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Biocontrôle

Le biocontrôle, une solution d’avenir

Le biocontrôle est défini comme un ensemble de méthodes de protection des cultures basées sur le recours à des organismes vivants ou des substances naturelles. Pour réduire, voire se passer des phytosanitaires, les produits de biocontrôle semblent être une des solutions d’avenir. Plébiscitée par les agriculteurs, c’est une alternative qui commence à se développer. Les industriels de la chimie l’intègrent d’ailleurs dans leur stratégie en y consacrant
des budgets de recherche & développement.
Le biocontrôle, une  solution d’avenir

Le biocontrôle est un sujet dont on parle depuis déjà plusieurs années. Des premières solutions ont été mises sur le marché dans les années 1970, avec une montée en puissance depuis la fin des années 1990. En 1995, l'association professionnelle Ibma (Association des entreprises de produits de biocontrôle), a vu le jour au niveau mondial afin de fédérer les différents acteurs. Mais il aura toutefois fallu attendre octobre 2014 pour qu'une définition officielle fasse son apparition dans le code rural et de la pêche maritime. Selon l'article L 253-6, les produits de biocontrôle sont ainsi des « agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Le texte précise également que cette activité repose sur l'utilisation de quatre catégories de produits : les macro-organismes (tels les insectes, nématodes ou acariens) ; les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes (les bactéries, virus et champignons) ; des médiateurs chimiques, comme les phéromones et les kairomones ; ainsi que des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Ces trois dernières catégories de produits relèvent du même règlement européen que les produits phytopharmaceutiques conventionnels, avec obligation d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) avant toute commercialisation. Les autorités publiques publient, par ailleurs, périodiquement une liste des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle, au titre des articles L.253-5 et L.253-7, dont la dernière mise à jour est parue le 19 octobre dernier. Une liste des macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, associés aux entreprises qui les distribuent, a également été annexée à un arrêté de février 2015.

Denis Longevialle, secrétaire général d'Ibma France.

Un des piliers de l'agroécologie

Reconnu comme l'un des piliers fondamentaux de l'agroécologie, le biocontrôle peut être utilisé par les agriculteurs, comme les professionnels des espaces verts ou encore les jardiniers amateurs. Toutes les filières sont concernées et les solutions peuvent être utilisées en conventionnel comme en agriculture biologique. Cependant, les produits portent essentiellement sur la lutte contre les insectes ravageurs ou encore les maladies. Peu de solutions ciblant les adventices existent pour l'instant sur le marché. « Sur les trois dernières décennies, le biocontrôle s'est bien développé en France et en Europe. Il suscite un fort intérêt de la profession agricole et des pouvoirs publics », indique Denis Longevialle, secrétaire général d'Ibma France. En grandes cultures, par exemple, un agriculteur peut se servir de trichogrammes (une microguêpe) pour lutter contre la pyrale du maïs. Il peut aussi protéger ses cultures contre les limaces avec du phosphate ferrique. Dans des vignobles ou vergers, la confusion sexuelle, un leurre provoqué par la diffusion de phéromones (hormones sexuelles) est une alternative aux pesticides efficace contre les ravageurs. Le nombre d'accouplements de cochylis, d'eudémis ou encore de carpocapses sera réduit, évitant ainsi une trop forte infestation de vers dans les fruits. Avec le biocontrôle, il s'agit davantage de gérer l'équilibre des populations d'agresseurs, plutôt que les éradiquer.

Tripler les parts de marché

En France, ce sont plus de 40 acteurs qui se partagent le marché des produits de biocontrôle. Ils sont majoritairement rassemblés au sein de l'association Ibma France. En 2016, le marché national du biocontrôle s'élève à 110 millions d'euros et ne pèse pour l'instant que 5 % du secteur de la protection des végétaux. Ibma France projette d'atteindre les 15 % de parts de marché d'ici le début des années 2020. Pour y parvenir, les professionnels du secteur ont développé une stratégie s'appuyant sur quatre axes. Il s'agit en premier lieu de démultiplier les innovations afin d'apporter un plus grand nombre de solutions, dans les secteurs agricoles ou non. La formation est également un axe sur lequel parient les professionnels. « Il faut que les utilisateurs s'approprient ces techniques. Il faut dans certains cas savoir conserver et utiliser des organismes vivants comme des agents biologiques, des insectes, des nématodes ou des acariens. Il faut aussi penser à la protection des plantes en combinant plusieurs techniques entre elles, comme l'agronomie, la génétique, etc. », indique Denis Longevialle.
Pour que le biocontrôle soit utilisé par le plus grand nombre, une campagne de communication et d'information auprès des utilisateurs et prescripteurs est envisagée. Enfin, les acteurs du biocontrôle espèrent bénéficier d'un soutien pérenne des politiques publiques et obtenir des réglementations mieux adaptées. 
A. T.

En maïs, la lutte biologique à base de trichogrammes contre la pyrale est très efficace.

 

Stratégie : BASF investit dans la recherche en biocontrôle

La stratégie de BASF dans le biocontrôle est de passer de solutions « complémentaires » aux produits chimiques à de vraies « alternatives » dans cinq à dix ans. « À court terme, les solutions de biocontrôle ne sont que complémentaires : elles s'intègrent dans des itinéraires techniques incluant aussi des produits chimiques », explique Nicolas Kerfant, directeur général de la division France Agro. BASF promet une « rupture technologique » dans cinq à dix ans. Le groupe lancera alors des « solutions alternatives, ayant le même niveau d'efficacité, de régularité, de sécurité » que les conventionnelles, d'après lui. Ses axes de recherche et développement concernent les micro-organismes, dont un pool est en cours d'évaluation. Le chimiste allemand s'intéresse aussi à de nouvelles substances naturelles, un travail mené en partenariat avec la start-up lorraine Plant Advanced Technologies (PAT). Troisième piste, l'étude des interactions entre substances ou micro-organismes et mécanismes de défense des plantes. BASF France Agro annonce six nouvelles solutions de biocontrôle l'an prochain en arboriculture, grandes cultures, vigne et légumes. À moyen terme, l'entreprise prévoit une accélération des partenariats externes ciblés. L'objectif est de maintenir ses parts de marché entre 12 et 15 %.
Les agriculteurs français demandeurs
BASF note que l'utilisation du biocontrôle, certes en progression, ne connaît pas encore un développement significatif. Ce segment pèse en valeur moins de 5 % du marché phytosanitaire, selon lui. Plusieurs difficultés restent à surmonter, pointe Nicolas Kerfant : des « applications plus complexes », un « coût supérieur », une « efficacité pas à la hauteur ». Mais les agriculteurs français apparaissent très demandeurs. Une enquête européenne de l'institut Kynetec, publiée en septembre, classe les produits de biocontrôle au second rang des solutions attendues. Un cas « unique en Europe », a souligné Jean-Marc Petat, le directeur de la communication. Pour le chimiste allemand non plus, le biocontrôle n'est pas une sinécure. 15 % du chiffre d'affaires qui en découle sont réinvestis en recherche et développement. C'est plus que le ratio pour l'ensemble de la branche agricole. Un effort important vu le faible poids du marché et compte tenu aussi de l'environnement réglementaire. Sur la définition du biocontrôle, par exemple : « Une clarification est à demander auprès des instances réglementaires, si la volonté est d'augmenter les investissements » dans le secteur, juge Nicolas Kerfant. « Il y a besoin d'une harmonisation européenne », renchérit Anne Resweber, la responsable du biocontrôle. 

 

Frédéric Valla montre l’assiette qu’il installe dans la serre de tomates pour mesurer la pression des Tuta absoluta, en y déposant une capsule de phéromones. La présence des prédateurs avérée, il procède alors au lâcher de Macrolophus.
Témoignage / Frédéric Valla, à Saint-Marcel-lès-Valence, utilise le biocontrôle dans ses vergers et pour la culture des légumes qu’il vend en direct. Le choix de réduire les pesticides s’imposait pour maintenir une relation client de qualité.

“ Je ne reviendrai pas en arrière ”

«Voilà dix ans que nous avons introduit le biocontrôle pour le maraîchage. Notre motivation était d’abord de protéger notre santé, je travaille avec mes parents et trois salariés. Nous avons également constaté que la demande de nos clients évoluait et qu’ils étaient sensibles à ce que nous réduisions l’apport de pesticides », explique Frédéric Valla, au siège de l’EARL la ferme des Blancs à Saint-Marcel-les-Valence. Toute l’année, la vente directe des légumes (une centaine de références) se fait deux jours par semaine sur place, sur trois marchés à Valence et l’été sur deux étals en bord de route. Au milieu des vergers d’abricotiers (20 ha), pêchers (6 ha) et cerisiers (4 ha), des serres sur un hectare et des parcelles de légumes sur 4 à 5 ha confèrent à cette ferme un large éventail de productions, un gage de sécurité pour ses propriétaires. Pour tout de suite évacuer la question économique : « le biocontrôle a un coût. C’est deux à trois fois plus cher que les traitements chimiques en comptant le temps supplémentaire nécessaire pour installer les auxiliaires notamment. Au départ, c’est plus compliqué à mettre en œuvre que le chimique. Toutefois, cette approche est efficace », explique Frédéric Valla, sans détour. Il concède que cet investissement n’est pas répercuté sur le prix de ses légumes et fruits. Concurrence et marché de gros pour les fruits obligent.
Un raisonnement plus global
Le producteur assume son « vrai choix » de produire plus sainement. Il continue malgré tout à effectuer quelques traitements sur les arbres à noyaux. « C’est plus compliqué de recourir aux auxiliaires car il faut anticiper, c’est du préventif ; l’auxiliaire attaque le prédateur peu à peu et il s’agit de maintenir un équilibre. Je considère que c’est une assurance pour mes cultures. Je ne reviendrai pas en arrière, au contraire. Cette démarche me conduit vers un raisonnement plus global pour la gestion de mes cultures. Nous fonctionnons moins comme des machines. Nous regardons plus souvent nos plantes, on les connaît mieux. De plus, en arboriculture, j’ai aussi fait évoluer les méthodes culturales. Pour améliorer le travail du sol sur les rangs et éviter les désherbants, j’ai installé un système d’irrigation suspendu dont l’aspersion améliore aussi l’enracinement des arbres ». Un bilan humainement satisfaisant. L’EARL la ferme des Blancs recourt aux auxiliaires, comme des petits sachets d’acariens attachés sur chaque plant d’aubergine ou bien sur les tomates avec les Macrolophus prédateurs de la mouche blanche, l’aleurode. Pour les fraises, Frédéric Valla réalise des lâchers de bourdons afin d’améliorer la pollinisation. Sur les pêchers, il pose des diffuseurs de phéromones de la femelle de la tordeuse orientale, qui désoriente les mâles, d’où moins d’accouplements et de pontes. « Dans toutes ces interventions, il est capital de choisir le moment adéquat. Au départ, par exemple, nous plaçons des pièges à glu avec la phéromone pour vérifier l’importance de la population de tordeuse. »
Importance du conseil
De façon préventive, sur les cultures de légumes (carottes, raves…), le maraîcher installe des filets « insect-proof » sur des arceaux, il a aussi recours à d’autres méthodes curatives comme l’application foliaire d’une algue liquide sur ses salades par temps froid pour les « stimuler ». Ou bien, il utilise un produit insecticide et fongicide sur les légumes feuilles à base d’huile d’orange douce (60 g d’huile essentielle par litre). Pour progresser, Frédéric Valla compte sur la conseillère du Groupement des maraîchers Isère et Drôme (GMID). « Je reçois des e-mails alertant sur la présence des prédateurs et explicitant des nouvelles méthodes de conduite des cultures. Par ailleurs, je reçois la visite régulière du technicien spécialisé de la coopérative Valsoleil, qui me présente les termes techniques pour le recours à chaque auxiliaire. La coopérative est réactive, nous leur faisons confiance. Ils mettent à notre disposition tous les moyens de lutte qui sont accessibles et intéressants dans cette région ».
Louisette Gouverne
Contact : Christel Robert, conseillère maraîchage  06 98 02 12 58 ou [email protected]