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Droit rural

La vente d’herbe : un cas très particulier

Lors de litiges entre propriétaire et exploitant, on entend bien souvent « il n’y a pas de bail, c’est une vente d’herbe ». Mais que recouvre cette notion ?
La vente d’herbe :  un cas très particulier

Question : Je suis nouveau propriétaire de cinq hectares de prés. Un voisin me demande si je veux bien lui vendre l'herbe sur pied. N'étant pas encore équipé pour faire le travail, cela pourrait être pratique. Quel contrat dois-je faire pour être absolument sûr que cela ne puisse pas être requalifié en bail rural ?

Réponse : On entend couramment parler de vente d'herbe dans deux cas :
lorsque le propriétaire d'une parcelle en herbe cède la récolte à un exploitant agricole qui y réalise la fenaison et s'acquitte du prix convenu ;
ou lorsque le propriétaire du fonds enherbé permet à un tiers de le faire paître par ses animaux.
En droit deux questions se posent : quelle est la nature d'un tel contrat et est-il soumis au statut du fermage ? L'étendue des droits et obligations de chacune des deux parties va dépendre de ces réponses, c'est pourquoi il est important d'y répondre préalablement à tout engagement.
Selon le code rural (L. 411-1), « toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de le recueillir ou de les faire recueillir » est réputée être un bail rural. Or, un propriétaire qui ne souhaite pas louer sa terre peut être tenté par la formule de la vente d'herbe mais il faut savoir qu'une présomption de bail rural pèse sur ce type d'accord.
Une vente d'herbe tombe sous le coup du statut du fermage si elle est consentie par le propriétaire chaque année et au même agriculteur, quand bien même le propriétaire paierait les cotisations sociales.

Conditions :
Cette présomption pèse sur toute vente d'herbe à titre onéreux et concédée pendant plus de deux ans au même agriculteur. Afin de renverser cette présomption, le propriétaire doit apporter la preuve que le contrat n'a pas été conclu pour une utilisation continue ou répétée du fonds et que le but recherché n'a pas été de faire obstacle au statut du fermage. Il doit donc prouver que :
- la vente d'herbe était une opération isolée ;
- l'opération a été réalisée de bonne foi.

Le caractère saisonnier de ce type de vente, c'est-à-dire sa reconduite au cours de périodes successives au profit du même acquéreur, ne fait pas obstacle à ce que les juges la requalifient de bail rural.
La convention peut très bien échapper au statut du fermage si des raisons légitimes - telles qu'un accident, un mauvais état de santé ou des circonstances économiques - peuvent justifier la cession temporaire des fruits de l'exploitation.
De plus, pour l'administration fiscale, la vente d'herbe sur pied constitue non une location mais un mode d'exploitation. Le propriétaire qui y recourt sera donc imposé au titre des bénéfices agricoles ainsi qu'au niveau de la MSA (l'exercice de l'activité agricole donne lieu au paiement de cotisations).

La présomption de fermage qui pèse sur le contrat de vente d'herbe n'en ôte pas la validité. Un contrat de vente d'herbe est tout à fait valable et n'encourt pas le risque d'être requalifié en fermage s'il respecte les conditions suivantes :
- existence d'un écrit, avec l'identité des parties, l'objet de la convention ainsi que la période d'utilisation du bien (qui doit être strictement limitée dans le temps) ;
- il ne doit pas être renouvelé avec le même acquéreur ;
- aucune charge d'entretien et de culture ne doit peser sur l'acquéreur : les travaux (entretien du sol et des clôtures, épandage des engrais, arrosage) incombent au propriétaire (qui agit comme producteur-vendeur)

Pour conclure, une véritable vente d'herbe se fait donc de bonne foi sur une seule récolte, de façon saisonnière et n'est pas répétée. Pour qu'une vente d'herbe ne soit pas soumise au statut du fermage, il conviendra de prévoir un contrat écrit qui ne portera que sur la cession d'une seule récolte. Il ne faut pas la renouveler, ni mettre à la charge de l'acquéreur aucune charge d'entretien ou de travaux de sol, ce qui pourrait occasionner une éventuelle requalification de ce contrat en bail rural.
La vente d'herbe est donc un cas très particulier et pas aussi fréquent que cela !

 

Le service juridique rural de la FDSEA 26, Nathalie Kotomski