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Gouvernement Macron

Les défis du nouveau ministre de l’Agriculture

Jacques Mézard, 69 ans, sénateur du Cantal, est le nouveau ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Élu d’un territoire rural, il se dit « homme
de terrain » et vouloir poursuivre le travail de son prédécesseur, Stéphane Le Foll. Un agenda chargé l’attend avec des dossiers nationaux et européens à prendre en main rapidement.
Les défis du nouveau  ministre de l’Agriculture

Jacques Mézard, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation du nouveau président de la République Emmanuel Macron, devrait débuter son mandat sur les chapeaux de roues et aura vraisemblablement un agenda chargé. Les choses sérieuses devraient commencer dès cet été. Mais avant cela, il devra gérer l'actualité du secteur. Le gel tout d'abord. Le ministre de l'Agriculture devra s'occuper du soutien immédiat aux sinistrés et s'atteler rapidement à l'amélioration des dispositifs de gestion des risques climatiques. Cela tombe bien, la gestion des risques est l'un des sujets phares débattus à Bruxelles dans le cadre du règlement omnibus. Autre sujet chaud à Bruxelles en ce moment : l'assouplissement du droit de la concurrence, qui est justement l'une des mesures mises sur la table par le candidat Emmanuel Macron pour permettre aux agriculteurs de retrouver du prix. En dehors de cet agenda « subi », trois chantiers majeurs devraient être conduits conjointement durant la période estivale.

Jacques Mézard, le ministre 
de l’Agriculture et de l’Alimentation du nouveau gouvernement d’Édouard Philippe.

« Ouvrir tous les leviers législatifs »

Le premier chantier consistera à organiser des « États généraux de l'alimentation », initialement appelés Grenelle de l'alimentation. Cet événement réunira les associations de consommateurs, les agriculteurs, les distributeurs et l'ensemble des filières. « Un beau challenge » qui devra permettre de convaincre les autres maillons de la filière « qu'affaiblir l'agriculture, c'est aussi les affaiblir », a expliqué Jacques Mézard devant l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) où il s'est rendu le 18 mai pour sa première intervention publique, et où il a donné les premières orientations de son mandat. Sur la méthode, Jacques Mézard a insisté sur sa volonté de dialoguer et d'échanger fréquemment avec les différents acteurs. Le nouveau ministre a d'ailleurs également rencontré à cette occasion la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, avec qui il aura un entretien plus approfondi dans les jours qui viennent.
Deuxième chantier de l'été : « L'Europe et les stocks de lait qui pèsent actuellement sur les prix du lait ». Le ministre de l'Agriculture devra aller rapidement à Bruxelles pour convaincre les autres États membres d'alléger le marché. Bruxelles a constitué entre 2015 et 2016 environ 300 000 tonnes de stocks de poudre de lait qui menacent l'équilibre des cours.

Booster les aides à l'investissement

Troisième chantier de l'été, préparer la mise en place des engagements budgétaires du candidat envers l'agriculture, au travers notamment du « grand plan de transformation de l'agriculture de cinq milliards d'euros sur cinq ans ». Celui-ci doit se traduire par exemple par la « multiplication par quatre des crédits nationaux du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAEA) ». « Beaucoup de crédits issus des fonds Feader ont été consommés par les régions, alors que la programmation dure jusqu'en 2021 »,
a t-il expliqué. Les aides aux investissements de modernisation sont composés de financements européens (fonds Feader géré par les régions) et nationaux venant de l'État (PCAEA), des Régions, des Départements, des agences de l'eau, et parfois de métropoles. Le ministre devrait annoncer des « aides complémentaires », appelées « top-up » dans le jargon, qui permettront aux régions d'attribuer des aides aux agriculteurs et dont le financement déroge à l'obligation de cofinancement européen. L'utilisation de ces budgets devrait différer en fonction des régions. Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes est « plutôt sur un rythme accéléré » d'utilisation des fonds européens Feader alloués à la modernisation, confie-t-on dans les services agriculture du conseil régional. L'abondement du PCAEA pourrait d'abord lui permettre de maintenir plus longtemps les dispositifs à leur niveau actuel.

Surtranspositions, droit à l'erreur au printemps

Voilà pour l'agenda prévisionnel du ministre de l'Agriculture. Mais d'autres annonces qu'avait faites Emmanuel Macron concernent aussi le secteur agricole. Le candidat Macron avait notamment annoncé, dans un entretien à nos confrères du JDD, qu'il prévoyait « fin mai ou début juin », de mettre en place « le droit à l'erreur » face aux contrôles de l'administration. Cette mesure devait passer par le fameux projet de loi d'habilitation permettant au gouvernement « d'agir par ordonnances ». Ces textes, prévus pour le printemps, doivent aussi « supprimer les normes issues de la surtransposition » et imposer « la suppression d'une norme récente pour toute nouvelle norme votée ». Difficile de mesurer précisément la marge de manœuvre du nouveau ministre sur ce sujet, surtout en ce qui concerne les aides Pac, très surveillées par Bruxelles.

Tour d'Europe cet été, baisses de charges à l'automne

Toujours durant ce même été, Emmanuel Macron avait annoncé dans son entretien au JDD « un tour des capitales européennes », afin de proposer « une feuille de route à cinq ans pour doter la zone euro d'un vrai budget et pour une vraie Europe à 27 de l'environnement, de l'industrie et de la gestion des migrations ». Il est également prévu que son gouvernement organise parallèlement « une conférence des territoires » pour établir « un pacte de confiance avec les collectivités locales ». À l'automne, il prévoyait « un texte de finances publiques quinquennal » et « un projet de loi de finances pour 2018 », qui comprendront notamment les « principales mesures en faveur de l'emploi et de l'investissement, comme la baisse des charges et la baisse de l'impôt sur les sociétés ». 

 

ENVIRONNEMENT : Nicolas Hulot à la Transition écologique et solidaire

L’écologiste Nicolas Hulot a été nommé ministre d’État chargé de la Transition écologique et solidaire. Celui qui avait décliné ce même poste proposé par François Hollande fait figure de « prise de guerre » pour Emmanuel Macron. C’est en tout cas le signe d’une volonté de placer l’écologie dans les priorités du nouvel exécutif. « C’est le ministère du futur, du vivant, de la solidarité », a affirmé le nouveau ministre lors de la passation de pouvoirs avec Ségolène Royal. Les enjeux écologiques sont « une contrainte, mais aussi une opportunité », a-t-il ajouté, évoquant « un nouveau modèle [...] en gestation » et les possibilités offertes, par la transition écologique, aux PME, au tissu associatif et aux collectivités locales. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA accueille cette nomination avec « appréhension » mais reconnaît à Nicolas Hulot ses qualités « d’homme de dialogue ». Pour Pascal Férey, secrétaire adjoint de l’APCA, Nicolas Hulot est une personne « à l’écoute et facile d’approche ». Néanmoins, il subsiste des points de divergences entre les professionnels de l’agriculture et ceux de l’environnement. Christiane Lambert souhaite rencontrer Nicolas Hulot : « Je suis une femme de débat. Nous ne serons pas d’accord sur tout mais nous pouvons trouver une voie médiane ». Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, se rappelle aussi avoir rencontré Nicolas Hulot, alors ambassadeur pour le climat lors de la COP21, sur une ferme en Auvergne : « Le travail avait été facile et fructueux. » Philippe Pinta, le président de l’AGPB « souhaite le rencontrer en lui montrant notre travail concrètement. » Sur le dossier des phytos, il affirme que les céréaliers sont « prêts à des avancées [...] mais ne veulent pas d’impasse. » En revanche, « pour les chasseurs, c’est la douche froide », réagit Thierry Coste, conseiller politique à la Fédération nationale des chasseurs (FNC), le 17 mai. L’organisation qualifie le nouveau ministre « d’anti-chasseur ».
Nicolas Hulot a été nommé ministre d’État, numéro 3 du gouvernement.

Des dossiers nombreux et sensibles

Plusieurs dossiers sont déjà sur le bureau de Nicolas Hulot. Selon Pascal Ferey, ils sont nombreux : nitrates, stockage de l’eau, définition des cours d’eau, phytos, qualité de l’air, accord climatique, méthanisation, biotechnologies, Agence française de la biodiversité et d’autres encore. Le monde agricole est plutôt en attente sur le travail que va réaliser Nicolas Hulot. Mais ce dernier va aussi devoir travailler dans un gouvernement où les divergences sur certains de ses dossiers ne devraient pas lui faciliter la tâche.