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Aviculture

Poules pondeuses : une dynamique  de reprise à conforter

Lors de la journée poules pondeuses organisée par l’Itavi à Valence, en avril dernier, un point de conjoncture a été réalisé. Si, en 2023, la France a retrouvé sa place de premier producteur d’œufs en Europe, les enjeux qui pèsent sur le système d’élevage sont multiples : économiques, sanitaires avec une prise en compte du bien-être animal, environnementaux ou démographiques et vont influencer sur les décisions d’investissement des éleveurs.

Poules pondeuses : une dynamique  de reprise à conforter
©Archives AD26

Après une année 2022 de tous les records en termes de coûts de production, Aymeric Lelay, chargé d’études économiques à l’Itavi, a confirmé qu’une détente était constatée sur les matières premières et sur l’énergie. « Toutefois, l’inflation qui impacte la consommation n’a pas empêché les filières poulet et œuf d’être à la hausse. Cette consolidation n’efface pas totalement les effets de l’IAHP (influenza aviaire) sur la production. » Dans sa présentation, Aymeric Lelay a montré que le « tissu productif français est solide, les éleveurs de pondeuses relativement jeunes, et que la France a pu retrouver la première place en termes de production en Europe ». Toutefois, les multiples enjeux pesant sur la filière conduisent à s’interroger sur les capacités à réinvestir dans de nouveaux bâtiments et élevages alors que les marchés européens et mondiaux évoluent. En 2023, la détente s’est confirmée sur les cours des céréales, notamment grâce à des récoltes records au Brésil, toutefois il demeure des tensions sur les céréales en mer Noire. Par ailleurs, la demande reste forte sur les oléoprotéagineux car la progression de l’huile et la demande du débouché biocarburant maintiennent les cours. Avec les indices matières premières Itavi, on constate que les niveaux d’avant-guerre en Ukraine sont retrouvés, mais les charges des exploitations restent élevées malgré une détente depuis le printemps 2023.

Le marché français

Le taux d’approvisionnement en œufs sur le marché national avait sensiblement diminué en 2022, reculant à 97 % contre 102,7 % en 2021. En 2023, la reprise s’illustre par un taux d’approvision-nement de 99,1 %. Concernant les échanges commerciaux, les importations et exportations d’œufs en coquille se sont stabilisées. Les importations directes depuis l’Ukraine ont atteint un cumul de 400 téoc (tonnes équivalent œuf coquille). Les exportations demeurent prépondérantes vers les Pays Bas, la Belgique, l’Allemagne. Pour les ovoproduits, les exports ont repris en octobre (+ 25 %), mais globalement sur 2023, ont baissé de 5 %. Les importations sont en baisse (- 16 %), mais en hausse depuis la Pologne (+ 214  %) et l’Italie (+ 55 %). Pour le prix, selon la cotation TNO industrie (moyenne 52 semaines) en 2023, il s’est établi à 1,9 €/kg soit une augmentation de 9 % par rapport à 2022. Quant à la TNO calibrée M&G (moyenne 52 semaines 2023), elle montre 
un prix de 13,60 €/100 œufs, soit une progression de 8 % par rapport à 2022.

Evolution  de la consommation hexagonale

Les prix de vente moyens aux consommateurs sont restés relativement stables en 2023. À noter une légère baisse en label rouge et globalement les œufs alternatifs sont moins inflationnistes. Les ventes se sont montrées dynamiques, sauf pour le bio. La part des œufs consommés provenant de cages continue à diminuer, mais plus lentement que les années précédentes. En 2023, elle représente 20 % des ventes d’œufs en coquille, quant à la part du plein air elle atteint 28,6 % et le sol (18,2 %) continue d’augmenter.

Hausse des imports en Europe

Au premier semestre 2023, la production européenne d’œufs a baissé de  2,4 %. On attend une reprise des mises en place, toutefois les estimations du nombre de poulettes prêtes à pondre montrent un recul important en Pologne de 13,8 % en 2024, de 3,8 % au Royaume-Uni et 3,6 % aux Pays Bas. Les mises en place sont en hausse de 2,1 % en Espagne.
En 2023, les importations de l’Union européenne ont augmenté de 69 % par rapport à 2022. L’Ukraine est devenue de loin le premier fournisseur (56 %). On observe également une montée de l’Inde, de la Turquie et de l’Albanie. La production européenne s’est établie à 6,3 Mt d’œufs de consommation et la France a regagné sa première place avec 13,8 % des volumes en 2023 (base du 1er semestre). Elle est au coude à coude avec l’Allemagne (13,4 %) et l’Espagne (13,3 %), tandis que l’Italie produit 11,3 % et la Pologne 10,6 % des œufs de consommation.

Louisette Gouverne

Impact de l’influenza dans le monde 

En 2022, la production mondiale s’est réduite de façon inédite puisque 60 millions de poules pondeuses ont été touchées par l’influenza aviaire, dont 45 millions aux USA. La production mondiale a atteint 80 millions de tonnes équivalent œuf coquille soit une baisse de 0,8 % par rapport à 2021. En 2023, la reprise a été ralentie par la survenue de nouveaux cas 
d’influenza aviaire. On a noté de fortes tensions sur la production d’œufs : délai du démarrage de la ponte des poules, retards de mises en place, abandon de certains éleveurs. Pour cette année-là, la projection de la production d’œufs montre une hausse de 3,8 % comparé à 2022, mais une baisse de 4,5 % par rapport à 2021. Le premier producteur d’œufs mondial reste la Chine (32 %,) suivie par l’Europe avec 6,3 Mt (8 %)  et l’Inde (7,3 %).
Source CNPO

La filière œuf en France en chiffres  

La filière œuf représente 3 000 élevages et 11 400 emplois directs. 
En 2022, on dénombrait plus de 4,5 millions de poules pondeuses et poulettes concernées par l’épizootie d’influenza aviaire (plus de 15 millions de pondeuses et poulettes en Europe depuis novembre 2021). 
Cette épizootie a touché 9,5 % du cheptel. 
En 2022, la production d’œufs a accusé une baisse de 8 % d’œufs. 
La consommation française d’œufs se répartit ainsi : 45 % achetés par les ménages en magasins, 20 % (œufs en coquille) sont utilisés 
par la RHD et 35 % sont transformés en ovoproduits destinés  à la RHD et l’agroalimentaire.

Démographie

Des éleveurs plus jeunes  que les autres agriculteurs

Comme pour tout le secteur agricole, l’un des enjeux pour la filière avicole est le renouvellement des générations.  « Pour une consommation d’œufs en constante augmentation, il faut non seulement remplacer les départs, mais permettre les arrivées, surtout s’il y a une limite de production. Pour illustrer cela, imaginons que la consommation augmente d’un œuf de plus par Français et par an. Cela équivaut à produire 67 millions d’œufs en plus, soit 223 000 poules nécessaires en plus et la création de 14 nouveaux élevages par an (de taille moyenne). Et si la consommation augmente davantage, faites le compte si l’on veut préserver la souveraineté alimentaire », a démontré Aymeic Lelay, chargé d’études économiques à l’Itavi. En 2023, les Français ont consommé 222 œufs, contre 219 en 2022, mais 225 en 2021. Cette question est d’autant plus importante qu’il ne faut pas oublier qu’entre 2010 et 2020, le nombre d’exploitations avec élevage de granivores a baissé de 19 % (contre - 23 % pour les élevages herbivores) pour atteindre en 2020 : 3 402 élevages de pondeuses et 720 élevages de poulettes.

Pyramide des âges

Selon le recensement agricole 2020, si 60 % des agriculteurs ont plus de 50 ans, ils ne sont « que » 42 % pour les éleveurs de pondeuses. Sur les plus de 60 ans, le décalage est encore plus fort : seulement 9 % en pondeuses, contre 26 % pour la population agricole globale. À noter également que les éleveurs bio et plein air sont beaucoup plus jeunes que les autres, pour lesquels on s’approche des proportions de la population agricole dont l’âge moyen est de 51,4 ans. Plus précisément, selon les types d’élevage on constate des moyennes d’âge différentes : 44,4 ans pour le code 0 (bio), 45,6 ans pour le code 1 (plein air), 50 ans pour le code 2 (sol) et 50,8 ans pour la cage (code 3). Plus globalement et indépendamment de l’âge, 86 % des éleveurs produisent du code 0 et 1. Cette relative jeunesse des éleveurs de poulettes et pondeuses nécessite cependant de se poser la question du renouvellement. Les réponses à la question : « quel est l’avenir de l’exploitation dans les trois ans (là où le chef d’exploitation ou l’un des exploitants a plus de 60 ans) » montrent bien que des interrogations demeurent et que les successions ne sont pas assurées. Dans 36 % des cas seulement la reprise de l’exploitation par un membre de la famille du chef d’exploitation est envisagée et dans 9 % des cas par un tiers à la famille. En revanche, dans 27 % des cas, il n’y a pas de départ du chef d’exploitation envisagé pour l’instant. Et pour 24 % la réponse est « Ne sait pas ».

L. G.