Les premières Assises de la prédation ont été organisées les 1er et 2 juin à Chorges (Hautes-Alpes). Les congressistes, qui ont débattu des propositions techniques qui devraient, pour certaines, être intégrées au futur Plan « pastoralisme et loup » prévu pour 2024, veulent avant tout un cap politique et des règles claires. Et surtout zéro attaque.
En clôture de la première journée des Assises de la prédation, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a rappelé l’historique des plans « loup » développés en France depuis 2004 et rappelé que les agriculteurs ont signé en bas de la feuille pour un volume bien déterminé. « Notre acceptation, c’était 500 loups. Ce ne sera pas plus », a-t-il indiqué à propos de ce sujet « très politique ». Juste avant, le président de Jeunes agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot, n’avait pas dit autre chose. « 500 loups, pas un de plus. On voit les dégâts. » Les deux responsables syndicaux ont ainsi résumé l’état d’esprit des éleveurs qui n’en peuvent plus des attaques à répétition sur leurs troupeaux : pas moins de 12 000 bêtes ont été tuées en 2022 avec une facture toujours plus lourde au fil des ans : 25 millions d’euros en 2019, 35 M€ l’an dernier, sans compter les 8 M€ à la charge des éleveurs qui s’étonnent de devoir payer les pots cassés. « Car, après tout, nous subissons le loup et ce sont certains citoyens écologistes qui souhaitent leur maintien et leur développement. C’est donc au ministère de la Transition écologique de mettre la main à la poche et pas au ministère de l’Agriculture », ont observé de nombreux congressistes. « Il ne faut plus parler de gestion mais de régulation », a insisté le président de la FNSEA. Ne faisant pas de distinction, le loup s’attaque à tout ce qu’il trouve : brebis, veaux, ânes, chevaux, poulains… Même la faune sauvage pâtit de la présence lupine qui déstabilise les écosystèmes. « Je ne vois plus de mouflons, peu de chamois et de nombreux alpages sont en déprise, rendus à la broussaille et à la forêt », s’est inquiété Cédric Laboret, président de la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc.
Objectif « Zéro attaque »
« Les attentes pour le maintien du pastoralisme de montagne et de plaine sont très fortes de la part des éleveurs », a martelé Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine et du Caf loup, à l’origine de ces premières assises. Ce que les éleveurs réclament en premier lieu, c’est de pouvoir tirer le loup dès la première attaque et ne pas attendre les autorisations préfectorales après trois attaques. Il faut simplifier et donc « fusionner les tirs de défense et de prélèvement en un seul », ont notamment milité Claude Font, secrétaire général de la Fédération nationale ovine et Édouard Pierre, président JA des Hautes-Alpes. Une idée à laquelle le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, intervenant en visioconférence, ne semble pas être opposé en parlant de « modernisation du protocole » et évoquant aussi la possibilité de « fusionner les modalités de tir ». Celui-ci envisage aussi que les éleveurs et bergers, dûment munis de leur permis de chasse, et après une formation, puissent utiliser caméras thermiques et autres visées nocturnes pour neutraliser le loup. Comme l’ont répété les intervenants, le sujet n’est pas l’éradication du loup dont la population semble pourtant « hors contrôle », selon les interventions de plusieurs congressistes, mais la stabilisation de la population à un niveau acceptable et accepté. C’est-à-dire « 500 et pas plus ». Car « on veut simplement faire notre métier sereinement », a résumé René Laurans, président de la FDSEA des Hautes-Alpes.
Christophe Soulard
Bernard Mogenet : « Nous avons besoin d’un plan de régulation du loup »
Après les Assises de la prédation, pour Bernard Mogenet, président de la FDSEA des Savoie et responsable loup à la FNSEA, la colère gronde. L’élu fustige le manque de considération, le « mépris » du gouvernement sur la question de la prédation. Il dénonce notamment le « manque de courage » de la secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, qui ne s’est pas déplacée, et n’a même daigné se connecter en visioconférence. « Elle a seulement envoyé une vidéo de six minutes où elle apporte les réponses habituelles ».
Pour Bernard Mogenet : « Le gouvernement n’est pas au niveau de la détresse des éleveurs vis-à-vis de la prédation du loup ». Pour autant, l’éleveur de Haute-Savoie l’affirme : « Nous avons eu de très bons échanges et avons pu compter sur des élus moteurs ». Et aujourd’hui, ses attentes sont grandes, à la hauteur de la problématique. « Nous voulons un changement de braquet. Le dernier Plan loup avait deux objectifs : la protection du loup et celle du pastoralisme et de l’élevage. » Si, pour Bernard Mogenet, le premier objectif est pleinement rempli, le deuxième est un véritable échec. « Il faut une réaction forte du gouvernement. Nous avons besoin d’un plan de régulation des loups, un plan national de sauvegarde du pastoralisme et de l’élevage. » Pour le responsable loup de la FNSEA, c’est clair : « il faut un assouplissement et donner aux éleveurs les moyens de se défendre. » En effet, ce dernier ne comprend pas pourquoi, ces dernières semaines, l’appel aux louvetiers est limité. « Il faut agir avant que les attaques des troupeaux par les loups aient lieu et non après. »
M.-C. S.-B.
Conserver une capacité de tir
Prochain plan national loup, comptage, louvetiers… Explications avec le préfet référent de la politique du loup, Jean-Paul Celet.
Si les contours du prochain Plan loup et l’estimation de la population lupine en France ne seront connus que lors du prochain groupe national loup qui se tiendra le 3 juillet, pour Jean-Paul Celet, préfet référent sur le dossier loup, les Assises de la prédation ont été une « initiative utile. Pour les organisations professionnelles, elles ont été une manière d’accentuer leurs points majeurs pour le prochain Plan loup ». Points majeurs que le représentant de l’État affirme avoir entendus, comme la volonté d’un plan de sauvegarde de l’élevage et du pastoralisme et le changement du statut du loup qui, selon lui, s’il était envisagé, ne serait possible qu’à long terme. Par ailleurs, concernant le dénombrement, le préfet reconnaît « qu’il y a des choses à corriger » même si, selon lui, le comptage a beaucoup gagné en fiabilité au fil des années.
« En cours d’arbitrage »
Quant à l’interrogation des éleveurs concernant l’action limitée des louvetiers ces dernières semaines, Jean-Paul Celet explique : « globalement, depuis le début de l’année, 55 loups ont été tués. Si nous avions laissé filer, nous aurions dû arrêter les tirs au mois de septembre, car nous aurions atteint la capacité maximale de tir. Ainsi, une instruction a été envoyée à l’ensemble des préfets pour les informer qu’à l’exception des tirs de défense renforcée, l’envoi des louvetiers devra obtenir l’accord du préfet référent. Nous voulons faire en sorte de conserver une capacité de tirs pendant toute la saison de forte prédation. » Enfin, concernant la simplification de tir demandée par la profession, le préfet rappelle que les « arbitrages sont en cours ». Le Caf loup souhaite fusionner les actuels tirs de défense simple et de défense renforcée, donnant accès aux éleveurs ayant mis en place des mesures de protection à des tirs pratiqués par cinq tireurs (avec lunette de visée nocturne), dès la première prédation et avec une validité de cinq ans.
Marie-Cécile Seigle-Buyat avec Agrafil
La sempiternelle question du comptage
La question du comptage a focalisé une partie des débats. Combien de loups vivent-ils en France aujourd’hui ? Ils étaient estimés à 921 au dernier comptage. Ils sont certainement plus de mille actuellement. Ce qui inquiète les éleveurs, mais aussi le ministre de l’Agriculture qui aimerait « faire converger les moyens de comptage » et les rendre plus rapides. « La temporalité pose question pour rendre le prélèvement plus efficace. Il faut avoir un comptage chronologique plus précis », a-t-il expliqué. En effet, le nombre de prélèvements dépend du taux (19 %) et du comptage précis. « À 621 loups en 2021 et 921 en 2022, la pression pour les éleveurs n’est pas la même », a remarqué Claude Font (FNO). D’autant qu’au 30 mai de cette année, les attaques ont crû de 16 % par rapport à 2022. Il restera ensuite à déterminer à partir de quel niveau l’espèce lupine est viable, soutenable et acceptable.