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LE MÉRITE AGRICOLE

Le poireau, 135 ans d'histoire émérite

A la fin du XIXe siècle, le Mérite agricole, très vite affublé d'un sobriquet de légume, est né de la volonté de saluer des personnalités pour services rendus à l'agriculture.
Le poireau, 135 ans d'histoire émérite

Le ministère de l'Agriculture ne s'était émancipé que depuis deux ans (il était auparavant sous la tutelle du Commerce), quand Jules Méline, troisième ministre de l'Agriculture de plein exercice, décide de créer l'ordre du Mérite agricole le 7 juillet 1883. « La population agricole est considérable : plus de dix-huit millions de Français vivent de cette industrie (...) et contribuent puissamment par leur travail au développement de la richesse publique », et il note que « dans cet immense personnel d'agriculteurs, d'agronomes, de professeurs, de savants, le labeur est incessant, les dévouements nombreux et les récompenses rares. » Impossible dès lors de récompenser ces mérites par le contingent très modeste de Légion d'honneur mis à sa disposition. Le grade de chevalier du Mérite agricole est d'abord créé, puis celui d'officier (1887), par François Barbe et enfin celui de commandeur par Jean Dupuy en 1900. Le décret d'origine ne prévoyait que 1 000 chevaliers devant avoir « rendu des services à l'agriculture, soit dans l'exercice de la pratique agricole ou des industries qui s'y rattachent, soit dans des fonctions publiques, soit dans des missions ou par des travaux scientifiques ou des publications agricoles ».

Le poireau, le petit nom donné depuis son origine au Mérite agricole.
En 1896, Jules Méline décida de réformer l'ordre et décréta, par le décret du 27 juillet 1896, qu'il faudrait désormais « avoir exercé pendant 15 ans au moins, avec distinction, des fonctions se rattachant à l'agriculture, ou compter au moins 15 ans de pratique agricole pour être admis dans l'ordre ».

Décoration des champs

Dans l'esprit de son fondateur, le Mérite agricole devait avoir la même valeur que la Légion d'honneur et devait être une Légion d'honneur agricole. Cette même inspiration l'avait conduit à retenir primitivement pour l'insigne des caractéristiques analogues à celles de la croix de la Légion d'honneur.
Le modèle de l'insigne n'a pas été retenu mais les deux liserés rouges qui bordent le ruban moiré vert symbolisent la prestigieuse institution de l'ordre national de la Légion d'honneur. Le modèle original de la croix du Mérite agricole est dû à M. Lemoine fils, joaillier-bijoutier de la Légion d'honneur. Aujourd'hui, le modèle officiel est frappé par l'administration des monnaies et médailles. Les parlementaires de l'opposition, le grand public mais surtout les journalistes cherchèrent à tourner en dérision la nouvelle décoration des champs en la qualifiant familièrement de « poireau », ce qui lui restera. Ce nom lui a été donné en raison de la couleur de son ruban et de son insigne semblable au légume dont la racine est blanche et le panache vert.

Victime de son succès

En 1913, Jules Méline intervint auprès du Sénat et dénonça « l'inflation menaçante à laquelle s'abandonnent les ministres de l'Agriculture qui sont trop souvent dans l'impossibilité de résister aux sollicitations pressantes des parlementaires, assiégés par une clientèle dévorante à laquelle ils ne peuvent échapper ». Cette démarche eut pour effet, par le décret du 30 juillet 1913, d'entraîner une diminution des contingents, d'imposer une limite d'âge (30 ans) aux candidats et de substituer au Conseil de discipline institué en 1893, un
Conseil supérieur de l'ordre. L'après Seconde Guerre mondiale sera marqué, lui aussi, par des promotions exceptionnelles : 3 000 chevaliers seront nommés autitre de la « promotion exceptionnelle en faveur des femmes ou parents de prisonniers et de déportés qui, pendant la guerre, ont réussi, dans des conditions particulièrement difficiles, à maintenir en bon état de culture l'exploitation agricole des absents. » Une promotion en faveur de cultivateurs et cultivatrices ayant rendu, pendant les hostilités, des services exceptionnels à la résistance paysanne et à l'agriculture française aura lieu en septembre 1946.

Deux promos par an

Aujourd'hui, les nominations et promotions ont lieu chaque année en janvier et en juillet. Le contingent annuel attribué aux différents grades est fixé à 60 commandeurs, 600 officiers et 2 400 chevaliers. Pour être promu officier, il faut justifier de cinq ans au moins dans le grade de chevalier et de cinq ans au moins dans le grade d'officier pour être promu commandeur. Il peut toutefois être dérogé aux conditions d'âge et d'ancienneté de services en faveur des candidats qui justifient de titres exceptionnels. On compte parmi les récipiendaires célèbres : Louis Pasteur et quelques artistes comme Jean Rochefort, Fabienne Thibault, Jean-Pierre Coffe, Isabelle Mergault ou, plus récemment, Karine Lemarchand et le Prince Charles. 

Sophie Chatenet
(sources : ministère de l'Agriculture) 

Le 16 mars 2017, Sylvie Bermann, l’ambassadrice de France au Royaume-Uni, a remis au Prince Charles, fils aîné et héritier de la reine Elisabeth II, l’insigne de commandeur de l’ordre du Mérite agricole. Et ce, « en reconnaissance de sa coopération avec la France et son ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, autour d’une agriculture plus durable et plus résiliente, dans le contexte de l’accord de Paris ratifié lors de la conférence sur le climat (COP21) en 2015. »

 

Le conseil de l’ordre du Mérite agricole

Ce Conseil compte 17 membres : le ministre chargé de l’Agriculture et son directeur de cabinet ;  le vice-président du CGAAER ; quatre directeurs d’administration centrale et le secrétaire général, huit personnalités ayant le grade de commandeur choisies par le ministre (nommées pour trois ans) et un représentant du Conseil de l’ordre de la Légion d’honneur. Le Conseil de l’ordre étudie les candidatures proposées pour le grade de commandeur, collectées et instruites au préalable par le bureau du cabinet du ministre (vérification de l’état civil, du casier judiciaire et des mérites du candidat). Il établit ensuite la liste des candidats qu’il estime  dignes d’être distingués. Chaque promotion fait l’objet d’un arrêté ministériel qui est ensuite publié au Bulletin officiel des décorations, médailles et récompenses. 

Honneur et agriculture, la devise de l’Amoma

Depuis 1992, les membres de l’ordre du Mérite agricole sont regroupés au sein d’une association : l’Amoma. Elle est la seule association regroupant des décorés du Mérite agricole créée par autorisation ministérielle. Placée sous le haut patronage du ministre de l’Agriculture,
l’Amoma a son siège social au ministère de l’Agriculture. Elle réunit des membres de l’ordre, toujours plus nombreux, intéressés par les manifestations se rapportant au monde agricole ou à caractère culturel. Les membres de l’Amoma apportent également leur concours pour témoigner du respect qui est dû au premier ordre du ministère, en particulier par une application rigoureuse des dispositions lors des cérémonies de remise du Mérite agricole aux nouveaux membres qu’ils organisent ou auxquelles ils sont conviés.