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Gouvernement Macron

Portrait de Jacques Mézard, un Cantalien “ pragmatique ”

Jacques Mézard est le nouveau ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Issu du Cantal, un département d’élevage très rural, le nouvel arrivé rue de Varenne est réputé pour être pragmatique, à l’écoute et ouvert au dialogue.
Portrait de Jacques Mézard, un Cantalien “ pragmatique ”

Elu du Parti radical de gauche, président du groupe Rassemblement démocratique et social européen au Sénat, Jacques Mézard est l'un des premiers soutiens d'Emmanuel Macron et a participé à l'écriture de son programme agricole. Au palais du Luxembourg comme dans sa circonscription, ce sénateur radical de gauche est réputé pour son « pragmatisme » et sa « grande écoute ». Avocat pendant une trentaine d'années, arrivé à la politique sur le tard, il est un fin connaisseur des politiques territoriales. La continuité, c'est la tonalité que le nouveau ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a souhaité donner lors de la passation de pouvoirs avec Stéphane Le Foll. Il a émis le souhait de « poursuivre la transition engagée par Stéphane Le Foll ». Puis, le nouveau ministre de l'Agriculture a annoncé son agenda : constituer son équipe « d'ici la fin de la semaine », engager les États généraux de l'alimentation avec comme priorité « le prix payé » aux agriculteurs : « Il faut arriver à une meilleure coordination entre producteurs, transformateurs et distributeurs », a-t-il insisté. Il dit avoir conscience de « la tâche difficile » qui lui incombe et que « tous les problèmes ne se régleront pas d'un coup de baguette magique ».

Passation de pouvoirs entre Stéphane Le Foll et Jacques Mézard au ministère de l’Agriculture, le 17 mai.

Venu d'un département d'élevage

Lors de la passation de pouvoirs, Jacques Mézard s'est présenté comme l'homme d'un département rural, le Cantal. Cette empreinte très marquée par l'élevage inquiète déjà dans les régions de grandes cultures. Élue d'une région céréalière, Sophie Primas, sénatrice LR des Yvelines, dit avoir reçu des appels de responsables agricoles de la région Île-de-France qui sont quelque peu préoccupés quant à un intérêt aux autres productions que l'élevage. Ces craintes peuvent être levées au vu de ses récentes déclarations au Sénat, en faveur d'une « meilleure coexistence entre deux modèles d'agriculture, qui doivent non pas s'opposer mais se compléter. D'un côté, il faut continuer à promouvoir une agriculture très compétitive faite de grandes exploitations. De l'autre, il faut encourager le maintien d'une agriculture de petites structures à vocation nourricière animant des circuits courts et poursuivant un rôle d'aménagement du territoire ». Il est aussi sensible à la gestion des risques. En 2008 et en 2011, le groupe parlementaire RDSE (à majorité radicale de gauche) au Sénat a fait une proposition de loi visant à rendre obligatoire l'assurance climatique. Son collègue LR Jean Bizet se veut rassurant : « Il a une grande capacité d'écoute. Il faudra qu'il accepte d'écouter cette frange d'agriculture compétitive et d'exportation ».

Sans expérience européenne

La grande question que tout le monde se pose sur le « casting » de Jacques Mézard, c'est l'Europe et les réformes de la Pac en cours, tant l'omnibus que la réforme de l'après-2020. Si Stéphane Le Foll était un ancien député européen et si Bruno Le Maire, germanophone, avait une bonne connaissance des dossiers européens, rien dans le passé de Jacques Mézard ne semble l'avoir mené jusqu'à Bruxelles. « Un ministre sans expérience européenne pour peser face à Nicolas Hulot. Je souhaite bon courage aux agriculteurs ! » a lancé le député européen de droite Michel Dantin, sur Twitter. C'est aussi l'avis d'Arnaud Rousseau, président de la FOP et du groupe oléoprotéagineux du Copa-Cogeca. « L'Europe, c'est un gros sujet pour l'agriculture. Je suis très surpris de cette inexpérience bruxelloise ». Dans une période aussi fondamentale, où le budget risque d'être remis en cause suite au Brexit, comment un ministre de l'Agriculture sans aucune expérience européenne pourra-t-il s'en sortir ? « Il faut bien commencer un jour », répond l'intéressé, lors de sa première sortie en tant que ministre de l'Agriculture. Il n'ira d'ailleurs pas au prochain conseil informel agricole les 22 et 23 mai, souhaitant se donner un peu de temps pour préparer sa première sortie bruxelloise. Son engagement auprès d'Emmanuel Macron laisse peu de place au doute quant à son orientation en faveur du projet européen. Toutefois, il faut rappeler que Jacques Mézard se revendique comme un proche du souverainiste Jean-Pierre Chevènement et comme quelqu'un « d'attaché à la Nation ». Mais il rappelait le 18 mai sur Paris-Première : « On peut être attaché à la Nation et souhaiter que celle-ci se développe dans l'Europe et avec l'Europe ».

Un homme de dialogue transpartisan

Jacques Mézard a aussi démontré son sens du dialogue à Paris au palais du Luxembourg. Son groupe parlementaire RDSE s'est par exemple démarqué en votant la proposition de loi de droite UDI-LR sur la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire, qui sera rejetée par le parti socialiste. « C'est une caractéristique du groupe RDSE », commente Jean Bizet, qui ajoute que Jacques Mézard est un homme « indépendant, à fort caractère ». Dans la perspective d'un gouvernement qui aurait à trouver des majorités à géométrie variable, Jacques Mézard pourrait être un bon atout dans les hémicycles parisiens. À défaut d'être, pour le moment, un expert de Bruxelles.

 

Réactions / Parmi les nombreuses réactions des organisations professionnelles agricoles à la nomination du nouveau ministre de l’Agriculture, on retiendra que les syndicats agricoles s’accordent sur l’urgence de passer à l’action devant la détresse des agriculteurs. Et les coopératives forestières s’inquiètent de ne pas voir la forêt dans l’intitulé du ministère.

Les syndicats agricoles alertent sur l’urgence d’agir

Les syndicats agricoles s’impatientent de rentrer dans le vif des sujets. « Il faut qu’il (NDLR : le ministre de l’Agriculture) se mette au travail rapidement », plaide Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA. Nous n’avons pas de temps à perdre, il faut remettre du carburant dans le moteur franco-allemand ». Un message d’urgence également relayé par la Coordination rurale et la Confédération paysanne. Pour la FNSEA, les deux grands chantiers prioritaires sont la loi de simplification « pour redonner de l’oxygène à nos exploitations  en faisant davantage confiance grâce au droit à l’erreur » ; et les  États généraux de l’alimentation, « afin de retrouver de véritables équilibres dans la chaîne alimentaire et notamment la juste place des producteurs ». Les Jeunes agriculteurs interpellent le ministre sur l’urgence de « susciter des vocations en agriculture ». Ils demandent d’ouvrir les chantiers de simplification des normes, d’accès au foncier, de prix décents, de négociations de la future Pac. Ils revendiquent une posture « d’ouverture » et de « dialogue ». Le syndicat demande également au ministre « l’affirmation claire d’une vision sur le long terme pour l’agriculture française ». L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) souhaite que le nouveau ministre « redonne confiance et optimisme aux agriculteurs français », « crée les conditions de réussite des exploitations agricoles ».
Organisations agricoles spécialisées
Philippe Pinta, le président de l’AGPB (producteurs de blé), attend « à court terme » des mesures sur « la gestion des risques, l’absence de distorsions de concurrence et de sur-transposition ». Concernant
la Pac, l’AGPB veut notamment le maintien « d’un budget fort ». Des outils de gestion des risques « efficaces » sont réclamés à la fois au plan européen et national. L’association des producteurs de blé espère, dès 2018, le développement d’une assurance climatique et la possibilité d’une épargne de précaution pour tous les producteurs. Le leitmotiv de la FOP (producteurs d’oléagineux et de protéagineux) est de « gagner en compétitivité ». Ses attentes portent notamment sur un budget communautaire et une Pac renforcés, « un plan protéines digne de ce nom », un soutien fort à la recherche et à l’innovation, « des mécanismes novateurs en faveur de la résilience des exploitations », un appui affirmé aux biocarburants et un maintien des objectifs actuels d’incorporation, souligne-t-elle. Fransylva (forestiers privés) le qualifie « d’homme de terrain, plus que de communication », lui souhaite la bienvenue et l’invitera à son assemblée générale le 13 juin pour poursuivre le travail de fond mené depuis 2012.
Entreprises du secteur agricole
Michel Prugue, le président de Coop de France, attend un ministère de l’Agriculture « mettant au cœur de son action la liberté d’entreprendre », affirmet-il. La fédération des coopératives avance comme objectif de libérer le travail, l’investissement, via la simplification administrative, l’arrêt de la sur-transposition des normes européennes, aussi en renforçant la compétitivité par la baisse des charges. Il s’agit par ailleurs de garantir « des prix justes pour que les agriculteurs puissent vivre de leur travail ». Les futurs États généraux de l’alimentation devront mettre fin à la guerre des prix, soutient Coop de France. L’organisation veut « une Europe qui protège », à l’aide d’outils de gestion des risques économiques, climatiques, sanitaires. L’Association nationale de l’industrie alimentaire (Ania) souhaite que le gouvernement « redonne de la valeur à l’alimentation ». Le gouvernement devra pour cela « être le garant des bonnes relations au sein de la filière ». L’Ania attend aussi du gouvernement qu’il assure « un environnement réglementaire et fiscal stable ». L’UCFF (coopératives forestières) attend du ministre qu’il « favorise la propriété forestière » et le « développement de l’énergie renouvelable bois », « soutienne les innovations en forêt ainsi que le reboisement », « et assure la bonne santé des personnels ». Elle regrette que le terme « forêt » n’apparaisse pas dans la dénomination du ministère.