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Viticulture

La pulvérisation confinée : des économies et moins d’impact sur l’environnement

Réduire les pertes dans l’environnement, gagner en qualité de pulvérisation, traiter à 7 km/h, voire davantage, et économiser jusqu’à 40 % de bouillie. Voici les promesses de la pulvérisation confinée avec panneaux récupérateurs et assistance d’air.
La pulvérisation confinée : des économies  et moins d’impact sur l’environnement

Des travaux menés par l'institut français du vin (IFV) et l'Irstea à Montpellier de 2013 à 2015 ont montré que, pour une même quantité de produits phytosanitaires épandue à l'hectare, les dépôts de pulvérisation mesurés varient dans un rapport d'un à neuf en fonction du stade de développement de la vigne et de la technique de pulvérisation mise en œuvre. Cette grande variabilité montre que le choix du pulvérisateur et son réglage sont deux leviers permettant de réduire les doses de produits phytosanitaires tout en maintenant une sécurité de protection de la vigne constante sinon meilleure.

Résultats d’essais réalisés sur trois pulvérisateurs à panneaux récupérateurs équipés de leurs buses d’origine et sur trois voûtes pneumatiques, à 5 km/h, sur le banc EvaSprayViti. Mesures de dépôts de pulvérisation sur les deux faces du rang en début de végétation (6-7 feuilles étalées/grappes visibles).
Source : IFV – Irstea – Ecophyto Onema
À l'heure actuelle, les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs présentent les meilleurs résultats en termes d'économie de produit et de limitation des pertes dans l'environnement. C'est pourquoi en octobre dernier, la chambre d'agriculture du Gard et l'IFV ont organisé, à Aigues-Mortes, une démonstration de pulvérisateurs à panneaux récupérateurs. Plusieurs constructeurs étaient représentés : Bertoni, Dagnaud, Friuli, Ideal, Pulvérisation S21 et Clemens Dhugues (voir ci-après). Par ailleurs, la chambre d'agriculture du Gard a présenté ses matériels permettant d'améliorer la pulvérisation comme « Top-incorpo » pour mieux préparer et incorporer les bouillies (www.top-pulve.fr).

40 % de produits phyto en moins avec les panneaux

Développé par l'UMT EcoTechViti à Montpellier, le banc d'essai EvaSprayViti pour pulvérisateurs viticoles a permis à Adrien Vergès, de l'IFV, de réaliser plusieurs tests dont les résultats ont été présentés, en préambule à la démonstration. Il a notamment montré qu'on pouvait, avec ces pulvérisateurs, améliorer la quantité de produit déposée sur la végétation en particulier en début de saison. En effet, au stade 6-7 feuilles étalées, le niveau de dépôt est deux fois supérieur avec la pulvérisation confinée, qu'avec une voûte pneumatique qui passe tous les deux rangs (voir graphique). Ce résultat signifie que les doses peuvent être réduites en début de végétation avec des panneaux récupérateurs.
Il a aussi mis en évidence, en testant deux pulvérisateurs à panneaux récupérateurs sur le banc EvaSprayViti, que la qualité de pulvérisation est identique à 5 et à 9 km/h, quels que soient la buse et l'appareil utilisés. Par ailleurs, il a comparé des buses à turbulence classiques et des buses à fente à injection d'air. Dans son essai, ces dernières donnaient les meilleurs résultats en termes de dépôt sur la végétation. Au final, selon Adrien Vergès, les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs permettent de réduire les pertes vers le sol et l'air, d'économiser environ 40 % de produits phytosanitaires sur la saison, d'augmenter la vitesse d'avancement et de traiter plus de surface sans avoir à revenir remplir le pulvérisateur.

Des économies, mais pour quel coût ?

Renaud Cavalier, conseiller machinisme à la chambre d'agriculture du Gard, a ensuite animé la démonstration. Pour tous les pulvérisateurs, les pertes dans l'atmosphère semblaient faibles Renaud Cavalier incitant par ailleurs les constructeurs à tester les performances de leurs appareils sur le banc d'essai des pulvérisateurs viticoles EvaSprayViti pour chiffrer plus précisément ces performances. De plus, il avait auparavant fait installer des buses anti-dérives sur un des deux côtés des pulvérisateurs à jet porté. La différence de dérive s'observait de façon flagrante à l'œil nu. D'après lui, la buse IDK à 5 bars donne les meilleurs résultats.
D'un point de vue financier, les économies de produits attendues sont de l'ordre de 30 à 40 % sur l'ensemble de la campagne, mais le coût de ces engins reste très élevé (à partir de 29 000 euros) et implique un passage tous les deux rangs. Toutefois, ce matériel fera peut-être, en 2017, l'objet d'aide à l'investissement dans le cadre du plan de compétitivité et d'adaptation des entreprises (le PCAE qui remplace le PVE). Le coût d'entretien de ces pulvérisateurs n'est à ce jour pas connu. Mais Renaud Cavalier a précisé lors de la démonstration qu'il faut prévoir une demi-heure de nettoyage par panneau (soit une heure au total) après chaque utilisation.
Enfin, même si certains modèles permettent de surélever indépendamment les panneaux pour s'adapter aux situations de dévers, ils sont actuellement utilisés principalement dans des gros domaines (Tariquet par exemple) sur terrain plat. Et on manque de référence technique et économique en conditions plus accidentées et de traitements moins coûteux mais l'IFV poursuit ses recherches dans ce sens. 

Pauline Garin, pôle « Vigne et Vin », chambre d'agriculture de Vaucluse

 

Pour aller plus loin

Des informations plus précises sur les différents pulvérisateurs sont disponibles dans les articles du site internet MatéVi (www.matevi-france.com). Vous y trouverez notamment la synthèse du Forum Pulvé 2015 organisé par la chambre d’agriculture de la Charente où figurent des fiches techniques par pulvérisateur résumant leurs caractéristiques et leurs performances mesurées sur place, ainsi que plusieurs résultats d’essais d’évaluation des pulvérisateurs équipés de panneaux récupérateurs. Il faut savoir que certains appareils à panneaux récupérateurs font partie de la liste des appareils homologués permettant la réduction des ZNT obligatoires en bordure des points d’eau, cours d’eau et zones de captage. 

 

Retour sur les démonstrations

Bertoni  / Bientôt des buses antidérive
Précurseur des panneaux de récupération – le premier prototype de la marque italienne date de 1993 – Bertoni a présenté un matériel produisant sa propre énergie pour faire tourner les ventilateurs insérés dans les panneaux récupérateurs. L’appareil, l’Arcobaleno, dispose de deux pompes de même capacité (120 litres/mn), le premier actionnant la pulvérisation, le second la récupération. « Des multiplicateurs avec générateur d’électricité produisent l’énergie permettant de faire fonctionner les ventilateurs positionnés à l’intérieur des panneaux (un ventilateur par panneau, ndlr) », a détaillé le représentant de la société. Ces ventilateurs créent une dépression par aspiration ainsi qu’un rideau d’eau, puis soufflent le produit sur la végétation, le panneau situé de l’autre côté de cette végétation récupérant la solution phytosanitaire non captée par le végétal par gravité. Une grande partie de la dérive naturelle est ainsi supprimée. « L’ajout de buses antidérive, en cours, va encore améliorer le process », a d’ailleurs poursuivi le représentant de la société, qui teste cette solution actuellement sur le domaine du Chapitre avec l’Irstea. Cet appareil à effet rideau d’air permet en effet de piéger la pulvérisation, le constructeur annonçant un taux de dérive de 2 à 3 %. L’appareil est équipé sur un cadre de buggy dont les roues arrière peuvent se relever pour tourner plus court dans les ornières. Le système d’écartement des panneaux est indépendant et fonction de la largeur de la vigne. « Pour une dépense annuelle de phytosanitaires égale à 1000 €/ha, l’utilisation d’un pulvérisateur à récupération permettra une réduction des coûts de 450 /ha », annonce la société. Coût de l’appareil : environ 50 000 € pour deux rangs traités.
Contact : www.bertonigreentechnology.com

L’Arcobaleno de l’italien Bertoni.
Clemens / Des panneaux très compacts
Originalité du Lipco de Clemens par rapport aux autres matériels présentés : ses panneaux très compacts fonctionnant à l’aide d’un flux tangentiel, positionné à la hauteur de chaque panneau, et d’une aspiration sur le côté via une soufflerie au niveau des buses. L’ensemble créé une dépression à l’intérieur des panneaux . Ceci grâce à une rotation de l’air à l’intérieur des panneaux qui permet de concentrer le produit pour en récupérer un maximum. Sur le bas du panneau, des hydro-injecteurs permettent de renvoyer le produit non utilisé dans la cuve principale sous pression après une dernière filtration. La rotation des turbines alimente hydrauliquement l’ensemble, mais il est possible de rajouter une centrale hydraulique supplémentaire. Pour faire fonctionner les 4 turbines et leurs 4 panneaux, 20 à 25 litres d’huile suffisent. « Il n’y a pas besoin de tourner à haut régime moteur le tracteur pour faire tourner le pulvérisateur », commentait le représentant de Clemens. Chaque panneau est équipé de 6 buses que l’on peut désactiver manuellement selon le niveau de végétation. Un filtre est également positionné à chaque descente dont un filtre principal à l’aspiration. L’écartement hydraulique des panneaux est indépendant et simultané ; la hauteur est également réglable (avec possibilité de mémorisation). En option, un système double essieu pour augmenter la stabilité de l’outil, le départ du timon, le système Débit proportionnel à l’avancement (DPA) et un incorporateur externe. Les prix varient de 28 000 à 40 000 euros selon les modèles.
Contact : www.clemens-online.com

­Dagnaud  / Plus de produit au niveau de la zone fructifère
L’entreprise basée en Charente-Maritime a lancé son premier prototype de pulvérisateur confiné en 2001, avec des panneaux fermés sur le haut « pour réduire les pertes de produits, importantes avec les appareils pneumatiques », soulignait le représentant de l’entreprise. Une version « trainé » est sortie en 2009 avec une cuve de 1 000 l, puis « porté » en 2 014 avec des cuves allant de 400 à 1 000 litres. Autre amélioration : le système de re-pompage du bas du panneau sur lequel a été montée une seconde pompe dotée de quatre membranes, chacune ré-aspirant le produit dans chaque panneau (une membrane par panneau). En 2009, la société a créé ses propres panneaux avec assistance d’air au niveau de la zone fructifère. « La turbine a été intégrée dans le bas des parties inférieures des panneaux pour ventiler et propulser le produit au niveau des zones fructifères », notait son représentant. Intérêt ? Produire beaucoup d’air sur le bas du panneau, plutôt que sur le haut, pour réduire la dérive, tout en fermant le haut du panneau pour empêcher la dérive par le haut. Le recours à la turbine est conseillé en pleine végétation et non pendant les premières applications de printemps pour réduire là aussi les pertes de produits. « Pour utiliser la turbine, il faut que l’écran de végétation soit conséquent. » La société propose plusieurs modèles en système porté (400, 600, 800 et 1 000 litres) et en système trainé (1 000 litres). Ce pulvérisateur peut fonctionner dans des vignes de largeur allant de 2 à 3,20 mètres. « Il peut aussi s’adapter pour des pulvérisateurs embarqués sur tracteur enjambeur ou sur machine à vendanger pour passer dans des vignes de largeur réduite. » Les turbines sont positionnées en bas du panneau et injectent autant d’air qu’avec une turbine de 900 kW. Leur avantage ? Elles sont à jet centrifuge, ce qui permet d’avoir des gouttelettes sortant au milieu de la turbine d’un diamètre de 100 µ contrairement aux buses classiques (200 µ) : « On a donc deux fois plus d’impact de produit au niveau de la zone fructifère ». Enfin, le pulvérisateur de Dagnaud est très peu gourmand en énergie (15 à 17 cv suffisent pour le faire fonctionner) et « permet d’apporter 40 % de matière active en plus sur la végétation », complétait son représentant. Prix annoncé : à partir de 23 500 euros HT pour la version pulvérisateur porté 600 litres, 35 000 euros pour la version pulvérisateur trainé. Vitesse d’avancement 7 km/h.
Contact : www.dagnaud.com
Le pulvérisateur confiné de Dagnaud.

Friuli / Des ventilateurs indépendants
Le Drift Recovery est un appareil développé par la société italienne Friuli est équipé d’une pompe de 150 litres dotée d’un variateur-multiplicateur et d’une pompe supplémentaire pour faire fonctionner la turbine.
Cet appareil à jet porté fonctionne, contrairement à Bertoni, sans rideau d’air, chaque module de pulvérisation comportant un ventilateur indépendant, ce qui limite ainsi les pertes de charge et réduit la demande énergétique. Une prise de force entraîne la pompe qui entraîne le circuit hydraulique indépendant avec prise de froid. L’appareil est également doté d’un variateur de vitesse pour les panneaux permettant de travailler entre 80 et 150 bars de pression, à ajuster en fonction de la végétation. La cuve de 1 100 litres est posée sur un cadre équipé de roues auquel s’ajoute un réservoir supplémentaire de 200 litres destiné notamment « à stabiliser l’appareil ». Les panneaux sont en inox et disposent d’une structure grillagée permettant à l’air de sortir après que le produit non capté par le végétal ait été bloqué par le grillage. En bas du panneau, un bac récupérateur est équipé d’un sac micro-filtre à nettoyer à la fin de l’intervention. Le produit est récupéré dans ce bac puis réinjecté dans la cuve. L’ensemble peut rouler entre 6 et 10 km/h. En option : des palpeurs pour tenir compte des obstacles mais aussi un système de compensation du devers. Plusieurs versions sont disponibles (600, 1 200 , 2 000 et 3 000 litres) pour un prix à partir de 40 000 euros en fonction des options choisies.
Contact : www.agricolmeccanica.it/fr/
Le Drift Recovery de la société italienne Friuli.

 

Pulvérisateur S21 / Amélioration de la portance
Le tunnel de traitement avec système de récupération S21 est équipé de panneaux pour traiter deux rangs complets, avec la possibilité de traiter deux demi-rangs supplémentaires de chaque côté, sans récupération. Plusieurs versions sont disponibles : de 200 à 1 000 litres en système porté et de 300 à 5 000 litres en tracté. En octobre dernier, c’est une version 800 l porté qui était en démonstration. La turbine est attelée à trois points, la pompe étant entraînée par un système hydraulique. La rampe dispose d’un écartement indépendant à gauche et à droite avec des panneaux intérieurs et extérieurs également indépendants en écartement. Une correction de devers est possible. L’appareil est équipé de 5 jets par panneau réglables et obturables individuellement, avec ré-aspiration du produit par venturis canne aspirante. Les panneaux sont en plastique, « peu fragiles et très légers », une machine équipée en double essieu pesant 800 kg. L’ensemble est facilement commandé à l’aide d’une commande hydro-électrique. Les essieux bougie sont décalés pour augmenter la portance au niveau du sol. De même, les essieux sont réglables en hauteur. Ce pulvérisateur pneumatique peut être équipé de buses en jet porté. Prix de vente : 29 000 euros HT pour la version la plus complète. En option : extensions hydrauliques, rattrapage de dévers hydraulique des panneaux extérieurs, relevage central de l’ensemble du portique, distributeur hydraulique à commande électrique, récupérateur par seconde pompe à quatre membranes.
 Contact : www.pulverisations21.com
Le tunnel de traitement avec système de récupération S21.

Ideal  / Turbulence réduite à l’intérieur des panneaux
L’appareil fonctionne sur système pneumatique pour le mouvement de relevage et d’écartement des panneaux grâce à un distributeur. La puissance nécessaire est très faible, de l’ordre de 27 cv. Ce système pneumatique alimente deux turbines avec deux vitesses de rotation possible selon le stade de végétation. Pour les traitements de printemps où la végétation est encore peu développée, le vigneron peut stopper les turbines et ne travailler qu’avec les jets antidérive installés sur les panneaux (2, 4 ou 6 jets). Ces derniers travaillent en flux laminaire pour protéger l’ensemble du système de distribution du produit situé à l’avant du panneau. Par ailleurs, un tube de diamètre 80 confine davantage les panneaux pour en améliorer la rusticité. Le produit pulvérisé vient alors taper le panneau d’en face, ruisselle et est récupéré puis ré-aspiré dans la cuve. Le flux d’air est amélioré par des panneaux perforés qui laissent passer l’air et évitent ainsi la création de turbulence à intérieur des panneaux qui viendrait augmenter la dérive. Les jets sont également décalés les uns par rapport aux autres, là aussi pour réduire la dérive. En bas du panneau récupérateur, une grille en inox bloque les impuretés (feuilles, fleurs) qui pourraient venir colmater la grille d’aspiration. Un bouchon de vidange en facilite également le nettoyage. Une fois dans le bac du panneau récupérateur, le produit passe via un système d’hydro-injecteur dans une cuve de pressurisation puis dans la cuve principale (système breveté). L’appareil est équipé d’un système d’automatisation permettant de connaître à l’instant ‘t’ les caractéristiques de l’intervention (taux de récupération, vitesse d’avancement…). « En pleine végétation, on récupère jusqu’à 30 % de produit et jusqu’à 40-50 % sur l’ensemble un an », commentait le représentant de la marque. En bout de rang, un interrupteur permet de relever l’essieu et de refermer les panneaux pour raccourcir le rayon de braquage (l’appareil a besoin de 4,50 à 5 m). Enfin, l’appareil est équipé d’une cuve de rinçage de 100 litres, d’un lave-main. Prix : de 39 000 à 52 000 euros HT en fonction des options.
Contact : www.idealitalia.it/fr/
Le Drop Save d’Idéal.