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Parc ardéchois de Planèze

Le projet éolien emporte l’adhésion des locaux

Le parc éolien de Saint-Georges-les-Bains d’une puissance installée de 11,5 MW va être mis en service. La coopération entre le porteur de projet, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), et les élus locaux, a évité les contestations et contribué à faire de l’appel au financement participatif un succès.
Le projet éolien emporte l’adhésion des locaux

Le parc éolien de Planèze, qui produira l'équivalent de la consommation électrique annuelle de 8 500 personnes, a été mis en service mi-octobre. Porté par la CNR depuis 2008, en lien étroit avec les élus, ce parc de cinq éoliennes, est en partie installé sur des terrains communaux. « La commune a beaucoup travaillé depuis 10 ans pour que ces éoliennes puissent se dresser dans la forêt. Pour cela, les élus doivent expliquer et négocier », explique le maire, Bernard Berger. Il se montre satisfait de gérer une des premières communes à énergie positive de la région, puisque Saint-Georges-les-Bains possède déjà un parc photovoltaïque de cinq hectares, aménagé lui aussi par la CNR, qui produit les deux tiers des besoins de la commune. « Le parc éolien apportera en plus à la communauté de communes Rhône-Crussol des revenus de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) notamment. Nous espérons que Saint-Georges pourra bénéficier d'une partie de cette plus-value. »

Un financement participatif local record

« Ce parc se caractérise par une adhésion forte des riverains, ils ont été nombreux parmi les 28 000 habitants de la communauté de communes à répondre à l'appel au financement participatif en apportant 450 000 € sur les 700 000 € réunis en deux étapes. Cet exemple témoigne d'une dynamique en France où les citoyens veulent orienter leur épargne sur des circuits courts de développement de politiques énergétiques sur leur territoire », avance Julien Hostache, l'un des fondateurs de la plateforme Enerfip, basée à Montpellier. Celle-ci a été retenue par la CNR pour réaliser l'opération de financement participatif dans laquelle elle s'est engagée pour la première fois. « Cet appel fut un réel succès. Il conforte notre engagement à associer les riverains au développement des projets et partager les richesses créées par des installations produisant des ENR. Nous réitérerons l'expérience et instruisons de nouveaux dossiers éoliens dans l'Ain et la vallée du Rhône », confirme Thomas Poulenard, chef de projet à la CNR. Cette réussite a été « préparée » par la municipalité de Saint-Georges-les-Bains. « Des journées d'information destinées aux habitants ont été organisées en février, puis en mars, portant sur les modalités d'investissement », rappelle le maire. Si la part de financement participatif reste modeste au regard de l'investissement total de 13,2 millions d'euros, elle va cependant permettre aux investisseurs (à partir de 10 €) de bénéficier des retombées économiques de la ressource énergétique locale. Durant trois ans, ils bénéficieront d'un taux d'intérêt de 3 % net. Enerfip rappelle que le financement participatif comporte toujours des risques, même s'ils sont très limités dans ce cas. Depuis dix­ ans, les initiatives d'investissement local dans les projets d'énergies renouvelables se sont multipliées. Les pionniers ont dû repousser les limites d'un cadre culturel défavorable et d'un cadre réglementaire contraignant, mais ils ont fait bouger les lignes. Ces tendances sont synthétisées dans le rapport « Financer le développement des projets d'énergie renouvelable d'intérêt territorial », coordonné pour le réseau TEPOS (Territoires à énergie positive) par le CLER. 

Louisette Gouverne
(1) Le rapport a fait l'objet d'un travail collaboratif avec une trentaine de porteurs de projets et d'experts, et a été ouvert au débat dans sa version provisoire entre juillet et octobre 2016. Sur les sites : www.cler.org et www.tepos.fr Les résultats de l'appel de Saint Georges les Bains : https://enerfip.fr/

 

Un chantier complexe 

Pour la construction des cinq éoliennes, les équipes de la CNR, sous-traitants et Enedis ont dû faire face à diverses contraintes. Au final, l’emprise occupée par les éoliennes sur ce terrain plus ou moins boisé, appartenant à la commune et à trois propriétaires privés, sera de 1 200 m² pour la plateforme de chaque éolienne et son stockage. En compensation du défrichement, 2 500 m² de douglas seront replantés en forêt de Dornas. Durant le chantier, deux autres plateformes transitoires de stockage ont été créées sur des prairies de façon à ne pas impacter le milieu boisé. Il a fallu respecter la présence de chauve-souris dans quatre arbres à cavité, de lézards verts vivants dans deux murets de pierres sèches et recueillir les graines d’un réséda protégé lors de travaux d’élargissement des voies d’accès, pour les semer.
La planification des travaux a dû se caler également sur les périodes de nidification d’oiseaux et commencer à l’automne 2016. Le transport des éoliennes – 300 tonnes chacune pour une hauteur totale de 100 m – a nécessité pour les parties les plus encombrantes de recourir à des remorques automotrices pour gravir les sinueuses D86 et D232 jusqu’au Col de Rotisson. 

 

Expériences / Alors que le marché du petit éolien s’est développé au début des années 2000, il s’est très rapidement heurté au manque d’expérience des entreprises du secteur engendrant la déception des acheteurs. Parmi eux, des agriculteurs pensant faire des économies ont perdu de l’argent. Témoignages.

“ Le petit éolien nous a vendu du rêve ”

Cela n’aura été qu’une tentative d’épargne échouée. Face à de grandes dépenses énergétiques sur leur ferme, en 2009, Christian et Patricia Garde décident d’investir dans une petite éolienne. « On consomme beaucoup sur l’exploitation. L’éolien nous paraissait une bonne alternative pour récupérer notre électricité », explique Christian Garde, éleveur de bovin et caprin, à Condrieu dans la vallée du Rhône. Placée à onze mètres de hauteur et installée sur une petite butte à soixante mètres de leur maison par Eolys, concepteur et fabricant d’éolien de proximité, elle tombe en panne quelques mois plus tard. « Nous nous sommes retrouvés face à des professionnels débordés, qui plus est  basés à 600 kilomètres de chez nous, en Vendée. Ils avaient du mal à répondre à nos questions. Nous avons attendu plus de six mois avant qu’ils viennent réparer notre éolienne », regrettent-ils. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, le couple d’éleveurs se retrouve exactement dans la même situation : l’éolienne est en panne pour la deuxième fois. « Il faut certainement changer la génératrice mais notre garantie est terminée. Si cela nous coûte plus de 2 000 euros, on abandonne ».
L’attrait furtif de l’éolien
Philippe Brulé et Charles Touron, membres à l’AFPPE(1), eux, ont vécu « le boom du petit éolien entre 2004 et 2010 », mais ont surtout constaté le déclin d’un marché « qui s’est complètement planté en 2013 ». Les raisons ? Tout d’abord, selon ces deux professionnels, la faute à une fausse idée divulguée à la fin des années soixante qui consistait à dire que l’énergie éolienne ne pouvait être que « gratuite » car « gentiment offerte par la nature ». « On lui a attribué un côté sacré. La rotation des éoliennes faisant penser à celle des moulins à vent, il y avait un vrai plaisir visuel à les regarder tourner… », estime Charles Touron, ancien salarié d’EDF, aujourd’hui responsable du site SEPEN(2). « Beaucoup de particuliers, dont des agriculteurs, se sont laissés séduire pour faire des économies », reprend-il. Sauf que le marché de l’éolien s’est effondré en quelques années. « Le matériel était peu fiable, le personnel embauché vendait du rêve aux particuliers. Les coûts de maintenance étaient tellement élevés que, petit à petit, les ventes ont cessé. On a vu fondre la demande. Un grand nombre d’entreprises ont fermé. Aujourd’hui, il n’y a presque plus de fabricants de pièces en France ». Résultat : « Le prix de revient du KW (NDLR : 15 centimes TTC le KW) est largement supérieur au prix du KW vendu par les autres fournisseurs d’énergie. Le petit éolien n’est pas assez concurrentiel », résume Philippe Brulé. Le marché de l’éolien est donc quasi inexistant.
Des demandes claires
Autre frein : les autorisations souvent très compliquées à obtenir. C’est la raison pour laquelle la plupart des petites éoliennes sont installées au maximum à 12 mètres du sol car, pour celles-ci, aucun permis de construire n’est demandé. L’AFPPE devrait rencontrer le ministre de l’Environnement et de la Transition énergétique, Nicolas Hulot, au mois d’octobre. Les demandes des administrateurs de l’association sont très claires : une aide non pas sur l’investissement mais sur le KW produit en fonction de la surface balayée. « Nous demandons que les coûts de maintenance puissent être couverts par une garantie plus exhaustive. C’est la moindre des choses lorsqu’on investit des dizaines de milliers d’euros dans du matériel », reprend Charles Touron. Pour cela, le marché a besoin de se structurer afin qu’un groupement de fabricants et de professionnels puisse se mettre en place durablement. Pour l’heure, Christian et sa femme, eux, gardent le goût amer d’une mauvaise expérience. « Si c’était à refaire, nous ne le referions pas. C’est un énorme business. Depuis que l’éolienne est installée, nous n’avons pas réussi à rentrer dans nos frais », regrettent-ils. Au total, l’éolienne aura coûté 30 000 euros dont 10 000 financés par le crédit d’impôt(3) et une subvention de la Région. « Nous avons estimé nos pertes à 10 000 euros. Le petit éolien nous a vendu du rêve. Aujourd’hui, on se sent arnaqués! » 
Alison Pelotier
(1) Association française du professionnel du petit éolien.
(2) Site expérimental pour le petit éolien de Narbonne.
(3) Le crédit d’impôt pour l’éolien en 2015 était de 30 %, supprimé depuis le 1er janvier 2016.