EARL LE REPLAT
Élevage et noix : s’adapter dans un contexte de plus en plus compliqué

Installé depuis 2000 dans le Nord-Drôme, Jérôme Leroy tente de s’adapter au contexte climatique sans compromettre les projets de l’exploitation, qu’il s’agisse de construire un nouveau bâtiment ou d’accueillir en pension un troupeau d’Aberdeen Angus dont la viande sera valorisée par son frère, chef cuisinier.

Élevage et noix : s’adapter dans un contexte de plus en plus compliqué
Jérôme Leroy veut rester sur une dynamique de projets mais il sait que l’équilibre de son exploitation peut vite être remis en question par un accident climatique ou par la flambée des coûts de production. ©AD26-S.S.

Noix et vaches allaitantes, à Parnans, l’exploitation de Jérôme Leroy repose sur ces deux productions. Pas question de lâcher l’une pour l’autre. La complémentarité des deux ateliers procure à l’agriculteur, installé en EARL avec son frère associé non exploitant, une certaine sécurité. Mais, il lui faut jongler habilement entre les 26 hectares de noyers (dont 9 en bio et 17 en conversion) et le troupeau d’une quarantaine de vaches allaitantes (race charolaise) auxquelles s’ajoutent, depuis peu, une douzaine de bêtes de race Aberdeen Angus en pension (lire ci-dessous).

Cette année la surcharge de travail liée à la sécheresse a été considérable. « La plupart de mes prairies permanentes (une petite cinquantaine d’hectares, ndlr) ne sont pas à proximité de l’exploitation. Rien que sur la première semaine d’août, les allers-retours pour amener des fourrages aux bêtes et gérer l’irrigation ont représenté plus de 750 km », illustre Jérôme Leroy.

Quelques jours plus tard, il prenait la décision de ramener le troupeau en bâtiment, soit 160 bêtes, en comptant les charolaises et les angus. « Il n’y avait plus rien à manger dans les prés et les sources étaient taries », justifie-t-il. Habituellement, les bêtes rejoignent les bâtiments fin septembre, avant la récolte des noix. Cette année, elles sont passées en ration hivernale dès le 18 août. « Heureusement en 2021, j’avais fait une grosse récolte de fourrages même si la qualité n’est pas exceptionnelle. J’espère tenir l’hiver mais il me manquera de la paille », commente l’éleveur. Depuis la « claque » de la sécheresse de 2003, Jérôme Leroy achète de la luzerne sur pied à des céréaliers pour s’assurer d’avoir toujours « un hangar de stock d’avance ».

Il teste le teff grass

Il dispose par ailleurs d’une trentaine d’hectares de prairies temporaires en mélange multi-espèces, notamment Saint Marcellin. Si la pluie est suffisante, il tentera des sursemis de légumineuses et chicorée pour regarnir de vieilles prairies. Fin juillet, il a également semé* en dérobé derrière des céréales trois hectares de teff grass destiné à être ensilé ou enrubanné. Cette graminée originaire d’Éthiopie a la faculté de pousser à des températures supérieures à 30°C. « A priori, il faut compter 45 à 60 jours pour une première coupe. Tant que la plante n’a pas gelé, on peut espérer jusqu’à trois coupes, notamment si elle a été plantée en mai ou juin derrière un méteil ensilage », explique Jérôme Leroy. Le coût des semences, qu’il avait achetées en 2021, s’élève à environ 70 euros /ha.

Travail sur la génétique

Installé en 2000, à l’époque avec son oncle, Jérôme Leroy travaille aussi depuis 2008 sur l’amélioration génétique de son troupeau. « J’ai démarré le 100 % IA en 2008. Sur ces dix dernières années, j’ai obtenu de vraies améliorations que ce soit en gabarit ou en qualités maternelles », précise-t-il. Le taux de renouvellement reste élevé, avec encore près de 40 % de réformes chaque année. « Toutes les femelles, soit une quinzaine de vaches de réforme et trois génisses par an sont valorisées via la SARL Viande d’ici que nous avons créée en 2019 avec six autres éleveurs. Je commercialise également auprès d’un négociant en bestiaux 15 à 20 taurillons par an, des bêtes qui font entre 400 et 450 kg de carcasse », poursuit-il. Mais l’éleveur s’interroge sur la pertinence de poursuivre cet élevage de taurillons. « C’est eux en majorité qui consomment le maïs. Si à l’avenir nous rencontrons toujours plus de difficultés sur l’autonomie alimentaire, je songe à diminuer ou arrêter cette production pour faire du broutard ou pourquoi pas du bœuf si je trouve de nouveaux pâturages. »

Bâtiment photovoltaïque en projet

Le projet d’accueillir en pension l’élevage Angus de son frère pourrait accélérer ces choix. Mais la priorité pour l’instant reste les bâtiments. « Je manque de place et je suis obligé de louer un bâtiment pour le stockage. Actuellement, les bêtes sont réparties dans quatre bâtiments, c’est une perte de temps. Je viens de recevoir la validation du permis de construire pour un bâtiment photovoltaïque de 2 000 m². L’idée est de n’avoir plus qu’un bâtiment pour l’engraissement et un pour la reproduction réunissant les deux troupeaux, charolais et angus », détaille l’éleveur.

Jérôme Leroy sait que l’équilibre de l’exploitation est fragile. Un accident climatique sur la noix (grêle, neige…), une nouvelle sécheresse, des charges qui continueraient d’exploser et tout peut être remis en question. Mais l’exploitant garde confiance et veut rester sur une dynamique de projets. L’expérience concluante de la SARL Viande d’ici le conforte dans cet état d’esprit. 

Sophie Sabot 

* Semis à la volée après un passage de disques + fumier.
Le coup de foudre d’un chef cuisinier
Clément Leroy valorisera la viande d’Aberdeen Angus dans un restaurant qu’il projette d’ouvrir. ©AD26-S.S.
Aberdeen Angus 

Le coup de foudre d’un chef cuisinier

 Chef cuisinier, Clément Leroy, frère de Jérôme, se passionne pour la viande d’Aberdeen Angus depuis qu’il l’a travaillée dans des restaurants anglais. Actuellement consultant pour d’autres restaurateurs, il peaufine le projet d’ouvrir son propre établissement qui valoriserait exclusivement cette viande. « L’Angus développe un persillé naturel. C’est aussi une bête rustique, docile, avec des facilités de vêlage », détaille Clément Leroy. Via une SAS qu’il a créée pour ses différentes activités professionnelles, il est en train de constituer son troupeau qu’il a confié en pension à son frère. Huit génisses, un taureau et deux broutards sont arrivés en novembre dernier sur l’exploitation. Un veau est né en mars. En novembre prochain, neuf nouvelles génisses rejoindront la troupe. « Toutes les bêtes que j’achète sont inscrites au herd-book écossais [Aberdeen Angus Cattle Society, ndlr] qui reste la référence pour la certification de la race pure, précise le chef cuisinier. Mon objectif est d’arriver à seize mères. » Jérôme Leroy voit, quant à lui, dans l’arrivée de ce troupeau « une nouvelle expérience intéressante ».

S.S.

Carte d’identité de l’exploitation

- EARL Le Replat

- 26 ha de noyers dont 3,5 non irrigués. Vente au Comptoir Rhodanien.

- 80 ha de prairies (60 % permanentes, 40 % temporaires).

- 25 ha de céréales (dont 50 % irrigables) : blé, orge, triticale, méteil, maïs (5 à 6 ha en irrigué qui ont souffert cette année des restrictions d’irrigation imposées à la mi-août).

- 40 vaches allaitantes (charolaises). Vêlages en novembre-décembre pour organiser le travail avec l’atelier noix. « Même si cela donne des veaux qui sont encore sous la mère en période sèche et que je suis donc obligé de sevrer plus tôt », signale Jérôme Leroy.

- En 2022 : un salarié deux jours /semaine + un saisonnier à temps plein de juin à août.