« Les braises sont toujours très chaudes », prévient le président de la FNSEA
Pour sa seconde visite dans la Drôme, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, est venu dialoguer avec des responsables de la FDSEA et de Jeunes Agriculteurs et d'autres organisations professionnelles agricoles. L'occasion de faire un point depuis les mobilisations historiques du début d'année.

Quatre mois après le mouvement historique de mobilisation syndicale, « c'est important pour le président de la FNSEA que je suis de prendre le temps d'aller sur le terrain parce que l'essentiel, c'est d'écouter nos adhérents », explique le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, en visite dans la Drôme le 31 mai. À Valence, il a d'abord rencontré à huis clos les responsables de la FDSEA et de Jeunes Agriculteurs (JA), avant une séquence élargie à d'autres membres des deux réseaux syndicaux ainsi qu'à des représentants d’organisations professionnelles agricoles (Groupama, MSA, Safer, Crédit Agricole…).
« Ce n'est pas une loi d’orientation agricole »
Les Drômois ont évoqué leurs préoccupations immédiates à savoir les conditions météorologiques (lire page 5) et les suites des actions syndicales massives de l'hiver dernier. « Il y a un sentiment que les choses ne vont pas assez loin et pas assez vite, constate Arnaud Rousseau. Les braises sont toujours très chaudes. Mon rôle, c'est d'expliquer ce qui a été obtenu à Bruxelles sachant que les élections européennes (lire pages 10 et 11) vont être décisives pour obtenir un changement de logiciel. Aujourd'hui, on n'est pas au bout de la démarche de simplification. » Le président de la FNSEA prévient : « L'idée que les mobilisations peuvent reprendre corps cet hiver est crédible ».
« L'idée que les mobilisations peuvent reprendre corps cet hiver est crédible », prévient Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. ©CL-AD26
Autre sujet, le projet de loi d’orientation agricole voté en première lecture à l'Assemblée nationale (lire pages 12 et 13). « Quand on la compare avec ce qui s'est fait dans le passé, cette loi n'est pas une loi d'orientation agricole, juge Arnaud Rousseau. Il n'y a rien sur la compétitivité des exploitations agricoles, rien sur les moyens de production..., déplore le président de la FNSEA. Nous attendons beaucoup de l'arrivée de ce projet de loi au Sénat afin d'étirer le texte de sorte qu'il soit le plus complet possible. Maintenant, tout le monde est lucide, ce n'est pas ce texte qui va répondre aux attentes fortes exprimées par le monde agricole en début d'année mais c'est un des éléments de réponse. Nous allons continuer à travailler pour espérer un résultat plus ambitieux. »
Contrôle unique : un texte très attendu
Questionné sur le changement climatique, le président de la FNSEA met en avant « la prise de conscience des agriculteurs ». Il ajoute : « Pour répondre au défi climatique, l'agriculture est une solution et non un problème. À chaque fois que l'on considèrera que ce sera un problème, que l'on veut davantage réglementer, normer et encadrer, on perdra la capacité à apporter des solutions. »
Quant aux normes environnementales, Arnaud Rousseau évoque « une forme d'incompréhension et de ras-le-bol sur le nombre trop important de normes » et « la nécessité de simplifier ». Il précise : « L'idée n'est pas d'être défiant vis à vis des sujets environnementaux […]. Le sol, la biodiversité sont des sujets sur lesquels l'agriculture essaie de s'améliorer, l'utilisation des pesticides a largement été diminuée. Quelques décrets ont été pris pour essayer de simplifier mais on n'est pas du tout encore au bon niveau, juge-t-il. Le Premier ministre a annoncé qu'il n'y aurait plus qu'un contrôle administratif unique dans les fermes, et le ministre de l'Agriculture a dit que ça prendrait corps à partir de cet été. Nous attendons avec intérêt les contours et la forme que prendra ce contrôle unique. »
« Nous ferons les comptes à l'automne »
« Nous ferons les comptes à l'automne, prévient une fois de plus Arnaud Rousseau. S'ils ne devaient pas être au rendez-vous de l'espérance du monde agricole, tout porte à croire que le mécontentement s'exprimera à nouveau. » ©CL-AD26
La FNSEA attend également des textes sur la loi Égalim, notamment sur la possibilité de construire le prix en marche avant, « pour que les producteurs, et notamment les éleveurs, soient justement rémunérés de leurs produits », fait remarquer Arnaud Rousseau. À l'échelle européenne, « les accords de libre échange sont un vrai sujet de préoccupations », poursuit-il.
À propos du loup, « même si l'on a obtenu des avancées sur les possibilités de tirs, ce n'est pas suffisant pour nombre d'éleveurs, estime le président de la FNSEA. Il faut que les prélèvements de loups soient suffisants pour que la pression qui s'exerce sur les troupeaux soit plus faible. Arnaud Rousseau précise : « Dans la loi d'orientation agricole, il y aura la définition de ce que sera un chien de protection du troupeau pour permettre aux éleveurs d'être protégés en cas de problème avec des randonneurs, par exemple. » Enfin, la FNSEA conteste la récente annonce d'une diminution de la population lupine.
D'autres sujets ont été évoqués, entre autres les difficultés de la viticulture et de la lavandiculture, le retard de paiement des aides à la bio, la protection des vergers, l'assurance récolte, la déduction pour épargne de précaution, les élections chambre d'agriculture, l'installation, les anciens exploitants, la perte des ICHN après la révision des zones défavorisées simples en 2018... Sur ce dernier point, « la chance de voir rouvrir ce dossier à court terme est quasi-nul au niveau de l’État, prévient Arnaud Rousseau. Car l'enveloppe des ICHN, de plus de un milliard d'euros, soit la moitié du montant du deuxième pilier de la Pac, est une enveloppe fermée et en danger. » Certains décideurs plaideraient pour une réorientation de ce budget vers l'assurance récolte, par exemple.
En conclusion de ces échanges, « nous ferons les comptes à l'automne, prévient une fois de plus Arnaud Rousseau. S'ils ne devaient pas être au rendez-vous de l'espérance du monde agricole, tout porte à croire que le mécontentement s'exprimera à nouveau. »
Christophe Ledoux