes sans pluie et de grosses pluies intenses qui est défavorable à la recharge des grands aquifères et donc au niveau de ces nappes. »
Que peut-on craindre pour cette nouvelle saison ?
M.P. : « Il ne pleut pas depuis plusieurs semaines, donc les aquifères se vidangent, selon une courbe régulière. Ils commencent à descendre modérément tôt pour la saison. On peut craindre de se retrouver dans la situation de 2019, avec des niveaux de nappes bas, des débits de cours d'eau faibles et des restrictions d'usage de la ressource en eau assez tôt. L'irrigation agricole dans la région ne se fait pas dans la période la plus tendue de ressource en eau. En 2019, les moments où l'on a atteint des niveaux vraiment très bas des nappes et des cours d'eau, il n'y avait plus besoin d'irriguer. Ce sont plus les températures qui ont posé problème. L'an dernier, la sécheresse a eu plus d'impact sur les populations pour leur usage courant ou récréatif de la ressource et sur la biodiversité des cours d'eau. »
La situation est-elle irréversible ?
M.P. : « On est globalement moins bas qu'en 2017 sur la région. Si l'on a un épisode pluvieux, long et modéré, on peut encore recharger, même si la végétation pompe beaucoup d'eau. On n'est pas encore sur des sols totalement dessiqués1, qui vont empêcher l'eau de percoler2 et faire qu'elle ruisselle. On est encore dans des périodes où l'on arrive à faire remonter les nappes, mais à condition qu'il pleuve. »
Propos recueillis par Sébastien Duperay
1. Asséchés.
2. Signifie s'infiltrer dans le sol et de rejoindre, par effet de gravité, les aquifères inférieurs.