Santé : préserver le cœur des femmes

Voilà un domaine où la gent féminine se serait bien passée de surpasser son homologue masculin. Sur les 147 000 personnes qui décèdent chaque année en France d'une maladie cardiovasculaire, 54 % sont des femmes. C'est aujourd'hui, et de loin, la première cause de mortalité chez la femme avec un décès sur trois.
Mode de vie pointé du doigt
Et si les autorités sanitaires, à l'image de la fédération française de cardiologie, s'inquiètent plus particulièrement depuis quelques années, c'est que la fréquence des accidents cardiaques féminins progresse alors qu'elle diminue chez les hommes ! Longtemps, elles ont pourtant été moins touchées que leurs homologues masculins, grâce à la protection naturelle de leurs hormones (œstrogènes), mais l'évolution de leur mode de vie a changé la donne. Les « responsables » sont à peu près connus, les écarts à une bonne hygiène de vie (tabagisme, manque d'activité physique, mauvaise alimentation, abus d'alcool, stress) causent 80 % des maladies cardiovasculaires.
Les mœurs ont en effet changé. Les femmes sont devenues des fumeuses aussi « accros », voire plus, que les hommes, la cigarette devenant l'anti-stress et l'anti-prise de poids.
Et puis l'association entre un contraceptif contenant un œstrogène de synthèse et l'usage de tabac constitue un cocktail détonnant. Il multiplie par 30 le risque d'infarctus ! Enfin, la consommation d'alcool, une alimentation déséquilibrée, la précarité réduisent également les effets des œstrogènes.
De plus en plus tôt
Pire encore, l'âge moyen des femmes victimes d'un infarctus du myocarde ne cesse de baisser. Aujourd'hui, 11 % des victimes ont moins de 50 ans contre seulement 4 % en 1995. Bref, fini le cliché de l'homme bedonnant et fumeur de 50 ou 60 ans comme cible privilégiée de l'infarctus. Double peine pour ces dames, les conséquences des incidents cardiaques sont plus graves pour elles que pour ces messieurs. Ainsi, au final, 55 % des accidents cardiaques sont fatals chez les femmes contre « seulement » 43 % chez les hommes.
La raison ? Elles sont prises en charge en moyenne une heure plus tard. Car souvent, elles ne reconnaissent pas les symptômes de l'infarctus, l'imaginant réservé aux hommes...
Et puis, elles ont tendance à sous-estimer les symptômes, à ne pas se plaindre.
Et même à l'hôpital, la prise en charge par un cardiologue est plus tardive. Certains a priori ont la vie dure ! Car évidemment, la rapidité de la prise en charge reste déterminante pour augmenter les chances de survie. Enfin, autre désavantage du corps féminin, ses artères, plus fines, se bouchent plus facilement. Et pour que l'inégalité soit complète, signalons que les femmes touchées par un infarctus non fatal connaissent une réadaptation plus difficile que les hommes, avec des chances de récidive plus forte. Après une opération cardiaque ou une angioplastie coronaire, la réadaptation (programme incluant exercices physiques et séances d'éducation thérapeutique) est essentielle.
« Malheureusement les femmes y participent moins que les hommes, se retranchant la plupart du temps derrière leurs responsabilités domestiques et le manque de temps ou d'énergie », déplore la cardiologue Marie-Christine Iliou. « Mais il n'y a pas de fatalité, conclut le professeur Claire Mounier-Vehier, présidente de la fédération française de cardiologie (FFC). Devenons actrices de notre santé, en particulier sur les trois phases clefs de notre vie hormonale : première contraception, grossesse et ménopause. »
David Bessenay à partir d'un communiqué de la FFC
INFARCTUS ET AVC / Les caillots de sang qui bouchent les artères coronaires ou cérébrales empêchent l’alimentation du cœur et du cerveau.
Des symptômes différents de ceux des hommes
Douleur au niveau du thorax qui irradie le bras gauche jusqu’à la mâchoire. Ce symptôme « classique » de l’infarctus peut concerner les femmes mais il est plus rare. Elles doivent également être attentives à d’autres signes avant-coureurs : douleurs dans la poitrine, dans l’épaule, palpitations durant un effort, forte fatigue… Souvent ces symptômes sont simplement associés au stress ou à un « coup de pompe » passager. C’est encore le cas des nausées, vomissements, douleurs dans l’estomac que l’on lie trop facilement à des problèmes digestifs. Concernant l’AVC, les femmes sont touchées par les symptômes habituels dans ce cas (faiblesse musculaire d’un bras ou d’une jambe, engourdissement d‘une partie du visage, troubles du langage ou de la vision, maux de tête) mais également par d’autres moins connus et plus spécifiques : perte d’équilibre, étourdissements, palpitations, nausées et souffle court.
TÉMOIGNAGE / Les accidents de santé n’arrivent pas qu’aux autres. Et même quand ils se terminent bien, il n’est pas si simple de garder le moral et de repartir du bon pied.
“ Il faut apprendre à s’écouter ”
C’était le jour de Noël 2017. Françoise(1), âgée alors de 64 ans, était affairée dans sa cuisine à préparer le repas de fête, en présence de son fils et de sa belle-fille quand la situation a dégénéré. « Pendant trois heures, je ne savais plus où j’étais. J’ai repris mes esprits plus tard à l’hôpital où mon fils m’avait conduit. On m’a fait passer un scanner, il n’y avait pas d’AVC et l’électrocardiogramme était satisfaisant. On m’a expliqué que j’avais fait un AIT (accident ischémique transitoire). Je me suis rendu compte de rien ! En revanche, ça a été traumatisant pour mon entourage. » Dans la littérature médicale, ce phénomène, une baisse temporaire de la perfusion sanguine, est quand même classé en AVC, mais sans dégât. Il est considéré comme une urgence thérapeutique.Récupération difficileAvec le recul, Françoise a bien sûr cherché à retrouver les signes annonciateurs de l’accident. Elle se souvient « avoir beaucoup toussé la semaine précédente et très peu dormie. Et puis, je fais des montées de tension parfois ». Est-ce qu’une visite chez le médecin traitant aurait évité l’AIT ? Pas sûr. « Le personnel soignant m’a dit de ne pas trop chercher à comprendre. On ne sait pas précisément ce qui déclenche l’AIT. » Ce qui est certain en revanche, c’est que les jours suivANTS ont été difficiles. « J’étais très fatiguée. Encore aujourd’hui, j’ai l’impression de ne pas avoir récupéré totalement. Ni mon énergie, ni ma mémoire, ni ma concentration. Parfois, j’ai l’impression de flotter. Au travail, j’ai dû batailler, mais désormais, je suis à la retraite », confie-t-elle, soulagée. Conséquence de cet épisode, elle prendra à vie un médicament diurétique quotidien « mais pas de bêtabloquants. »Accepter de vieillirFrançoise a participé aux ateliers d’éducation thérapeutique (2) proposés par la MSA. Mis en place dès 2007 pour faire face à l’augmentation des personnes souffrant de pathologies cardiovasculaires, ces ateliers aident les patients à mieux connaître leur maladie, à comprendre leur traitement et à coopérer avec les soignants. Bref, à mieux vivre avec leur pathologie. La jeune retraitée confirme cette définition : « Oui, j’ai appris à mieux me connaître, à me gérer moi-même. On essaye de prévenir, de détecter des signes », explique-t-elle. Bien sûr, la récidive fait partie des possibilités mais « c’est aléatoire, certains n’en font jamais, d’autres en font plusieurs. Une chose est sûre, désormais, quand je sens que je ne suis pas au top, je m’arrête. Il faut savoir s’écouter ». Au-delà de son accident de santé cardiovasculaire et des ateliers thérapeutiques, c’est plus globalement une nouvelle étape de la vie que Françoise doit appréhender. Accepter son âge, accepter de vieillir. « J’ai 65 ans, et j’ai bien conscience qu’on ne peut pas être et avoir été. Bien sûr, parfois, je me dis : “mince…”. Mais j’ai conscience qu’il y a des gens qui ont vécu des choses bien plus graves que moi. Ma sœur est décédée à 42 ans. Alors je me bats et je profite. Je rentre de 15 jours en Martinique. Et quand je sens que mon moral baisse, je me remotive et je prévois une sortie pour le lendemain », conclut-elle, optimiste. D. B.(1) : Prénom d’emprunt.(2) : La MSA propose d’abord un diagnostic individuel suivi de trois séances de groupe, animées par un professionnel de santé. Les modules suivants sont abordés : le vécu de la maladie, les facteurs de risque, la nutrition et la diététique, l’activité physique, l’auto-surveillance et les signes d’alerte, la connaissance du traitement.
Appli Sauv Life / La technologie au service de la vie
Médecin urgentiste au Samu de Paris, Lionel Lamhaut a lancé en 2018 l’application Sauv Life. Concrètement, elle permet de géolocaliser toutes les personnes proches d’une victime pour intervenir avant l’arrivée des secours. Pour rappel, le taux de survie ne dépasse pas 5 % après un arrêt cardiaque. Et l’espérance de vie diminue de 10 % chaque minute qui passe, sachant que le temps d’intervention moyen des secours en France est de l’ordre de 13 minutes, un peu plus en zones rurales... Le défi est donc de taille même si certains professionnels sont prudents quant aux compétences des gens qui s’inscrivent. Toutefois, d’après des témoignages et des cas concrets, l’application aurait déjà permis de sauver des vies. À ce jour, 100 000 citoyens sauveteurs dans 18 départements sont inscrits. Dans la région, le déploiement est réalisé, ou en cours de l’être, dans les départements de la Loire, du Rhône, de l’Ain, de la Drôme, de la Haute-Savoie et de l’Isère.