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Foncier agricole

Les terres agricoles, un bien commun à sanctuariser d’urgence

Le rapport de la mission parlementaire d’information sur le foncier agricole, présenté début décembre, alerte sur l’artificialisation des terres et la concentration du foncier. Plusieurs acteurs, dont les Safer, demandent une loi avec des dispositions fortes sur le foncier pour protéger cette ressource.
Les terres agricoles, un bien  commun à sanctuariser d’urgence

Quelle réforme pour protéger les terres agricoles ? C'est la question sur laquelle se sont penchés, depuis février 2018, les députés de la mission parlementaire d'information sur le foncier agricole, menée par le député Jean-Bernard Sempastous (LREM) et ses co-rapporteurs Anne-Laurence Petel (LREM) et Dominique Potier (PS). Leur rapport a été présenté à l'Assemblée nationale début décembre. L'occasion, pour les rapporteurs, de faire un premier bilan de la situation du foncier en France. Et de multiplier les points d'alerte : artificialisation, concentration des terres, multiplication du travail délégué, investissements étrangers... Malgré un constat partagé, les deux élus co-rapporteurs n'ont toutefois pas réussi à se mettre d'accord sur la philosophie des réponses à apporter. Anne-Laurence Petel refuse en effet une loi « qui s'applique de façon homogène » sur tous les territoires, tandis que le député et agriculteur, Dominique Potier, préconise une « grande loi universelle », face à « l'urgence de la situation ».

Ne plus détruire de foncier agricole

Pour lutter contre l'artificialisation des terres, Dominique Potier souhaite, par exemple, inscrire dans la loi un objectif impératif de « neutralité en termes de dégradation des terres », au niveau national, et veut inscrire le sol comme un « élément du patrimoine commun de la nation », au même titre que l'eau, afin d'accroître sa protection. Au contraire, Anne-Laurence Petel, veut privilégier les incitations fiscales et les expérimentations locales, impliquant des plans d'urbanisme « plus prescriptifs » sur ces questions. « Nous ne pouvons pas faire les choses sans embarquer les élus locaux », affirme-t-elle, quand son collègue alerte sur la « lenteur » d'une telle méthode, alors que l'équivalent d'un département est artificialisé tous les sept à dix ans en France. Sur la question de l'artificialisation, les députés tombent toutefois d'accord sur certains points. Tous deux souhaitent multiplier les indicateurs permettant de mieux connaître la qualité des terres, l'ampleur de l'artificialisation ainsi que la présence de friches agricoles et industrielles. Les deux co-rapporteurs veulent en outre couvrir l'intégralité du territoire national par des Scot et des PLUi, à « horizon 2025 », et accroître le rôle des commissions départementales de protection du foncier (CDPenaf).

Réformes du fermage et de la Safer

L'accès à la terre pour les jeunes générations est l'autre point essentiel du rapport. Sur le statut du fermage, que certains critiquent comme étant trop strict, les députés partagent une volonté de « rééquilibrage ». Cela passe par une simplification pour Anne-Laurence Petel, qui laisse toutefois « à la profession » l'initiative de cette réforme. Dominique Potier rappelle au contraire son attachement à ce statut, et souhaite plutôt introduire un allégement fiscal incitatif sur les revenus de ce capital foncier. Le rôle de la Safer est lui aussi discuté dans le rapport. Les députés s'accordent sur la nécessité de renforcer son dispositif, afin de le faire coller aux nouvelles formes d'appropriation de la terre, notamment via le phénomène sociétaire. Dominique Potier propose de rendre obligatoires des conventions d'objectifs et de moyens entre Safer et EPF (établissement public foncier), voire de les fusionner. Anne-Laurence Petel se prononce également pour un rapprochement des moyens et ressources des Safer et EPF, via des « clusters fonciers », mais là aussi, au sein des territoires, en région, en élargissant cette synergie avec des partenariats comme avec Terre de liens, Coop de France ou des banques.

La terre comme bien commun

Sur la concentration des terres, Dominique Potier souhaite par ailleurs modifier la Constitution pour y intégrer la notion de bien commun. L'objectif : permettre aux organismes de régulation, au premier rang desquels les Safer, de réaliser un meilleur contrôle des cessions de parts sociales, des opérations sur lesquelles elles n'ont pour l'instant aucun pouvoir d'action, ce que refuse sa collègue. Anne-Laurence Petel propose, quant à elle, de systématiser l'obligation d'agrément pour les projets des acquéreurs de parts sociales, selon un cahier des charges et des critères définis en fonction des besoins des territoires. Le socialiste préfère une définition plus stricte de l'agriculteur qu'il veut lier à l'autorisation d'exploiter. Il propose notamment d'y intégrer un critère « participation effective à l'exploitation », avec la possibilité de soumettre les aides Pac à cet agrément. Face à ces deux visions, ce sera au gouvernement de trancher. Difficile de prédire, dans ces conditions, le contenu de la future loi foncière, attendue pour début 2020. 

 

Consultez notre dossier complet sur le foncier agricole paru dans notre édition du vendredi 8 février 2019