Noix : filtrer et recycler les eaux de lavage pour économiser la ressource

Avec le grossissement des tonnages de noix produits par exploitation, l'eau de lavage devient rapidement une double problématique. D'abord celle du prix, car selon la directive 93/43 de mai 1995, renforcée par le décret 80/778/ CEE de 2010, il est stipulé qu'il est obligatoire de laver les fruits et légumes avec une eau potable. Pour la noix, il est toléré un premier lavage avec une eau dont la potabilité n'est pas avérée dans la mesure où l'amande est protégée par la coquille, mais il est obligatoire de pratiquer un rinçage à l'eau potable. Si l'on considère qu'il faut en moyenne 6 m3 d'eau pour le premier lavage et 2 m3 d'eau potable pour rincer une tonne de noix, la facture peut vite grimper pour peu que l'exploitation soit raccordée à un réseau collectif des eaux et doive s'acquitter en plus d'une taxe d'assainissement.
Le deuxième problème, c'est justement le retraitement des eaux de lavage qu'il est interdit de rejeter en l'état dans les rivières et bientôt dans la nature. Pour pallier à cela, certains producteurs ont installé des bassins de lagunage et réutilisent une partie de l'eau décantée pour le prélavage, mais la consommation d'eau potable reste somme toute encore importante.
Filtrer à 500 microns et recycler
L'entreprise Récolt'Concept située à Chatte (38), en plein cœur de la zone de production nucicole, vient de mettre au point un filtre à 500 microns (0,5 mm) positionné en aval de la chaîne de lavage des noix. Tout au long du cheminement des noix, de la fosse de réception jusqu'au triage, les déchets, brou et toutes autres matières sont séparés pour n'envoyer vers le filtre de 500 microns qu'une eau la plus déchargée possible en résidus. Au-dessous de la première laveuse-écaleuse est installé un chéneau strié par des fentes de quelques millimètres de largeur qui ne laissent passer que l'eau sale. Les résidus solides sont évacués vers une remorque via une vis-brosseuse sans fin et un tapis. Le principe de récupération des déchets est identique pour la deuxième laveuse-brosseuse. Avec cette technique de récupération des déchets en début de chaîne, l'eau peu chargée est dirigée vers un regard d'eau pluviale de 200 litres, puis elle est pompée en simultané pour se déverser sur un filtre à tamis incliné de 500 microns. Le film d'eau passe à travers le filtre et se sépare des résidus fins qui se déposent dans un caisson.
Quatre à cinq fois moins d'eau de lavage
Cette eau décantée en bout de chaîne est renvoyée vers la laveuse pour être réutilisée. Seule la brosseuse, en fin de chaîne de lavage, utilise de l'eau potable. La partie excédentaire de l'eau sale passe par des asperseurs pour être épandue sur une prairie de 300 m2 seulement.
Maurice Guillot, gérant de l'entreprise Récolt'Concept qui travaille depuis plus de quarante ans sur la mécanisation des noix, a installé, pour la campagne 2019, son nouveau filtre sur l'exploitation de Frédéric Ollier-Faure, à Saint Lattier (38). Au fil des ans, il a modifié, amélioré toute sa chaîne de lavage. Il ne restait plus que le problème de l'eau à traiter. Pour lui, peu de nuciculteurs sont en mesure de financer des bassins de lagunage de plusieurs dizaines de milliers d'euros : « Avec notre filtre qui coûte quelques milliers d'euros seulement, notre technique devient accessible au plus grand nombre et permet de diminuer d'une manière drastique la consommation d'eau... », dit-il.
Au bout d'une saison de fonctionnement, Frédéric Ollier-Faure se dit satisfait de l'aboutissement de son installation : « Je lave 11 m3 de noix en une heure et demi et je ne consomme que 3,5 m3 d'eau potable, c'est-à-dire à peu près un litre par kilo de noix, là où l'on considère qu'il en faut en moyenne 5,5 l, soit cinq fois plus. En quelques années, avec Maurice Guillot, nous sommes arrivés à rendre cette station autonome et efficiente avec l'intégration d'un trieur optique, et l'année dernière avec le rajout de ce filtre. Ma station fonctionne toute seule, une personne est juste là pour surveiller le cheminement des noix de la fosse de réception aux séchoirs pendant que je ramasse mes noix... »
Roland Saint Thomas