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TRANSMISSION

« Pour trouver le bon candidat, mon exploitation devait être viable »

Le 1er novembre, Serge Bonfils, agriculteur à Buis-les-Baronnies, passera les rênes de son exploitation à Véronique Bosse Platière. Récit d’une transmission préparée depuis plusieurs années par les deux protagonistes.

« Pour trouver le bon candidat, mon exploitation devait être viable »
Au 1er novembre, Serge Bonfils transmet les rênes de son exploitation à Véronique Bosse Platière. Un passage de relais préparé pour l’un comme pour l’autre depuis plusieurs années.
©AD26-S.S

Ce n’est plus qu’une question de jours. Serge Bonfils va définitivement raccrocher sa panoplie de chef d’exploitation pour endosser celle de jeune retraité. Une retraite qu’il aborde avec sérénité car il s’est donné les moyens de préparer la transmission de son outil de travail. Véronique Bosse Platière, qui reprend les rênes de l’exploitation, semble également confiante. Depuis un an, elle travaille aux côtés de Serge dans le cadre du dispositif « stage test installation transmission » (STIT). Avant cette période de tuilage, le parcours a été long, pour l’un comme pour l’autre, afin de créer les conditions de réussite de cette reprise.

Rénovation variétale

« Aucun de mes enfants ne voulait reprendre. Je m’étais donc préparé depuis longtemps à cette transmission hors cadre familial. Psychologiquement d’abord. Techniquement ensuite. Si je voulais trouver le bon candidat, mon exploitation devait être viable, au goût du jour », résume Serge Bonfils. Installé en 1982 sur l’exploitation de ses parents avec abricotiers, oliviers, vignes, lavandes et ruches, il s’est progressivement spécialisé en arboriculture pour disposer aujourd’hui de 14 ha d’abricotiers, 5 ha d’oliviers et 70 ruches. Dès les années 1990, il a amorcé une rénovation variétale en abricot. « D’une variété, l’Orangé de Provence, je suis passé à neuf. Les dernières plantations ont cinq ans. Je les ai réalisées dans la perspective de transmettre ce verger », poursuit l’arboriculteur. À l’époque il est loin d’imaginer que le gel va s’abattre six années de suite sur les Baronnies. « L’abricot représente potentiellement 70 % du chiffre d’affaires de l’exploitation. Or depuis six ans, je n’ai pas fait une récolte complète. Les pertes selon les années se sont échelonnées de 30 à 90 %. Les olives et le miel m’ont permis de tenir mais se posait la question de sécuriser la récolte d’abricots dans des conditions qui soient acceptables économiquement et déontologiquement », confie le futur retraité. Il décide d’investir dans des asperseurs pour lutter contre le gel. Une technique qui, reconnaît-il, a rencontré des freins psychologiques dans les Baronnies car les essais menés il y a 30 ans avaient provoqué de la casse dans les vergers.

Lutte contre le gel par aspersion

Le matériel d’aspersion est installé début 2022 sur cinq hectares. Serge Bonfils l’a expérimenté aux côtés de Véronique lors des cinq nuits consécutives de gel au printemps. Ensemble, ils ont tiré des enseignements utiles pour mieux gérer les futurs épisodes. Véronique Bosse Platière estime également que cet investissement a été l’un des éléments décisifs pour que la banque accepte de suivre son projet. « Il me fallait apporter un maximum de garanties en particulier face au risque de gel », poursuit-elle. Le fait que son conjoint ait une activité salariée et qu’ils disposent d’un capital suite à la vente d’un bien immobilier a aussi pesé dans la balance. Sans oublier un coup de pouce non négligeable (elle n’avait, compte tenu de son âge, pas droit à la DJA) : un prêt d’honneur de 20 000 euros sur cinq ans du réseau Initiative Seuil de Provence. À noter, son principal investissement concerne le rachat du matériel (calibreuses à abricots et olives, tracteurs, outils de travail du sol, matériel d’irrigation...), les ruches et le cheptel apicole. Les terres et bâtiments sont repris en fermage.

Habiter près de l’exploitation

Se posait également la question du logement. « Je voulais vivre près de l’exploitation tout en permettant à mes enfants de s’insérer dans la vie de Buis-les-Baronnies », précise la future exploitante. Une opportunité, à mi-distance entre le bourg et l’exploitation, s’offre à elle avec la vente d’un bien qui compte des oliviers exploités en fermage par Serge Bonfils et une maison d’habitation. Véronique Bosse Platière projette d’y installer son point de vente pour pérenniser voire développer la part de vente directe de l’exploitation, tant sur les olives (en saumure et huile), que sur le miel ou les abricots. « J’ai la chance de reprendre une exploitation qui bénéficie de l’AOP olive de Nyons, de l’IGP miel de Provence et demain, je l’espère, de l’IGP abricot des Baronnies », souligne-t-elle.

Dès le 1er novembre, elle sera seule à prendre les décisions. Mais elle peut compter sur Serge Bonfils. « Nous avons identifié ensemble les domaines dans lesquels j’ai encore besoin de son soutien technique dans les mois à venir, notamment les plantations, les ruches, la mécanique agricole… Je compte aussi sur l’appui des techniciens de la chambre d’agriculture et sur la formation continue, c’est dans ma mentalité de me former, de faire appel si besoin. Enfin, j’espère profiter de l’expérience d’autres arboriculteurs même si je connais encore peu de monde ici », énumère la nouvelle chef d’exploitation. Avant de conclure sur la question de la transmission : « Vu mon âge, je m’inscris moi aussi dans l’idée d’une continuité de l’exploitation, d’un passage de relais, peut-être avec mes enfants, peut-être avec les petits-enfants de Serge. »

Sophie Sabot

PARCOURS

Un retour aux racines agricoles familiales

Un retour aux racines agricoles familiales
Véronique Bosse Platière sera officiellement chef d'exploitation à compter du 1er novembre. AD26-S.S.

« Mes parents avaient une exploitation en polyculture-élevage dans l’Isère, avec du lait et du tabac. Leur objectif était que leurs enfants fassent des études. À leur retraite, les terres sont parties à l’agrandissement », indique Véronique Bosse Platière. Après vingt ans d’un parcours professionnel dans le domaine social, un bilan de compétences oriente Véronique vers l’agriculture. « Je me disais qu’il était trop tard pour devenir agricultrice. J’ai tout de même rencontré la chambre d’agriculture du Vaucluse où je projetais de m’installer - son mari travaille sur Avignon -, j’ai rencontré des arboriculteurs, fait des stages et travaillé comme ouvrière agricole dans une grosse exploitation. Je consultais aussi les offres du répertoire à l’installation dans le Gard et la Drôme », explique Véronique Bosse Platière. 

En novembre 2019, elle visite l’exploitation de Serge Bonfils, inscrit au répertoire depuis 2017. « Quand elle s’est présentée, j’ai senti son projet sérieux. En tant que candidate à l’installation, elle avait passé le filtre de la chambre d’agriculture, c’était important pour moi. Je cherchais un candidat qui ait de l’expérience, elle m’a tout de suite dit “je n’en ai pas” », se souvient l’exploitant. Cette première rencontre a pourtant été décisive. L’un et l’autre étaient persuadés de tenir le bon projet. Véronique s’est alors lancée dans un BPREA au CFPPA de Carpentras et a réalisé l’ensemble de ses stages chez Serge Bonfils. Avant de s’engager, il y a un an, dans le « stage test installation transmission » (porté par la chambre d’agriculture de la Drôme et la Région) qui lui a permis de découvrir l’exploitation sur une année de cycle cultural, tout en préparant son installation sur le territoire. 

Sophie Sabot