Les PPAM à l’épreuve du changement climatique
Les 14 et 15 mars à Eurre, l’association Biovallée a organisé la troisième édition de son colloque sur les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM). L’occasion d’interroger des experts sur les leviers d’adaptation et d’atténuation du changement climatique pour la filière PPAM.

À Eurre, la semaine dernière, une centaine de personnes de toute la France a participé au colloque sur les PPAM de l’association Biovallée. Producteurs, organismes techniques, entreprises de l’aval…, tous étaient réunis pour s’interroger sur la capacité de la filière à répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux. Au cœur des préoccupations : le changement climatique.
Pour entrer en matière, l’association Biovallée avait invité Jean Jouzel. Le paléoclimatologue, mondialement reconnu pour ses travaux de recherche sur l’évolution du climat, lauréat du prix Vetlesen (équivalent du prix Nobel pour les sciences de la Terre et de l’Univers) et vice-président du groupe de travail scientifique du Giec* de 2002 à 2015, a rappelé que la situation actuelle était annoncée. « Ce que nous vivons aujourd’hui en termes de réchauffement, c’est ce que notre communauté [scientifique] envisage depuis cinquante ans », a-t-il résumé. Les scénarios du Giec ne sont plus contestables. Au rythme actuel des émissions de CO2, la planète connaitra un réchauffement de + 5°C d’ici la fin du siècle avec toutes les conséquences en cascade (incendies, épisodes climatiques extrêmes, extinction d’espèces, insécurité alimentaire…)
Projection en Drôme
À l’échelle de la Drôme, des projections ont été faites grâce à l’outil Climat XXI, développé par les chambres d’agriculture. Emilie Rannou, responsable du pôle grandes cultures, maraîchage, PPAM de la chambre départementale, a présenté ce que pourrait être la situation dans la vallée de la Drôme si le pire des scénarios modélisés par le Giec se confirmait. Sur Saillans, la température moyenne augmenterait de 4°C. « Sur la période 2071-2100, une année froide correspondrait à ce que nous classifions actuellement comme année chaude », a-t-elle averti. Par ailleurs, les volumes annuels de précipitations resteront équivalents mais leur répartition dans le temps et leur violence vont totalement changer. En parallèle, la chaleur pourrait faire augmenter l’évapotranspiration d’où une période de déficit hydrique considérablement allongée. Pour les PPAM, une telle évolution climatique aurait de nombreuses conséquences : des stress hydriques avec des effets sur les rendements, la qualité (évolution des composés des huiles essentielles par exemple) mais aussi une évolution probable du cycle des ravageurs et de leur zone de répartition, sans oublier une augmentation de la pénibilité du travail pour les producteurs et leurs salariés.
« C’est aujourd’hui que nous décidons »
Ce scénario du pire est-il évitable ? Jean Jouzel affiche encore un peu d’espoir. « Tout dépendra de notre comportement. Dans le court terme, le climat est joué : nous aurons un réchauffement dans les quinze à vingt prochaines années et il faudra de façon très clair s’adapter », a-t-il affirmé. Pour la suite, « c’est aujourd’hui que nous décidons du climat de la deuxième moitié du 21e siècle », a déclaré le paléoclimatologue. Il a invité chacun à participer à l’atténuation du réchauffement climatique. La France s’est en effet engagée à réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990 (en émissions nettes). Dans la feuille de route ou « planification écologique » portée par le gouvernement, il est prévu que l’agriculture, fortement émettrice de GES, contribue à cet effort dans une proportion toutefois bien moins importante que d’autres secteurs comme le bâtiment ou l’industrie.
« Un énorme travail a déjà été fait dans le cadre du programme Green & Lavande** pour des économies d’énergie fossile et d’eau à la fois sur la récolte, le transport et la distillation. Et ce n’est pas fini. C’est une préoccupation de la filière et nous sommes à fond sur ces sujets », a indiqué Alain Aubanel, lavandiculteur drômois et président de PPAM de France.
PPAM sous ombrage forestier
L’enjeu aujourd’hui est double : poursuivre les efforts pour atténuer sur le long terme le changement climatique et, dès à présent, s’adapter aux effets déjà connus. Myriam Desanlis de la fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab Aura) a souligné que l’amélioration de la gestion de l’eau et l’introduction d’arbres sont les deux piliers pour améliorer la résilience des exploitations. « Ralentir, répartir, infiltrer, stocker » sont les quatre règles qu’elle propose pour améliorer le chemin de l’eau dans les parcelles. L’introduction d’arbres en association de PPAM est aussi explorée. Myriam Desanlis a notamment cité des essais avec de la rhubarbe en inter-rangs de fruitiers ou encore une association tilleul-thym ou des haies intra-parcellaires composées de noisetiers, sureaux, framboisiers, cassis… L’occasion pour l’Iteipmai, organisme de recherche, d’annoncer qu’un programme expérimental, baptisé Canoppam, est lancé cette année. Celui-ci vise à mesurer les réponses physiologiques et métaboliques des PPAM produites sous ombrage agroforestier dans un contexte d’évolution climatique. De quoi alimenter la réflexion des producteurs sur les nouvelles stratégies à adopter face au changement climatique.
Sophie Sabot
*Giec : groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
** Coordonné et piloté par le Fonds de dotation Sauvegarde du patrimoine et lavandes de Provence, en partenariat notamment avec le Crieppam et la chambre d’agriculture de la Drôme.
