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Primaire de la droite et du centre

Libérer et protéger, la difficile équation à résoudre

Un ancien président de la République, deux anciens Premiers ministres, un ancien ministre de l’Agriculture, la primaire de la droite et du centre mettra aux prises plusieurs poids lourds de la politique française. À quelques jours du vote (20 et 27 novembre), découvrez des éléments de décryptage de leur programme en matière agricole.
Libérer et protéger, la difficile équation à résoudre

A six mois des élections présidentielles, les candidats l'ont bien compris : l'agriculture tiendra toute sa place durant la campagne. Les manifestations de l'an passé ont marqué l'opinion publique qui accorde d'ailleurs un large soutien à « ses paysans ». Et au-delà de l'agriculture, l'alimentation, la santé, l'environnement sont devenus des sujets de débats de société récurrents. Aussi, chacun des sept candidats à la primaire de la droite et du centre s'attelle à rappeler l'évidence avec force : l'agriculture est « une chance et une absolue priorité » pour Bruno Le Maire ; un domaine « stratégique » pour François Fillon et Nicolas Sarkozy, ou encore un « secteur économique majeur » pour Alain Juppé.

Baisser les charges

Sans surprise, le discours des sept candidats traduit une volonté farouche d'alléger les contraintes, et notamment fiscales qui pèsent sur les agriculteurs : Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) parle de « baisse d'impôts » et veut aussi alléger la fiscalité sur la transmission d'exploitation. Nicolas Sarkozy souhaite « une exonération totale des charges au niveau du Smic ». François Fillon propose une réduction des charges patronales et salariales et de la financer par une hausse de la TVA de 2 % sur les produits français comme d'importation. Même solution annoncée par Jean-François Copé. Alain Juppé appelle de ses vœux « une baisse des charges fiscales, sociales et réglementaires ».

L'exploitation agricole,une entreprise comme les autres ?

Au-delà des contraintes fiscales, les programmes plaident pour un rapprochement entre le statut des entreprises agricoles et celui des autres secteurs de l'économie. Jean-Frédéric Poisson veut que l'on regarde « la pérennité et la rentabilité avant tout » ; Alain Juppé parle « d'entreprises à part entière » et souhaite « plus de liberté » dans l'organisation des agriculteurs en faisant évoluer « les règles particulières à leur statut social » et en permettant « l'ouverture aux capitaux » ; Jean-François Copé aimerait qu'on laisse « les agriculteurs se regrouper pour mieux mettre leurs moyens en commun et se moderniser plus facilement ». François Fillon veut que les agriculteurs puissent choisir librement leur statut juridique et que la situation des exploitants qui mènent plusieurs activités soit simplifiée. Dans ce registre, c'est NKM qui va plus loin : « à vouloir trop protéger et contrôler l'agriculteur qui loue les terres, on sclérose l'ensemble du marché ». Elle propose « de mettre fin au contrôle des structures à l'horizon 2020 ». Et comme pour tout autre secteur d'activité, les candidats veulent encourager l'innovation technologique. François Fillon plaide pour l'accès au crédit impôt-recherche notamment sur trois domaines : la génétique, la fertilité des sols et l'agriculture 3.0. Nicolas Sarkozy propose de doubler le CICE (crédit impôt compétitivité emploi). NKM veut qu'une partie des fonds européens soit affectée aux investissements collectifs sur l'acquisition de données (capteurs, robots...) et Alain Juppé demande un soutien de l'innovation à travers le Feader.

Protéger de la volatilité et... de la GMS

Pour autant, chacun a bien compris que si les agriculteurs ont besoin de moins de contraintes dans leur activité quotidienne, ils ont aussi besoin d'appui et d'encadrement sur les prix. Si chacun se félicite du développement des circuits courts et souhaite encourager l'approvisionnement local en RHD (restauration hors domicile), les relations avec la grande distribution font l'objet de propositions. Alain Juppé veut corriger « les dérives de la LME (loi de modernisation de l'économie) et encourager la contractualisation ». Nicolas Sarkozy, qui défend son bilan sur la LME, pointe du doigt « les oligopoles de la grande distribution » contre lesquelles il souhaite lutter. Il propose « de renforcer les compétences de l'observatoire des prix et des marges » pour contraindre les acteurs à respecter les accords de filière. Bruno Le Maire, qui regrette que la contractualisation ne soit pas suffisamment aboutie, souhaite que les agriculteurs puissent plus facilement se regrouper en organisation de producteurs pour peser dans les négociations avec les transformateurs et les GMS (grandes et moyennes surfaces). NKM rappelle néanmoins que la grande distribution pèse 60 % du commerce alimentaire et ne peut être ignorée « sous peine de plomber l'agriculture ». L'autre besoin de protection concerne la volatilité des prix dans un marché mondialisé. Bruno Le Maire et François Fillon sont sans doute les plus précis dans ce domaine. L'ex-ministre de l'Agriculture propose la création d'un mécanisme d'accompagnement en cas de crise des prix et des volumes : « En cas de décrochage, un mécanisme de compensation des prix sera engagé de sorte que chaque agriculteur puisse retrouver un prix d'équilibre ». François Fillon suggère une disposition fiscale pour permettre la création d'un compte pour aléas climatiques et économiques, interne à l'entreprise agricole, qui permettrait d'avoir une réserve équivalente à un an de production. 

D. B. avec Actuagri

 

A lire également l'intégralité des interviews  

Jean-François Coppé

François Fillon

Alain Juppé

Nathalie Kosciusko-Morizet

Bruno Le Maire

Jean-Frédéric Poisson

Nicolas Sarkozy

 

 

LES PRIMAIRES en pratique
La « primaire » du parti de la droite et du centre se déroulera, pour la première fois, les 20 et 27 novembre. Le vote aura lieu uniquement par bulletins papier - sauf pour certains Français de l’étranger - et sans procuration (pour éviter les risques de fraude), dans quelque 10 330 bureaux de vote sur l’ensemble du territoire. Le site : primaire2016.org/ou-voter/ permet aux électeurs de connaître leur bureau de vote le plus proche. Tout électeur peut voter. Il faut être inscrit sur les listes électorales et signer « une charte de l’alternance » dans laquelle on indique « partager les valeurs de la droite républicaine et du centre » et s’engager pour « l’alternance afin de réussir le redressement de la France ». Il faudra aussi s’acquitter de deux euros par tour.
Primaire de gauche
Elle aura lieu les 22 et 29 janvier 2017. Elle réunira les candidats de la gauche, au-delà du PS, mais Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et Yannick Jadot (EELV) ont annoncé leur intention de ne pas s’y soumettre. À ce jour, neuf candidats semblent vouloir se présenter non compris la candidature éventuelle de François Hollande. La procédure prévoit un système de parrainage à obtenir pour les candidats. Quant aux électeurs, il suffira d’être inscrit sur les listes électorales, de payer un euro et de signer un court texte montrant qu’on adhère aux valeurs de la gauche.
Yannick Jadot sera le candidat « vert »
Yannick Jadot a remporté la primaire organisée par le parti Europe Écologie les Verts avec 57,11 % des voix contre 42,89 % pour la Drômoise, Michèle Rivasi. « Je ne suis pas candidat du parti EELV, je suis candidat de l’écologie », a-t-il précisé suite à sa victoire. De fait, parmi les 13 348 votes exprimés, Yannick Jadot affirme qu’il y a « plus de votants en dehors qu’au sein d’EELV ». Le candidat a aussi rappelé avoir déjà 250 signatures de parrainage : « C’est la moitié du chemin. On va aller les chercher ». Si le candidat vise comme résultat les « 10 % et plus » au premier tour, il rappelle qu’il cherche à construire aussi « les victoires de demain, aux législatives, aux municipales. » Actuel député européen – il s’est notamment fait remarquer par son engagement contre les traités de libre-échange entre l’UE, le Canada et les États-Unis - Yannick Yadot a été directeur des campagnes France de Greenpeace France entre 2002 et 2008.