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Mai 1968

Les agriculteurs mobilisés en mai 1968

Mécontentent des décisions européennes, indemnisation du gel de 1966 toujours en attente, inquiétude face au blocus économique... à la lecture des pages de L’Agriculture Drômoise du 14 mai 1968, on y découvre, signe des temps, une activité syndicale riche.

Les agriculteurs mobilisés en mai 1968

La révolte des étudiants atteint son point culminant dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 mai 1968. Face au blocus de tout un pays, la FNSEA fait part de sa « profonde inquiétude devant la cessation de toute activité économique qui bloquera à très court terme les entreprises agricoles, compromettra l'approvisionnement alimentaire du pays et les chances de l'intégration de l'économie française dans la Communauté économique européenne. » Au-delà, la centrale syndicale appelle, dans une position civique et non politique précise-t-elle, à « la reprise de la vie économique du pays » ainsi qu'à la mise en œuvre d'une politique nouvelle « apportant les solutions indispensables aux problèmes mis en évidence par la crise actuelle ».

Mobilisation agricole le 27 mai 1968

En mai 1968, la Commission européenne attise déjà vers elle le mécontentement des producteurs de lait et de viande. Signe des temps, Bruxelles aura même été le 27 mai 1968 le lieu de la première manifestation avec 6 000 « paysans européens rassemblés » originaires des six pays du Marché commun. La Une de l'Agriculture Drômoise du 14 mai 1968 est d'ailleurs très largement consacrée à ce dossier et aux positions syndicales exprimées alors. Les éleveurs s'opposent farouchement à la remise en cause du règlement « lait et viande » de la toute jeune politique agricole commune. Pour cette grande manifestation organisée à l'ouverture du Conseil européen des ministres de l'agriculture, où siégeait Edgard Faure pour la France, « tous les départements de notre région étaient représentés pour cet aller-retour de 36 heures (...) où furent distribués quelques œufs et quelques yaourts à la police bruxelloise », lit-on plus tard dans l'article de L'Agriculture Drômoise.
Hasard ou nécessité du calendrier, alors que les agriculteurs manifestent à Bruxelles le 27 mai 1968, les accords de Grenelle se concluent au même moment à Paris, aboutissant essentiellement à une augmentation de 35 % du Smig (salaire minimum interprofessionnel garanti qui deviendra par la suite le Smic).

Et dans la Drôme, que se passait-il ?

Les sujets nationaux autour du prix du lait et de la viande occupent ainsi une grande part de la vie agricole drômoise, qui comptait plus de 18 000 exploitations. Dans le journal du 14 mai 1968, M. Bossan, alors président de la fédération laitière drômoise, fait remarquer « les marges aberrantes consenties par les organismes de ramassage aux détaillants ». Et M. Brunet, président de la section avicole, propose de rencontrer les parlementaires afin de faire aboutir une « extension des règles de discipline de productions édictées par les comités économiques », règles destinées à obtenir une organisation efficace des marchés avicoles concurrencés par la Belgique et la Hollande.
Dans le domaine de la production fruitière, les prévisions de récolte s'avèrent très importantes dans un contexte où le marché de la pomme connaît des difficultés d'écoulement. On peut également lire que la situation du marché du vin est « particulièrement stable et ce malgré les conséquences défavorables sur l'augmentation des débouchés de l'application de la TVA ».

Le gel de 1966 toujours pas indemnisé

Dans l'Agriculture Drômoise du 14 mai 1968, on apprend aussi que le gel du printemps 1966 n'est toujours pas indemnisé. La FDSEA proteste contre « les inadmissibles lenteurs du Fonds de garantie contre les calamités agricoles ». Le mois suivant, le gouvernement débloquera 28 millions de francs dont 7 pour la Drôme.
De son côté, la Sonito fait une mise au point sur la campagne 1968 en tomates de conserve, précisant que le prix fixé de 14,50 francs « ne sera garanti que jusqu'à 7 000 tonnes de concentrés qui seront importés en France de juillet 68 à juin 69 ».
De nombreux autres sujets remplissent les pages de L'Agriculture Drômoise de ce mois de mai 1968 : la réforme de l'indemnité viagère de départ, le bureau professionnel de TVA, le onzième concours national des essences de lavandes, les résultats des concours itinérants bovins et caprins... On y trouve même une rubrique médicale sur le thème « que faire en cas de piqûres d'insectes ? »
C. L.

 

Contexte des années 1960 / Accroître la productivité agricole

Le contexte agricole des années 1960 est fortement marqué par la mise en œuvre de moyens de modernisation du secteur agricole, l’objectif fondamental étant d’assurer l’autosuffisance alimentaire et d’accroître la productivité agricole. La mise en place en 1962 de la politique agricole commune (Pac), après quatre années d’intenses pourparlers entre les six pays alors membres de la communauté économique européenne (France, RFA, Italie, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas), établit explicitement plusieurs trois objectifs : la garantie en matière de sécurité alimentaire à des prix raisonnables pour les consommateurs, la stabilisation des marchés et l’assurance d’un niveau de vie équitable à la population agricole. Côté français, les lois d’orientation agricole du 5 aôut 1960 et du 8 août 1962 instaurent des mesures destinées à accélérer et à encadrer la transformation de l’agriculture.