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Perspectives

Quelle pulvérisation en 2030 ?

Comme pour les autres matériels, le pulvérisateur utilisera de plus en plus d’intelligence artificielle dans le but de cibler l’intervention au bon endroit sur la parcelle afin de la rendre plus efficiente et d’en réduire les doses.
Quelle pulvérisation en 2030 ?

L'architecture d'un pulvérisateur restera la même que ce que l'on connaît aujourd'hui, à savoir une rampe, des buses, une pompe et un GPS. En revanche, la gestion de la pulvérisation se « digitalisera ». Cela veut dire que la machine, au travail, analysera en continu les zones à traiter grâce à des capteurs de végétation embarqués sur la rampe ou en étant connectée à des satellites d'observation de la végétation qui fourniront « du data » à la machine. Les drones pourront aussi faire partie des outils d'aide à la décision en reconnaissant au préalable des problèmes sanitaires au champ et en transmettant au pulvérisateur les données qui seront exploitées par l'intelligence artificielle de la machine pendant le traitement au champ.

Détecter et modéliser les besoins de traitement

Le constructeur Amazone, la firme Bosch et la start-up Xarvio se sont rassemblés autour d'un projet commun, le « SmartSprayer », qui doit rendre la pulvérisation plus intelligente dans les années à venir. Bosch travaille sur des capteurs de végétation positionnés sur les rampes qui sont capables de détecter les zones à traiter, des taches vertes d'adventices par exemple. Pour aller plus loin, les capteurs seront aussi en mesure de reconnaître les cultures en ligne et de traiter du vert dans du vert, c'est-à-dire ne traiter que les adventices reconnues dans une parcelle. C'est la technique Amaspot que développe Amazone.
Xarvio, quant à elle, vient d'être rachetée par BASF et cela en dit long sur l'intérêt que portent à moyen terme les firmes phytosanitaires sur la digitalisation des informations. Son métier, depuis plus de dix ans, est de collecter des données en cultures, adventices, maladies, parasites, absorption d'azote... Ces observations seront interprétées, modélisées puis des capteurs positionnés sur les rampes du pulvérisateur seront paramétrés pour reconnaître une dicotylédone d'une graminée, une tache de rouille d'une fusariose... Xarvio ira chercher dans le cloud de la machine ces informations et calculera en temps réel la pulvérisation lorsque les seuils de nuisibilité seront atteints. Il est même probable que le pulvérisateur embarquera plusieurs cuves et que le système utilisera telle ou telle bouillie en fonction des besoins reconnus au champ.

Combiner informations digitales et techniques de pulvérisation

Détecter, interpréter, anticiper, ces mots n'ont un sens que si le pulvérisateur est en mesure de placer la bonne quantité de produit au bon endroit et au bon moment. Pour cela, plusieurs constructeurs travaillent avec des équipementiers, tel qu'Arag pour avoir des buses qui modulent le débit et l'angle de pulvérisation en cas de traitement ciblé sur zone. La première règle pour obtenir une bonne qualité de pulvérisation, c'est d'avoir une hauteur de rampe constante, le plus près possible de la végétation afin d'obtenir le moins de dérive possible et correspondre aux plages de travail de la buse. Une même buse n'aura pas la même largeur de travail et la même précision à 30, 50 ou 70 centimètres de la végétation. Aujourd'hui, à peu près tous les constructeurs proposent en option sur leurs rampes des systèmes de contrôle automatique de la hauteur à l'aide des radars positionnés à intervalles réguliers par sections. Cette technologie permet aussi de déformer les rampes de grandes largeurs, plus de 24 mètres, afin de suivre la végétation à une hauteur constante dans des terrains vallonnés. Le constructeur Horsch propose une rampe qui se positionne automatiquement à trente centimètres du plateau de culture afin d'avoir un point d'impact le plus bas possible.

Structure de fonctionnement de la technique Smartsprayer avec les capteurs Bosch et l’interprétation Xarvio.

Modulation des pulvérisations

Viennent ensuite les buses et la question qui se pose : comment moduler les quantités pulvérisées à tel ou tel endroit de la parcelle ? Amazone a développé avec Arag le porte-buse « Amaselect », positionné tous les 50 centimètres sur la rampe. Il possède des buses décentrées de 12,5 centimètres de chaque côté, ce qui permet d'avoir un espace de buse à buse de 25 centimètres de large. Ce système permettra à la rampe qui sera munie de capteurs de végétation de ne traiter que les zones vertes avec la précision de l'ordre de 25 centimètres de la largeur pour des buses de 40 degrés ou que sur le rang par exemple. Ce porte-buse permet aussi de changer automatiquement de buse au travail en fonction des quantités à pulvériser. Cela présente tout de même l'inconvénient d'une micro-coupure de la pulvérisation et, en cas de travail à vitesse élevée, d'avoir une zone blanche. Là encore, les équipementiers ont résolu le problème en proposant des buses équipées d'électrovannes à modulation de fréquence, avec le système PWFM qui effectue des micro-coupures de l'ordre de la milliseconde. Ainsi, pour moduler le débit, on ne change plus de buse ou de pression mais on fait varier la fréquence des micro-coupures dans une seconde. Les zones blanches disparaissent et il devient même possible, en cas de traitement en virage, de diminuer le débit à l'intérieur de la rampe où l'on peut parfois avoir des surdosages de plus de 300 % et à l'inverse, de les augmenter à l'extérieur...

Intelligence artificielle...

Cette intelligence artificielle et ces nouvelles machines arrivent à grand pas dans le monde de la pulvérisation, comme ce fut le cas pour les dernières générations de moissonneuses-batteuses à réglages automatiques. L'utilisateur aura affaire à des machines de plus en plus autonomes dans le but d'améliorer l'efficacité de ses interventions et d'abaisser parfois de plus de 60 % les quantités de produits appliquées à l'hectare. Comme toujours, ces techniques balbutiantes auront un coût compte tenu du nombre important de paramètres de culture et de mécanique qu'elles intégreront. Mais nul doute, qu'elles se généraliseront au rythme du renouvellement des pulvérisateurs qui n'intervient que tous les 13,5 ans en moyenne dans les exploitations. 
Roland Saint Thomas