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Recherche appliquée

Parasites internes : peut-on identifier de visu les ovins très infestés ?

Fin 2018, le FiBL a conduit un essai destiné à identifier des signes visuellement observables d'ovins infestés par des parasites internes. Objectif visé : des déparasitages ciblés plutôt que de traiter l'intégralité du troupeau.
Parasites internes : peut-on identifier de visu les ovins très infestés ?

« Le parasitisme interne est un problème sanitaire majeur des petits ruminants (ovins, caprins) », rappelle Felix Heckendorn, parasitologue vétérinaire et président de l'antenne française du FiBL (institut de recherche sur l'agriculture biologique) installée sur l'Ecosite du Val de Drôme, à Eurre. Il met le doigt sur le coût des vermifuges pour traiter ces parasites de pâture. Et il remarque : « Pendant des dizaines d'années, on les a traités avec des produits de synthèse à haute fréquence pour maintenir la santé des animaux et leur productivité. C'est un facteur économique ».

Felix Heckendorn, vétérinaire parasitologue et chercheur au sein de l'antenne FiBL France.

Seuls 20 à 30 % des animaux sont très parasités

Felix Heckendorn reprend : « De la recherche, nous savons que, dans un troupeau, seuls 20 à 30 % des animaux sont fortement infestés par les strongles gasto-intestinaux (SGI). C'est valable pour tout troupeau. Mais, en général, les éleveurs vermifugent l'intégralité de leurs animaux car il est difficile de déterminer, en les observant extérieurement, lesquels sont fortement infestés et méritent d'être traités. Cela accélère l'évolution de résistances des parasites aux molécules chimiques utilisées, qui s'aggrave de plus en plus. En Suisse, des cas de multirésistance se sont développés. Ils conduisent des éleveurs à arrêter leur activité parce qu'ils ne peuvent plus maîtriser le parasitisme. »

La coproscopie, preuve et outil

Avec une coproscopie - consistant à observer au microscope des crottes et à compter les œufs de parasites excrétés - peut être déterminé si un animal est moyennement, fortement ou pas du tout infesté. « C'est la preuve de l'infestation et aussi un outil pour décider ou non de traiter, fait remarquer le parasitologue vétérinaire. Mais cette analyse est relativement coûteuse si elle est pratiquée pour chaque animal. C'est pourquoi nous avons lancé une étude sur ovins. Et une autre à peu près la même le sera cette année sur caprins. »

Evaluations et analyses comparées

L'essai consistant à observer si des éleveurs expérimentés arrivent à identifier visuellement les animaux fortement, moyennent ou légèrement infestés a été réalisé sur le troupeau d'Anna Krichel. Crédit photo : Felix Heckendorn.

L'essai a consisté, en suivant un protocole, à observer si des éleveurs expérimentés arrivent à identifier visuellement les animaux fortement, moyennent ou légèrement infestés. Il a été réalisé en octobre 2018 à Poët-Célard sur 97 ovins (agnelles, brebis et animaux de réforme) d'Anna Krichel. Cinq éleveurs (dont la propriétaire du troupeau) ont qualifié chacun de ces animaux. Les évaluations ainsi recueillies ont fait l'objet d'un traitement statistique et ont été croisées avec les données des analyses réalisées en laboratoire pour chacun des 97 ovins. Les résultats de cette expérimentation ont été communiqués le 24 janvier à Eurre, lors d'une journée consacrée à la maîtrise raisonnée du parasitisme interne chez les ovins.

Les participants à la journée du 24 janvier à Eurre consacrée à la maîtrise raisonnée du parasitisme interne chez les ovins.

Le déparasitage ciblé en ligne de mire

« Il est intéressant de voir que tous les éleveurs sont parvenus à déterminer correctement les animaux fortement infestés, indique Felix Heckendorn. Donc, un traitement ciblé est a priori possible. Mais, le problème, c'est que nous n'avons pas réussi à déterminer de bonnes corrélations entre les évaluations des éleveurs et les résultats d'analyse. Nous n'avons pas de critères clairs et nets pour dire pourquoi ils ont qualifié un mouton fortement infesté ou pas. Cela reste à creuser. Ce n'est pas de la recherche fondamentale mais de la recherche appliquée. Et ça, c'est l'expertise du FiBL. »

Annie Laurie

Le FiBL et son antenne France

Le FiBL (institut suisse de recherche sur l'agriculture biologique) débute ses premières actions de recherche appliquée dans la Biovallée en 2014 : sur le thème de la maîtrise du parasitisme par l'utilisation de plantes (en préventif et curatif), en collaboration avec le syndicat caprin de la Drôme. En 2017, une antenne FiBL est créée en France. En juin 2018, son siège social est relocalisé sur le Pôle bio de l'Ecosite du Val de Drôme à Eurre, suite à l'aménagement d'un nouveau laboratoire de terrain. Felix Heckendorn, parasitologue spécialiste des ruminants, préside cette antenne et Florence Arsonneau la dirige.
Des expérimentations de terrain
L'objectif de l'antenne FiBL France est de travailler au service de l'agriculture biologique, en complémentarité avec les structures françaises de recherche et de développement agricole. Son but premier est de réaliser des expérimentations de terrain avec les agriculteurs et sur leur exploitation. Les essais sont destinés à leur apporter des solutions pratiques. L'antenne FiBL France intervient principalement dans les domaines de la santé des petits ruminants, du compost, de la biodiversité fonctionnelle et de la viticulture.
Le projet Transaat
L'essai sur l'identification de signes observables visuellement d'une infestation parasitaire de strongles gastro-intestinaux s'inscrit dans le volet ovin du projet Transaat. Ce projet s'intéresse aux changements de pratiques en agriculture et en consommation. Sur le volet agricole, la santé des petits ruminants (ovins, caprins) et des porcs est travaillée, notamment les problèmes de parasitisme.
D'une durée de trois ans, le projet Transaat s'achèvera fin septembre 2020. Côté financements, il bénéficie du soutien du programme Leader (fonds européen agricole et de développement de l'espace rural) et de la Fondation de France. Et il est coordonné par la communauté de communes du Val de Drôme.