“ On va vers la multiplication du nombre de produits ”

En grandes cultures, comment peut-on utiliser le biocontrôle ? Cette technique de lutte contre les parasites est-elle adaptée aux cultures de plein champ ?
François Uzel : « Il faut bien reconnaître qu'en milieu confiné, sous serre, il est plus facile d'utiliser les auxiliaires comme les insectes qui vont moins s'éparpiller dans la nature. En grandes cultures, son usage est relativement récent. Le biocontrôle n'est employé que depuis le début des années 1990. La gamme de produits est encore assez limitée. Le premier qui a été employé est, à ma connaissance, le trichogramme, pour lutter contre la pyrale du maïs. Il s'agit d'une miniguêpe qui vient pondre dans les œufs de la pyrale de maïs. C'est un procédé qui fonctionne bien. Aujourd'hui, il y a entre 120 000 et 160 000 ha de maïs qui sont traités de cette façon. L'Inra et la société Biotop de Livron-sur-Drôme(2) travaillent dessus et des techniques ont été mises en place pour augmenter les surfaces traitées, grâce à l'emploi des drones et des ULM. Jusqu'ici les traitements, assez artisanaux, étaient faits à la main en passant dans les cultures. Alternative aux produits phytosanitaires, le biocontrôle permet d'en réduire les doses, voire de s'en passer complètement, ou qu'ils ne soient plus qu'un ultime recours. »
Quels sont les autres produits en usage actuellement ?
F. U. : « Le deuxième à avoir été employé est un champignon, le Coniothyrium minitans, dont le nom commercial est le Contans wg. Il lutte contre le sclérotinia du colza appelé aussi pourriture blanche. Ce produit a été homologué assez tôt, mais commercialisé seulement en 2007. Il est utilisable en agriculture biologique. Il y a également de l'extrait d'algues laminaires, commercialisé sous le nom de Laminarine produit par Guoémar en 2010. Après un vif succès au démarrage, ce produit a connu un passage à vide. Il a été relancé, il y a deux ans sous le nom de vacciplant. Ce produit stimule les défenses naturelles des plantes contre les maladies de toutes les céréales à paille (avoine, blé tendre, blé dur, épeautre, orge, seigle, sarrasin, triticale). Il est particulièrement recommandé contre la septoriose du blé et l'helminthosporiose de l'orge. Appliqué en association avec un fongicide classique sur céréales lors du premier traitement, il permet de réduire la dose de produit phytosanitaire de moitié et ainsi diminuer l'emprise de ces produits sur le blé. Autre produit utilisé en grandes cultures, le phosphate ferrique, qui est un anti-limaces, ou le souffre, qui permet de lutter contre l'oïdium. Dans la catégorie défanage, épamprage, le beloukha à base d'huile de colza est utilisé comme désherbant. »
L'efficacité de ces produits est-elle démontrée ?
F. U. : « Jusqu'à la fin des années 2000, on attendait une efficacité à 100 % parce que la référence restait les produits chimiques. En biocontrôle, on n'a pas cette approche-là, ce que l'on recherche, c'est de préserver un équilibre, éviter qu'une maladie fasse perdre des rendements. Quand on utilise les produits de biocontrôle, on a une efficacité inférieure, de 50 à 60 % , si l'on compare avec les produits chimiques, qui sont à 90 %. Mais à long terme, ils gagnent petit à petit en efficacité parce que naturels, ils rétablissent l'équilibre de l'écosystème et limitent l'usage des molécules chimiques. Ils permettent aussi d'éviter que des résistances s'installent. Le phosphate ferrique par exemple, l'anti-limaces, est tout à fait comparable à un produit phytosanitaire en termes d'efficacité. »
Quel est le coût de l'utilisation de ces produits ?
F. U. : « Au démarrage, ces produits étaient fabriqués par des petites structures et, de fait, le coût était peut-être plus élevé. Aujourd'hui, comme leur efficacité n'est plus remise en cause et qu'ils répondent à une attente, les grands groupes commencent à les fabriquer en volumes plus importants ce qui tend à réduire leur coût. »
Quelles sont les perspectives pour l'avenir du biocontrôle ?
F. U. : « Pour ce qui concerne les insecticides et les fongicides, on va vers la multiplication du nombre de produits, parce que les sociétés multinationales ont pris conscience que le biocontrôle était un marché d'avenir dans lequel ils ont décidé d'investir. On peut penser qu'à partir de 2020, on pourra miser sur une offre accrue de produits insecticides et fongicides. Je suis plus prudent pour ce qui concerne les herbicides, qui restent plus difficiles à mettre au point. »
Propos recueillis par Magdeleine Barralon
(1) L'Académie biocontrôle protection biologique intégrée (ABPBI) a été créée en février 2013. Sa vocation est de contribuer au développement des connaissances sur le biocontrôle et la protection biologique intégrée et de favoriser ces pratiques en jardins, espaces végétalisés et infrastructures.
(2) biotop.fr