Salariés saisonniers : difficiles à recruter...

Les difficultés à recruter du personnel dans le monde agricole « vont crescendo », estime de plus en plus de responsables agricoles. Le problème n'est pas simple. Les employeurs et les salariés du secteur agricole n'ont pas tous les leviers de commande en main. Il n'existe pas de statistiques décrivant ce phénomène et encore moins pour l'analyser, indique-t-on à la MSA. Récemment, c'est le syndicat général des vignerons de Champagne (CGV) qui s'est fait écho de difficultés particulières à recruter pour les vendanges 2018 particulièrement hâtives. « Nous pensions recruter des étudiants. Mais ils n'étaient pas disponibles », a rappelé Christophe Pernet, son président. Par ailleurs, la moindre disponibilité des étudiants s'explique également par des rentrées un mois plus tôt que dans les années 1990. Dès lors, il faut aller chercher du personnel au-delà des villes de proximité, voire au-delà des frontières. La difficulté à trouver des travailleurs saisonniers locaux se retrouve dans les vignobles de Bourgogne, des Côtes-du-Rhône, de Savoie, en arboriculture, en maraîchage, pour la castration des maïs, et dans la plupart des départements français.
La pratique des saisonniers logés par l'employeur se raréfie
De nouvelles difficultés apparaissent. Par exemple, la pratique des saisonniers logés par l'employeur est en train de disparaître. Le monde agricole met en cause une réglementation trop contraignante sur les conditions d'hébergement des saisonniers qui dissuade les viticulteurs. Un décret de 1995 impose un logement de neuf mètres carrés pour le premier saisonnier, puis six mètres carrés par salarié supplémentaire. Par exemple, dans le Rhône, il est interdit d'accueillir des saisonniers dans des tentes ou sur des lits superposés. Le nombre de lavabos est fonction du nombre de salariés. Dans des bâtiments qui n'ont pas été construits pour cela au départ, ces contraintes rendent souvent impossibles l'accueil sur le domaine. Pour la Fnaf-CGT, le syndicat CGT de l'agriculture et de l'agroalimentaire, « le coût du logement des saisonniers n'est pas un argument. Ce sont les vignobles les plus riches, où la valeur de l'hectare est la plus élevée, qui ne veulent pas respecter les règles de logement », s'est insurgée une responsable du syndicat. Celle-ci a toutefois concédé que « le petit viticulteur du coin peut avoir du mal à loger ses vendangeurs ». Cependant, construire des logements aux normes pour 10 à 20 nuits dans l'année n'est pas efficient économiquement.
Des rémunérations trop faibles
« Les salaires sont insuffisants par rapport à la pénibilité du travail », diagnostique Denis Beauger, salarié agricole dans une exploitation viticole et président de l'association des salariés agricoles de la Gironde. Ce constat, qui concerne autant le cas des saisonniers que celui des permanents, est aussi celui de la Fnaf-CGT : « Il ne faut pas se plaindre qu'on ne trouve pas de personnel, les salaires sont bas et le travail est difficile ». Pour le syndicat, « c'est vrai pour l'ensemble de l'agriculture ». Le Smic est à 1 521 euros brut, soit 1 201 euros net par mois. « La différence avec l'indemnisation du chômage n'est pas assez incitative, reprend Denis Beauger. Quand la différence entre se déplacer pour aller travailler est à peine de 500 euros, une fois que l'on enlève les frais de transport, de garde d'enfants ou autres, beaucoup font leur calcul et préfèrent rester à la maison ». En revanche, si le Smic était à 2 000 euros bruts, il permettrait d'obtenir un salaire net mensuel de 1 500 euros, et là, « beaucoup plus de monde irait travailler », assure-t-il. Pour Bernard Farges, le président de la confédération des AOC viticoles, c'est « le système social français qui favorise la précarité, plus subie que choisie. Ce n'est pas sain pour le marché du travail. On voit alors de plus en plus de sociétés de prestations offrant le travail de salariés étrangers pour des missions précises, à côté de gens qui attendent un travail à quelques kilomètres de là. »
Travail de moins bonne qualité
Une conséquence de ce faible différentiel est qu'il favorise le travail intermittent, alternance de périodes d'emplois (précaires) et de chômage. Ce mode de vie n'incite pas à la qualification ni à la motivation pour un métier, et contribue à l'augmentation du nombre de « salariés de passage ». Cette situation est à la fois dommageable pour les employeurs et pour les salariés. Pour Philippe Joly, viticulteur à Jarnac, le pays du cognac, l'idéal est d'embaucher des salariés motivés et capables de s'autogérer.
« Nous préférons travailler avec les salariés qui font le travail le plus qualitatif, car nous devons faire mieux que le voisin. Sur mon exploitation, j'ai quatre permanents. S'il se met à faire beau alors qu'il était prévu qu'il pleuve et qu'ils devaient rester chez eux, ils vont bosser, ils le savent d'eux-mêmes et ils récupéreront leurs heures un autre jour. » Pour les salariés, la précarisation dissout toute sécurité et stabilité de l'emploi. « Les CDD et les CDI sont remplacés par des prestations. Nous devenons des bouche-trous », dénonce Denis Beauger.
CP avec Agrapresse
GROUPEMENTS D’EMPLOYEURS / Les FDSEA - avec les organisations agricoles - encouragent, depuis plusieurs années, la mise en place des groupements d’employeurs départementaux. Ces derniers apportent une réponse opérationnelle aux problèmes de main-d’oeuvre sur les exploitations agricoles.
L’emploi partagé, une solution pour les exploitations
L’objectif d’un groupement d’employeurs est de mettre des salariés à disposition d’adhérents qui ont un besoin ponctuel de salariés. Le groupement d’employeurs a pour mission principale de mutualiser les savoir-faire, les procédures et les moyens et de faciliter ainsi les échanges de pratiques améliorant la qualité des services. Son principal avantage est qu’il offre de la sécurité à la fois pour les salariés et pour les entreprises adhérentes. En effet, c’est le groupement, en tant qu’employeur, qui va s’occuper des formalités administratives, notamment du contrat de travail et des bulletins de paie. Quant au salarié, il n’aura qu’un seul employeur et pourra bénéficier d’un temps plein grâce aux besoins des différents adhérents du groupement. Enfin, il permet aux entreprises de s’adapter rapidement aux aléas liés à l’activité agricole. Les multiples intérêts du groupement d’employeurs font que l’emploi partagé ne cesse de se développer ces dernières années, en particulier dans le milieu agricole, où il constitue une vraie réponse aux besoins d’emplois en zone rurale.L’ensemble des métiers agricoles représenté
EMPLOI / Contrairement à une idée encore répandue, les contrats saisonniers sont soumis à un cadre juridique très strict. Passage en revue des nombreuses obligations légales qui incombent à chaque employeur.
Contrat saisonnier : un CDD comme les autres
Si l’emploi saisonnier est inscrit depuis de nombreuses années dans le paysage agricole, il a fallu attendre 2016 et la loi Travail pour qu’il dispose d’une définition précise dans le Code du travail. Depuis cette date, est considéré comme tel un « emploi à caractère saisonnier dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ». Le Code du travail ne prévoit pas de contrat spécifique à l’emploi saisonnier qui peut s’effectuer dans le cadre d’un contrat de travail temporaire, intermittent ou à durée déterminée. Dans la plupart des cas, les entreprises ont recours à un CDD ayant pour motif une activité saisonnière et ce sont donc les règles qui régissent le contrat à durée déterminée qui s’appliquent.Les droits du travail existent aussi pour les saisonniers