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QUESTIONS À

« Récompenser des produits ayant du caractère et de la typicité »

Christian Janier, fromager-affineur de Lyon et Meilleur ouvrier de France section Fromager en 2000, parrainera cette année le concours des fromages de France Fromaniac, qui se déroule ce week-end à Saint-Agrève (07).
« Récompenser des produits  ayant du caractère et de la typicité »

Quel regard portez-vous sur le concours Fromaniac dont vous êtes le parrain pour cette édition 2019 ?

Christian Janier : « Je suis honoré de la demande d'Élodie Marinho*. La plupart des concours de fromages en France sont portés par des institutions locales comme des chambres d'agriculture ou d'autres bien entendu au niveau national, chacun ayant sa propre identité en fonction des organisateurs. Le concours des fromages de Fromaniac reflète une belle personnalité, celle d'une productrice qui sait de quoi elle parle. Cela fait la différence. C'est très intéressant. La crédibilité du concours est là. »

 

Que peut apporter aux producteurs ce type de concours, désormais installé sur la scène nationale ?

C. J. : « C'est une émulation et une reconnaissance pour les producteurs qui sont souvent seuls dans leur coin. Avec l'isolement, on pense parfois bien faire alors qu'on est hors sujet. Participer à ce type de concours permet de s'en rendre compte, de voir si on est dans le vrai. Un concours, c'est comme un point d'étape. On est jugé par ses pairs et des professionnels. Cela permet de se demander comment faire pour s'améliorer, donner à ses fromages une personnalité et des particularismes. À Fromaniac, nous serons là pour récompenser des producteurs qui travaillent encore dans le respect des animaux, du terroir, du lait. En fonction de leur note, ils pourront ensuite demander plus de précisions aux membres du jury pour s'améliorer. Ce concours permet aussi de tisser des ponts entre producteurs, de partager ses expériences. La reconnaissance est au rendez-vous. »

 

Vous commercialisez des produits fermiers et artisanaux de grande qualité. Comment évaluez-vous la qualité d'un fromage ?

C. J. : « L'important pour moi est de trouver des produits qui ont du caractère et de la typicité. Un fromage caprin doit être vraiment caprin, on doit sentir que c'est de la chèvre. Si un produit n'est pas parfait esthétiquement - ce qui peut être pénalisant - mais qu'il possède des caractéristiques organoleptiques exceptionnelles, il a alors toute sa place pour être primé. »

Concrètement, quelles sont les étapes incontournables pour se faire une idée de la valeur d'un fromage ?C. J. : « Sur la dégustation de base, la majorité des points donnés lors du concours portent tout d'abord sur les senteurs puis les goûts (acide, amer, sucré, salé) et, enfin, les arômes. Nous allons briefer les jurés au départ afin de leur expliquer vers quoi tendre. La pertinence de la notation dépend de son étalonnage et du référentiel des jurés, c'est-à-dire arriver à classifier de nombreux produits et de les noter par rapport à ce que l'on a goûté auparavant. Je ne donne jamais des notes fermes et définitives sur les premiers produits, je les adapte après en avoir goûté d'autres car nous pouvons parfois surévaluer ou sous-évaluer un produit au départ. Nous ne sommes pas infaillibles.
Il y a trois choses qui expliquent qu'un produit ait plus ou moins de goût : la race utilisée, le terroir et le tour de main du fromager qui est rattaché à l'histoire du fromage. »

Cette année, les trois AOP des « bleus de caractère » sont mis à l'honneur. Quels sont leurs atouts selon vous ?

C. J. : « Pour moi, ces trois AOP (Vercors-Sassenage, Gex Haut-Jura, Fourme de Montbrison) sont des bleus de terroir relativement doux au niveau du palais. Nous sommes, là, sur du lait de vache qui se définit selon la saison : fourrage sec ou fourrage humide. Quand les vaches paissent et sont au pré, il y a une diversité dans l'herbe fraîche qui n'existe plus dans le foin ; cela apporte évidemment plus d'intensité et une palette aromatique beaucoup plus développée. Chacun de ces trois fromages à son propre terroir bien défini, ce qui donne des produits très différents. Il y avait aussi à la base de ces fromages, des races de vache adaptées à leur terroir : la villarde pour le Vercors-Sassenage, la montbéliarde pour le Gex et la ferrandaise pour la fourme de Montbrison. Bien que la montbéliarde soit toujours très implantée en France, la villarde et la ferrandaise sont des races qui ont failli disparaître. Quand on a la chance d'avoir des producteurs qui travaillent avec ces laits de vache de races endémiques, nous avons un produit qui est davantage caractérisé ensuite. Si j'avais une petite critique à formuler, plus sociétale qu'autre chose, c'est que nous allons vers des goûts plus resserrés sur ces fromages. Quand j'ai commencé à travailler comme fabricant, il y avait plus de 40 laboratoires français qui fournissaient de nombreuses souches de penicillium. Aujourd'hui, il y a de moins en moins de souches de fermentation disponibles et le goût des fromages s'en ressent. nPropos recueillis par Anaïs Lévêque
* Élodie Marinho est la présidente de l'association Le plateau gastronome, organisatrice de Fromaniac.

 

Fromaniac / 350 produits laitiers en lice !
Fin août, 80 producteurs étaient déjà inscrits au concours des fromages de France de Fromaniac, organisé ce dimanche 8 septembre. Mais une dizaine de producteurs supplémentaires rejoindront la compétition d'ici là, a annoncé l'association organisatrice Le plateau gastronome. Cette année, le concours n'est plus régional mais national et accueillera donc des produits venus de toute la France. 350 produits laitiers français, qu'ils soient fermiers, artisanaux, issus de coopératives, au lait cru ou pasteurisé, seront évalués et départagés par plus d'une centaine de jurés. Chaque table de notation sera composée d'un maître-fromager, d'un crémier-fromager, d'un producteur et d'un amateur, sélectionnés par l'association. À l'issue de ce concours, trois « meilleurs fromages de France » seront élus parmi les médaillés d'or et remporteront une inscription au Concours général agricole (CGA) de Paris.