Les éleveurs ovins exigent un partage de la valeur ajoutée
La fédération départementale ovine (FDO 26) a tenu son assemblée générale à Crest le 6 février. Quelques jours après la levée des blocages agricoles, les éleveurs attendent toujours des avancées concrètes pour leur filière, sur les prix, la simplification administrative ou encore le loup.

« Un pays qui ne peut pas se nourrir lui-même n’est pas un grand pays ». C’est en empruntant cette phrase au Général de Gaulle que Frédéric Gontard, président de la fédération ovine de la Drôme, a donné le ton de son rapport moral. Le renouvellement des éleveurs ovins est, selon lui, clairement menacé. Prenant exemple sur des chiffres de sa propre exploitation, il a illustré la situation : « Le prix de tout ce que nous vendons baisse, alors que le prix de tous nos intrants augmente. Nous sommes vraiment dans l’impasse ! Les blocages des agriculteurs ont été levés mais beaucoup d’éleveurs sont déçus des réponses. Les négociations vont se poursuivre avec le gouvernement mais il faut vraiment qu’il y ait de grosses avancées ». Et Frédéric Gontard de citer la loi Egalim. « On nous en parle depuis cinq ans. Aujourd’hui nous vendons de l’agneau à la coopérative 8 euros/kg, la coopérative le vend elle à 11,50 euros et dans les grandes surfaces, on retrouve des pièces d’agneau à 25 ou 30 euros/kg. Il faut absolument que l’État rentre dans ces chiffres et qu’il y ait un partage de la valeur ajoutée qui permette aux éleveurs et aux abatteurs de faire face aux augmentations de leurs charges », insiste le président.
« Un exercice de funambule »
Autre sujet sur lequel Frédéric Gontard tire la sonnette d’alarme : la Pac. « On sait tous qu’on est payé par la Pac. Pourquoi ? Parce qu’on est la seule profession à voir nos produits rémunérés sur la base des cours mondiaux et ensuite on vient nous saupoudrer les primes Pac, qui n’ont d’ailleurs toujours pas été versées. L’ASP [Agence de services et de paiement, ndlr] nous dit que notre dossier est complet mais qu’ils n’ont pas l’outil pour le traiter et pendant ce temps on attend ces sommes. Avec les charges qui explosent, ça devient vraiment un exercice de funambule pour tenir un compte de résultat sur une exploitation », poursuit-il. Il dénonce aussi « l’usine à gaz que représentent les dossiers Pac, avec des réglementations qui changent d’année en année » et les pénalités appliquées pour des retards de déclaration alors que parfois l’éleveur était dans l’impossibilité, en pleine surcharge de travail, de réaliser ces déclarations dans les délais.
Des revendications multiples
En plein contexte de crise historique du monde agricole, la FDO 26 avait aussi invité les différents syndicats agricoles pour un rapide bilan de leurs revendications respectives. Pour Jordan Magnet, vice-président de la FDSEA 26, « la loi Egalim a le mérite d’exister même si elle est loin d’être parfaite ». Pointant du doigt la capacité de la grande distribution à systématiquement trouver de nouveaux moyens pour contourner cette loi, il a indiqué que l’action de la FNSEA se poursuit pour voir comment l’État peut accentuer le rôle de l’observatoire des prix et des marges. Il a aussi insisté sur « l’enfer administratif du métier » et assuré que son syndicat pousserait au niveau local le chantier de simplification avec le préfet.
Du côté de la Confédération paysanne, David Millet et David Loubet ont souhaité que les agriculteurs français ne soient plus « mis en concurrence avec des pays face auxquels ils ne peuvent pas être compétitifs ». Pour eux, l’agriculture et des secteurs comme la santé ou l’éducation doivent impérativement être sortis des traités de libre-échange.
Une idée partagée par la Coordination rurale. Bruno Graillat a plaidé pour « une exception agriculturelle, pour sortir l’agriculture de ces échanges “débiles” entre des avions et du blé, des voitures et des agneaux ». Éleveur de poules pondeuses en agriculture biologique, il a aussi souhaité que le gouvernement et les politiques arrêtent de fixer des objectifs et des calendriers sur la part du bio à atteindre dans la production française. « Il faut que la part de production en bio colle au marché, c’est tout », a-t-il argumenté.
Le corps préfectoral sur le pont
Le Modef de la Drôme était représenté par son animatrice. Elle a rappelé que son syndicat défend « un prix rémunérateur, pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier, et un arrêt des importations de denrées traitées avec des produits interdits en France ».
Enfin Alexis Beynet, représentant les Jeunes Agriculteurs, a souligné qu’après les paroles du gouvernement, son syndicat attend maintenant des actes. « Nous continuerons aussi d’être présents dans les différentes instances sur le dossier du loup pour espérer obtenir des avancées, même si elles sont petites ».
Face à cette colère toujours aussi vive dans les rangs des éleveurs, la sous-préfète de Die, Véronique Simonin, référente sur le loup, l’agriculture et la ruralité, a indiqué souhaiter travailler de manière « constructive » avec la profession. « Suite aux manifestations que vous avez organisées, il y a eu un certains nombres d’annonces sur de nombreux sujets. Ils nous revient au corps préfectoral d’en voir la réalisation concrète avec vous et surtout de se faire le relais de ce qui pourrait ne pas avancer comme le gouvernement s’y est engagé », a-t-elle déclaré. Nul doute que les éleveurs mettront la pression pour une mise en œuvre rapide des annonces. « Cette pression ne va pas retomber comme ça. Perdus pour perdus, on ne va pas se laisser faire », a averti le président de la FDO 26.
Sophie Sabot
Ils ont dit
Agnès Jaubert, conseillère départementale déléguée à l’agriculture
« Le troisième plan départemental ovin, actualisé en mai dernier, renforce le soutien apporté en termes de prophylaxie animale. Il met aussi en place un soutien à la construction de chenils pour l’hébergement des chiens de protection. Cette mesure nouvelle renvoie à l’un des grands défis du moment, celui de la prédation ». Elle a par ailleurs rappelé que la présidente du Département de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, avait fédéré les territoires alpins pour un message fort au gouvernement sur ce dossier, notamment sous la forme d’une contribution dans le cadre du futur plan loup. Le 7 février, un nouveau courrier a été adressé au ministre de l’Agriculture par les six présidents de département de l’arc alpin pour dénoncer le retard dans la mise en application du nouveau plan loup.
Didier-Claude Blanc, conseiller régional
« Nous savons que le monde agricole, c’est l’activité, la force de nos territoires ruraux. Il faut que votre combat ne soit pas un combat pour rien, car ce combat c’est aussi celui de la vitalité de nos territoires ruraux. »
Prédation et protection des troupeaux en Drôme
- En 2023, le nombre de constats d’attaques indemnisables en Drôme est sensiblement le même qu’en 2022 (autour de 250). Le nombre de victimes indemnisées (569) est inférieur à celui de 2022 (738) mais reste supérieur à la moyenne pour la période 2018-2022.
- 379 éleveurs drômois (ovins et caprins) ont déposé un dossier de protection des troupeaux en 2023 pour une enveloppe totale estimée à 4,57 M€.
- 850 chiens de protection sont recensés en Drôme en 2023.