Semer et biner au plus juste

Partant du principe que la précision GPS est insuffisante pour les applications agricoles, des solutions de correction au service du travail du sol sont aujourd'hui largement expérimentées. Les principales sont le système dGPS de correction par satellite et RTK de correction par bases. Ces systèmes sont précieux dans les opérations de binage, de semence et de pulvérisation. « Un des freins à l'utilisation du désherbage mécanique est de pouvoir orienter la bineuse comme on le veut pour ne pas détruire les cultures », constate en préambule Julie Torloting, spécialiste en agriculture de précision et invitée en Isère par la chambre d'agriculture à la ferme du lycée agricole de La Côte-Saint-André, dans le cadre des journées Terres d'innovation.
Pour optimiser le binage, la référente propose plusieurs solutions complétant le guidage satellitaire. En effet, le guidage satellitaire offre une précision à un mètre, ce qui n'est pas suffisant en agriculture. Pour augmenter la précision, il convient donc d'utiliser des systèmes correcteurs, dGPS ou RTK. A savoir : le premier offre une précision de passage à passage et le second donne une précision à tout moment, de 3 à 5 cm.
dGPS ou RTK ?
Le système dGPS consiste en une console et un système de guidage du tracteur. La correction par satellite (de l'ordre de 30 cm) est mesurée entre deux passages. « Plus les passages sont de courte durée et plus la précision est fine, indique Julie Torloting. A partir du moment où une précision de 10 cm est requise, il faut un abonnement. » Les correcteurs Egnos (universels) et SF1 (John Deere) sont gratuits. Omnistar VBS et Omnistar XP-HP ainsi que SF2 de John Deere requièrent un abonnement payant mais offrent une plus grande précision. Teria, Précisio et Sat-info proposent également une correction dGPS.
Le système RTK peut être adossé à un dispositif de balises dites « propriétaires » et, dans ce cas, la correction est transmise seulement au système de guidage de la balise. De plus en plus souvent, il est associé à un réseau de balises, comme un réseau de Cuma qui investissent dans les balises en commun, lesquelles sont plutôt positionnées en hauteur. Chaque balise a une fréquence différente. Cette mutualisation permet une maîtrise des coûts. Le tracteur est équipé d'une antenne bi-fréquence et d'une antenne radio, d'un système d'autoguidage et éventuellement d'une carte Sim. Si le réseau est mis en place par les acteurs agricoles, un abonnement sera requis. Ces systèmes sont soumis à une redevance à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Il s'agit d'un abonnement à l'année pour les fréquences (il peut être gratuit ou payant). Le propriétaire est responsable de la fréquence de sa balise.
Eviter les décalages
Le concessionnaire Bonfils en Isère a déjà implanté son propre réseau de balises : une dans le Bièvre, à Pajay avec un répéteur à Ornacieux et une à Montagnieu plus particulièrement dédiée à la Cuma de la plaine de Faverges. « Nous allons bientôt en implanter une dans la plaine de Lyon », indique Florian Bouvier, technico-commercial des Etablissements Bonfils à La Côte-Saint-André. Pour lui, les avantages sont évidents : éviter les gros décalages entre le moment du binage et celui où l'on sème, mais aussi un gain d'efficacité et de temps significatifs dans le travail du sol. L'investissement est conséquent, car il faut compter environ 20 000 euros pour le système de guidage et les antennes. Mais un tracteur équipé peut tourner dans plusieurs exploitations ou bien un système mobile peut être adapté sur plusieurs tracteurs. Le système choisi (RTK radio John Deere) fonctionne sans carte Sim, sur fréquence radio « pour ne pas être dépendant d'un opérateur téléphonique », indique Florian Bouvier. En même temps qu'il s'équipe, le client agriculteur loue un signal à Bonfils en s'acquittant d'une cotisation annuelle. « Nous enregistrons une forte demande pour ces systèmes notamment pour les maïs et tournesol semence. D'autant qu'il sont utilisables pour toutes les applications agricoles de travail du sol », constate le technico-commercial. Quant aux retours terrain, ils sont sans appel : « Les agriculteurs se demandent comment ils travaillaient avant sans cela. C'est un gain de temps, les parcelles sont plus jolies et ils consomment moins de carburant ».
Multiplier les passages
Pour Julie Torloting, « dGPS offre une précision relative tandis que RTK donne une précision absolue (à 5 cm) ». Elle insiste sur plusieurs points : Le système d'autoguidage du tracteur doit être capable de lire le dispositif, c'est-à-dire être équipé d'une assistance au guidage (diode ou écran). De plus, avec ces systèmes de guidage, plus la largeur de l'outil est réduite et plus l'autoguidage a d'intérêt. Car en multipliant les passages sur une parcelle, on augmente la précision et on baisse les recouvrements. On obtient ainsi 70 cm de recouvrement en moyenne. Au bout, le gain de surface est de 1 à 3 %, notamment en pulvérisation. Pour des outils de quatre mètres, le gain de surface peut être de 18 %. Pour l'exploitant, ces systèmes apportent une meilleure rentabilité économique et un confort de travail. De plus, il augmente les fenêtres d'intervention. L'autoguidage permet de réaliser des économies d'engrais ou de produits phytosanitaires de l'ordre de 4 %. Et avec un dispositif coupure de tronçon sur pulvérisateur, l'économie supplémentaire est de 2 %.
« Il existe un système de guidage et de précision pour chaque application agricole », note enfin Julie Torloting. Il s'agit de trouver le meilleur compromis entre le prix et la précision. « Dès qu'on est sur des systèmes maïs, un investissement type RTK est à privilégier au regard de la rentabilité économique et des consommables. Le taux d'équipement en grandes cultures est, aujourd'hui, de 80 % en Ile-de-France », précise-t-elle. Cependant, dans les régions où il y a des systèmes mixtes ou d'élevage, le guidage est encore peu généralisé mais tend à se développer.
Isabelle Doucet
La Cuma voit l’autoguidage en grand
Associé d’un Gaec de 130 hectares à Creys-Mépieu, Yves François est président de la Cuma de la plaine de Faverges. La coopérative a opté relativement tôt pour une agriculture de précision, s’équipant d’un pulvérisateur doté d’une rampe de 27 mètres avec coupure de tronçon et du premier système de binage dGPS SF2 de John Deere. « Cela nous a permis d’obtenir de grandes précisions. Toutes les parcelles sont entrées dans une base de données. Ainsi, il nous est impossible d’épandre chez le voisin. Cela nous évite les doublons et nous pouvons travailler de nuit. Par exemple, nous produisons des semences de colza et nous rencontrons des problèmes de traitement en raison des abeilles. Désormais, nous pouvons traiter le soir car avec ce système, tout est visible depuis la console », témoigne Yves François. La Cuma décide ensuite de souscrire à un système de correction RTK. « Nous faisons beaucoup de maïs semence et nous l’utilisons sur 600 hectares. Bien que les protocoles soient compliqués, avec l’achat d’un striptill, la précision est d’autant plus importante pour semer dans les traces. Nous avons procédé à des essais sur du maïs semence et du soja en 2014 et les résultats sont concluants. Cela donne des fenêtres de travail intéressantes, notamment en agriculture de groupe. Aujourd’hui, trois tracteurs sont équipés, ainsi que le pulvé. Bientôt, tous les engins le seront. Mais les économies réalisées en carburant, produits et semences sont encore difficiles à estimer », explique l’exploitant. La cuma a investi environ 50 000 euros pour l’ensemble de ces équipements et a bénéficié d’aides du conseil régional au titre du développement de techniques alternatives. Le conseil général de l’Isère a également aidé la cuma pour l’achat du striptill. « L’agriculture de précision ne règle pas tous les problèmes mais représente un élément à ne pas négliger », conclut Yves François, qui insiste sur l’importance d’un service après-vente efficace pour tout équipement de correction satellitaire.I. D.