Printemps pourri : les cultures drômoises souffrent
Le mois de mai n’aura pas été « joli » comme le chantait Bourvil. Tour d’horizon des conséquences des pluies à répétition et des températures en dents de scie pour les cultures en Drôme.

La dernière semaine de mai aura encore été marquée par une vague de fraîcheur sur la France. Une situation exceptionnelle, qui contraste avec des températures plus chaudes que la normale sur le Sud de l’Espagne, le Maghreb, voire au nord sur la Scandinavie, selon Météo-France. Sans oublier une nouvelle succession d’averses apportant « en moyenne 10 à 25 mm supplémentaires à des cumuls de mai déjà particulièrement copieux », souligne encore Météo France. La Drôme n’a pas été épargnée par cette météo capricieuse. Du côté des productions, les conséquences sont bien sûr déjà visibles. En arboriculture, Marion Bouilloux, responsable du pôle cultures pérennes à la chambre d'agriculture de la Drôme, confirme des difficultés en cerises. « La succession d’épisodes pluvieux complique les chantiers de récolte, les fruits éclatent et les taux de sucre sont difficilement atteints », liste la responsable. Elle espère que le retour du beau temps sur la première semaine de juin permettra d’entrevoir une fin de campagne plus sereine en cerise mais certains fruits encore verts présentent déjà des éclatements et un risque de pourriture.
Gestion technique compliquée
« C’est un des points particuliers de cette campagne. La gestion technique des cultures, la protection phytosanitaire notamment, est compliquée, souligne Marion Bouilloux. En pomme et poire par exemple, on commence à voir de la tavelure sur des variétés théoriquement résistantes. C’est du jamais vu en Drôme. » Du côté des abricots, elle rappelle que les pluies du mois de mars sont responsables d’une mauvaise nouaison, affectant le potentiel de récolte. Katia Sabatier Jeune, présidente de la coopérative Lorifruit, signale aussi l’impact de la grêle qui a touché le secteur de Mirmande, Grâne, Loriol fin mars ou plus récemment le secteur de Livron. « Les producteurs cumulent les conditions défavorables et tremblent à chaque orage », souligne-t-elle. Chez Lorifruit, les premières récoltes d’abricots ont démarré en semaine 21 avec la variété colorado. Mais le marché a du mal à se mettre en place, constate par ailleurs Marion Bouilloux, avec un climat qui donne aux consommateurs l’impression « d’être encore en hiver ». Katia Sabatier Jeune évoque aussi un risque d’abricots fendus sur les variétés « sous-chargées », type orangered. « Mais la qualité gustative devrait être là, estime-t-elle. Les producteurs mettent tout en œuvre pour offrir un produit de qualité aux consommateurs malgré toutes les difficultés qu’ils cumulent. » Enfin, Marion Bouilloux souligne qu’en pêche, « ça s’annonce plutôt bien », sous réserve de voir s’installer enfin une météo estivale.
Maïs et tournesol semences malmenés
La situation est également complexe en production de semences. « En maïs et tournesol semences, les producteurs ont dû jouer avec la météo en prenant le risque d’avancer ou de retarder le semis de l’autre géniteur à implanter. Mais c’est encore trop tôt pour dire si cela aura des conséquences sur les rendements », précise Aurore Magnon, conseillère grandes cultures à la chambre d’agriculture. Du côté des cultures de consommation, sur la partie sud du département, elle constate un développement très lent du maïs ou du tournesol, ce qui rend les cultures particulièrement vulnérables aux attaques de corbeaux et pigeons… En ce qui concerne les céréales à paille, « globalement il va manquer de luminosité sur la fin du cycle mais là aussi il est trop tôt pour savoir dans quelle mesure cela pourrait impacter les rendements », poursuit-elle. Enfin elle indique que sur le secteur sud Drôme, l’état sanitaire des cultures est globalement satisfaisant [à la date du 30 mai, ndlr] en ce qui concerne les maladies du feuillage grâce à une bonne anticipation des agriculteurs et aux protections réalisées. « Mais attention, il est encore tôt dans le cycle notamment par rapport aux fusarioses », avertit-elle.
Sur le centre Drôme, Victor Etevenot, conseiller de la chambre d’agriculture, porte le même constat sur les céréales à paille. « Les blés ont subi une grosse pression de maladie qui a pu être maitrisée et sont plutôt corrects, indique-t-il. Les colza sont très hétérogènes en raison, sur certaines parcelles, de problèmes de pollinisation liés aux conditions climatiques. Les cultures de printemps ont aussi souffert. En maïs et tournesol, c’est catastrophique. Les cultures ne poussent pas faute de températures suffisantes et les agriculteurs sont confrontés à une forte pression de ravageurs : taupins, vers gris, limaces… » Des ressemis ont été réalisés sur tournesol.
Sophie Sabot
Reprise compromise en melon et concombre
C’est une situation inédite qu’ont connue les producteurs de melons et concombres. Les plants n’ont pas repris, faute de soleil et de températures suffisantes. « La plupart des maraîchers ont dû détruire et replanter », signale David Fortuné, conseiller cultures légumières à la chambre d’agriculture de la Drôme. L’impact économique sera bien sûr conséquent pour les exploitations.
En tomates, les producteurs ont aussi connu des pertes liées au pythium, un champignon qui se déclare souvent en pépinière puis se développe au moment de la reprise du plant et que les conditions humides ont favorisé.
Désormais les principales craintes en tomates concernent le botrytis. Les températures de fin mai, autour de 18-20°C, ont été particulièrement favorables à son installation et le risque devrait demeurer même avec une remontée des températures puisque seules des températures supérieures à 30°C peuvent stopper son développement, rappelle le conseiller. D’où la nécessité d’assécher le feuillage et de créer des conditions défavorables au champignon avec des traitements à base de cuivre. David Fortuné signale également un retard pour l’entrée en production des tomates sous abris dont les premières ne sont pas attendues avant la semaine 24.
Difficile gestion du désherbage
Cédric Yvin, conseiller spécialisé à la chambre d’agriculture, signale quelques difficultés liées aux conditions climatiques sur les plantes aromatiques. Les pluies incessantes ont pu retarder d’un mois les semis en basilic ou déclencher des maladies sur le persil ou l’aneth. « La principale difficulté pour les producteurs est de ne pouvoir entrer dans les champs pour biner ou traiter », commente le conseiller. Sur les plantes à parfum, mis à part la difficile gestion du désherbage, la situation se présente pour l’instant bien (hormis une alerte chenilles dans le Diois), à condition que le beau temps fasse très rapidement et durablement son retour.