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Grandes cultures

Semis direct : une pratique qui nécessite du temps et de la réflexion

Le semis direct est une technique culturale simplifiée qui consiste à introduire directement la graine en terre sans avoir au préalable travaillé le sol entre les rangs semés ou en profondeur. Ainsi, il n’y a ni retournement de la terre, ni décompactage, ni préparation de lit de semence. Tour d’horizon des conditions de réussite, des bénéfices du semis direct mais aussi de ses limites.

Semis direct : une pratique qui nécessite du temps et de la réflexion
En semis direct, il faut s’assurer que le sol soit couvert, si possible en permanence, ceci pour éviter sa dégradation et afin de pouvoir bénéficier d’implantations plus favorables. ©Arvalis

«En semis direct, je diminue ma charge de mécanisation et je sème avec un minimum de travail du sol, ce qui réduit mon impact sur ce dernier », résume Thibaut Ray, ingénieur régional chez Arvalis. « Les objectifs du semis direct sont de limiter les phénomènes d’érosion, de maximiser la biomasse microbienne et les phénomènes naturels du sol, de minimiser les charges matérielles et le temps de travail tout en maintenant les rendements. »
La délégation Rhône-Alpes d’Arvalis réalise un essai de semis direct depuis 2011 sur sa plateforme régionale de Pusignan (Rhône). « Il faut bien compter six ans pour la mise en place du système », prévient Thibaut Ray. Un temps indispensable au développement du microbiote dans le sol, à la compréhension des techniques de semis direct ainsi qu’à l’acquisition du matériel nécessaire pour réaliser dans de bonnes conditions les interventions culturales.

Dans les sols un peu plus durs et plus secs, le recours à des semoirs à dents et socs fins permet d’avoir des résultats intéressants. ©Arvalis

Une couverture permanente

La technique du semis direct demande d’être très vigilant lors des passages d’engins dans les parcelles pour éviter les tassements, et ce notamment au moment des récoltes. Il faut également s’assurer que le sol soit couvert, si possible en permanence, pour éviter sa dégradation et afin de pouvoir bénéficier d’implantations plus favorables, notamment en conditions humides. « La présence de couverts assèche un peu le profil, ce qui peut être un avantage dans certains cas de figure. Par exemple, lors d’un automne humide, semer du blé dans des couverts de trèfle peut être plus facile que dans une parcelle sans couvert et les implantations sont mieux réussies. Mais ce n’est pas toujours le cas : au printemps, semer dans un couvert vivant, c’est très dur, car ça assèche le sol et on part déjà avec une réserve utile quasiment épuisée. Le semis sous couvert reste une possibilité. En revanche, entre deux cultures, dans la mesure du possible, il faut mettre un couvert pour atténuer les effets du tassement et permettre le maintien des structures du sol », explique Thibaut Ray.

L’essai en semis direct conduit depuis 2011 par la délégation régionale d’Arvalis enregistre des rendements plus aléatoires qu’en labour : les quatre premières années sont celles où les rendements ont été les plus bas, sur les suivantes un équilibre économique est parvenu à s’installer. ©Arvalis

Attention aux adventices !

Le semis direct demande également une vigilance accrue par rapport au développement des adventices : « Les programmes de désherbage ne sont pas les mêmes que ceux pour les cultures avec labour et sont souvent plus compliqués. La présence de résidus en surface et l’augmentation de la matière organique sur la partie superficielle du sol ne vont pas permettre aux herbicides de fonctionner tout à fait de la même façon. Même si on essaie de limiter l’usage du glyphosate, on a du mal à s’en passer : une petite dose sera nécessaire tous les ans », commente-t-il.
Autre levier de vigilance : la fertilisation doit être apportée plus tôt. « La présence de résidus mobilise une partie de l’activité microbienne pour sa décomposition. Et tant que le système se met en place, il y a un déséquilibre entre la biomasse à décomposer et la quantité de biomasse microbienne nécessaire pour la décomposition. Les bactéries utilisent des ressources nutritives auxquelles les plantes n’auront pas accès, au moins pendant les cinq à six premières années de mise en place du système. »

La tonte d’interrang pourrait permettre de gagner en autonomie azotée et de contrôler les adventices. ©Arvalis

Des avantages indéniables

La technique du semis direct présente plusieurs intérêts. Le premier : l’infiltration de l’eau est « trois fois plus rapide » dans une parcelle en semis direct, l’eau ne court pas en cas de forte pluie. « En termes de rechargement de la nappe, cela peut avoir un effet très fort », explique Thibaut Ray. Autre bénéfice : « Quand on est en semis direct, on va pouvoir augmenter la durée de croissance des couverts et donc la biomasse que l’on va restituer au sol, avec des effets en surface sur la teneur en matière organique, ce qui est positif pour le stockage du carbone, et sur la stabilité structurale, ce qui in fine va limiter les phénomènes d’érosion ». Ces bénéfices sont à considérer particulièrement dans notre région, avec des terrains sensibles à l’érosion et en pente. Pour l’agriculteur, le semis direct est également un autre type de travail, « avec plus de suivi, moins de temps dans le tracteur, plus de réflexion, ce qui peut avoir des effets valorisants pour le métier », complète l’ingénieur.

Des rendements plus aléatoires

L’essai conduit depuis 2011 par la délégation régionale d’Arvalis enregistre cependant des rendements plus aléatoires qu’en labour. « Lorsque l’on commence à maîtriser les techniques, les rendements ont tendance à s’approcher de ceux des parcelles cultivées en labour. En revanche, les accidents sont plus fréquents qu’en labour, car la prise de risque est plus importante. Certains systèmes agricoles permettront plus facilement de tolérer cette prise de risque : c’est le cas des systèmes diversifiés, où le revenu de l’exploitation ne dépend pas uniquement de la production des céréales. Pour un céréalier pur, la prise de risque peut en revanche être assez grande. Dans l’essai que nous avons mis en place sur la station, nous avons constaté sur l’ensemble de la période - dix ans - que les économies de charge de structure ne couvraient pas les pertes de chiffre d’affaires enregistrées suite aux pertes de rendement : certaines années, les rendements entre semis direct et labour sont équivalents ; d’autres années, les rendements en semis direct ne sont pas au rendez-vous. »
Une synthèse des résultats de cet essai sera disponible à l’automne, annonce Thibaut Ray. Il ressort que les quatre premières années d’essai en semis direct sont celles où les rendements ont été les plus bas, sur les suivantes un équilibre économique est parvenu à s’installer. « On a chiffré, soit l’augmentation du rendement qu’il faudrait réaliser, soit les réductions de charges qu’il faudrait obtenir pour arriver à des résultats équivalents à la culture en labour. » Ainsi, les tâtonnements, tant sur les choix de couverts, la conduite culturale que les options matérielles ont eu raison du chiffre d’affaires, qui ressort globalement dégradé sur les dix années d’essai.

Les techniques et réflexions avancent

En ce qui concerne l’évolution du sol, l’essai conclut à une augmentation globale, entre la surface et moins 60 cm, des stocks de biomasse microbienne, de carbone et de phosphore et potassium assimilables par les plantes. En revanche, la plante a plus de difficultés à se développer dans un environnement plus dense qu’en labour, avec pour conséquence un déficit racinaire. « Nous sommes en train de réfléchir avec le Geda de l’Ozon* à un décompactage minimum à l’échelle de la rotation, soit une année sur quatre, pour redonner de la vigueur à des sols qui ont une tendance à une reprise en masse naturelle. L’idée est de réintroduire un minimum de travail du sol sans mélanger ni perdre l’acquis réalisé les années précédentes. Dans certains sols qui ont des argiles qui restructurent naturellement, on n’en aura peut-être pas besoin, mais dans les graviers de la plaine de Lyon, le décompactage pourrait être nécessaire », explique l’ingénieur d’Arvalis.

Alternatives au glyphosate

Le travail d’Arvalis et des partenaires régionaux (Oxyane, chambres d’agriculture de l’Ain, de l’Isère, du Rhône, Isara et l’association St Ex Innov) se concentre aussi sur les alternatives au glyphosate, avec notamment des tondeuses d’inter-rangs. Celles-ci sont utilisées pour tondre les adventices qui posent problème, en cas par exemple de « loupé de désherbage ». « La tondeuse permet aussi de gérer un couvert d’intérêt, par des tontes successives, notamment des couverts à base de légumineuses qui vont stocker l’azote atmosphérique afin d’augmenter sa disponibilité pour la culture qui suit. » Sur le front du matériel également, dans les sols un peu plus durs et plus secs, le recours à des semoirs à dents et socs fins permet d’avoir des résultats intéressants : « on améliore la régularité de levée et la vitesse de développement des plantes : finalement c’est de la biomasse en plus pour le système. »

Sébastien Duperay

* Geda de l’Ozon : groupe de développement en plaine de Lyon.

Visite d’essai  : « Couverts intermédiaires adaptation à la sécheresse »

Jeudi 16 septembre de 10 h à 13 h, un temps technique est organisé sur la plateforme Saint-Ex Innov (GPS : 45.730 935, 5.076219) pour apprécier les performances de la conduite de différents types de couverts estivaux : interventions de Saint-Ex Innov et de l’Isara sur les fonctions des couverts estivaux ; présentation des objectifs de l’essai et du matériel utilisé ; visite de l’essai et comparaison des résultats des 14 modalités.
Plus d’informations : Éric Farré, chambre d’agriculture du Rhône,  [email protected]