Retour du petit gibier : « un révélateur du bon état des agrosystèmes »
Ce samedi 6 avril, à Loriol, la fédération des chasseurs de la Drôme (FDC 26) réunira ses troupes pour son assemblée générale annuelle. L’occasion aussi de fêter ses 100 ans. Le point avec Rémi Gandy, président, sur les dossiers qui mobilisent le monde de la chasse en Drôme.

La Fédération des chasseurs de la Drôme tient son assemblée générale le 6 avril. Quels sont les éléments marquants de l’année écoulée ?
Rémi Gandy : « Notre priorité reste la sécurité. Lors de la saison de chasse écoulée, nous n’avons connu aucun accident en Drôme. Cela montre que le travail sans cesse renouvelé et complété sur le sujet paye. Depuis deux ans, nous avons aussi créé un groupe de travail réunissant sur ce sujet la fédération des chasseurs et l’office français de la biodiversité (OFB). Très concrètement, à partir des remontées de terrain, ce groupe vérifie sans cesse que les messages soient clairs, précis, intelligibles notamment pour les gens qui sont en charge des battues au grand gibier sur le terrain. Nos chasseurs sont sérieux et, si jamais certains ne le sont pas, c’est notre boulot de les mettre au pas.
Autre sujet important pour nous : nous arrivons en fin du plan de chasse triennal au grand gibier. Pour le cerf et le chevreuil, 88 % des attributions ont été réalisées. C’est un bon résultat, classique pour ces ongulés, qui traduit un effort de chasse sérieux et constant. L’équilibre agri-cynégétique a ainsi été respecté durant ce plan puisque ces deux espèces concernent aussi l’agriculture, le cerf étant capable de créer des dégâts en grandes cultures et le chevreuil en arboriculture, viticulture, maraichage…
Sur le chamois, nous sommes à 78 % de réalisation. Nous constatons une baisse des populations sur certains secteurs de basse altitude donc, localement, nous allons devoir baisser encore les attributions. Certains nous disent que c’est lié au changement climatique mais nos observations montrent que le phénomène n’est pas généralisé et que le loup est, sur certains secteurs, à l’origine de cette baisse.
On peut aussi noter comme élément marquant le retour du petit gibier. Un retour éclatant pour le lièvre et remarqué pour la perdrix rouge et, localement, pour le faisan. Cette bonne santé peut être attribuée à la gestion des espèces que nous avons engagée depuis plusieurs années mais surtout à une amélioration constante de la qualité des habitats en milieu agricole. Sur l’année écoulée, nous avons contribué en commun avec la chambre d’agriculture à la plantation de 8 km de haies*. Sans oublier l’ensemencement de 1 000 ha de Cipan** biodiversité. On peut d’ailleurs souligner que le retour de la perdrix rouge est un révélateur du bon état des agrosystèmes et que bien d’autres espèces, hors gibier, en profitent. »
Qu’en est-il des populations de sangliers ?
R.G. : « Même si cela n’empêchera jamais l’apparition de dégâts, nous avons encore cherché à limiter sérieusement l’espèce. Notre objectif annuel est un tableau de 10 à 12 000 sangliers. Pour la saison de chasse du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, nous sommes un peu en deçà, à 9 500. Ceci est lié à une mauvaise fructification forestière et donc à des difficultés de reproduction pour l’espèce. Pour la saison cynégétique en cours, nous sommes déjà à 10 600 sangliers prélevés.
En ce qui concerne les dégâts aux cultures, nous restons sur quelque chose de très limité même si certains agriculteurs sont plus touchés que d’autres, notamment sur des secteurs comme le Diois qui présentent des trouées agricoles au milieu de zones très forestières. Bien sûr nous poursuivons les opérations de prévention avec les clôtures. »
Votre fédération fête en ce mois d’avril ses 100 ans. Que retenir de cet anniversaire ?
R.G. : « C’est l’occasion, en faisant le parallèle entre 1924 et 2024, de mesurer les changements tant dans la société en général que dans la ruralité. À l’époque la chasse était surtout centrée sur les zones agricoles. Les zones forestières intéressaient peu. On mesure aussi le changement radical entre ce qu’était la fédération initiale, avant tout un “club de notables”, et ce qu’est aujourd’hui la FDC 26, c’est à dire une société de services, une véritable PME avec dix-sept salariés, qui défend la chasse populaire. Un film, retraçant cette évolution et les grands changements législatifs qui ont marqué ces 100 ans, sera diffusé lors de notre assemblée générale. »
Fin janvier vous avez adressé votre soutien à la mobilisation historique du monde agricole. Quels sont les sujets sur lesquels vous partagez des préoccupations communes avec les agriculteurs ?
R.G. :« Notre premier point commun c’est que, chasseurs comme agriculteurs, nous sommes des composantes importantes de la ruralité. Nous partageons des problématiques communes qui nous rassemblent régulièrement dans des mêmes réunions. Une chose nous réunit aussi particulièrement, c’est l’agri et le chasse-bashing qui sont intolérables. Nous sommes présentés par certains comme des ennemis de l’environnement, nous subissons des dégradations, des intrusions… Et ça nous le vivons en commun avec les agriculteurs parce que, si on regarde les actions menées ensemble, les haies plantées, les Cipan, les opérations bord de champ, on ne peut pas dire que nous sommes des gens sans conscience de la biodiversité. Un certain discours “parisianiste” plane sur l’écologie. Heureusement sur le terrain, la ruralité porte des valeurs qui sont plus proches de la discussion entre les différents acteurs. L’appel que nous avons lancé à soutenir le mouvement des agriculteurs était avant tout un acte de solidarité rurale. »
Quelles seront les priorités de votre fédération pour 2024 ?
R.G. : « La première des priorités reste la sécurité à la chasse, avec une vigilance et des rappels permanents. Ensuite, la gestion des dégâts, toujours au plus proche du terrain. Nous faisons aussi une priorité de l’amélioration des habitats, sachant que sur les haies notre travail avec les agriculteurs a été labellisé dans le cadre du plan haie. Cela pourrait permettre d’amplifier notre action dans la Drôme. Enfin, avec les agriculteurs, nous avons des enjeux de communication. Par exemple on sait que les pigeons ramiers et les corvidés ont commencé à faire des dégâts sur les semences. Les agriculteurs peuvent se rapprocher de l’ACCA locale ou de la FDC 26 pour demander l’intervention des chasseurs. Enfin, nous comptons maintenir le dialogue permanent qui existe dans notre département, que ce soit avec la chambre d’agriculture, les différents syndicats agricoles, les forestiers… C’est dans l’ADN de la fédération des chasseurs de la Drôme de travailler ensemble. »
Propos recueillis par Sophie Sabot
* Dans le cadre de l’écocontribution, en partenariat FDC 26 / chambre d’agriculture, 28 bénéficiaires ont été accompagnés pour planter près de 8 km de haies. Dans le cadre de la dernière année du plan de relance, la FDC 26 a aussi accompagné 5 agriculteurs, pour 2,1 km de haies. Soit au total près de 10 km pour la campagne 2023/2024.
** Culture intermédiaire piège à nitrates.
Des chiffres
En Drôme
10 600 titulaires du volet annuel du permis de chasser sur la dernière saison de chasse.
Opération « j’aime la nature propre »
Le 16 mars, la FDC 26 a participé à l’opération nationale « J’aime la nature propre ». En Drôme, 410 personnes ont récupéré plus de 190 m³ de déchets (1 700 m³ à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes). Rémi Gandy remercie les agriculteurs qui ont mis à disposition tracteurs et remorques.