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Filière viande

La protection animale, un prérequis indispensable

Danielle Couble est responsable de la protection animale à l’abattoir de Saint-Romain-de-Popey (Rhône). Elle décrit les postes de la chaîne d’abattage comme des professions très techniques, adaptées aux salariés les mieux préparés.

La protection animale, un prérequis indispensable

«Quand l'animal arrive, l'issue est forcément fatale... ». En plein cœur de la zone rouge délimitée par une ligne au sol, une odeur forte s'invite soudainement. Ici, Danielle Couble, directrice de l'abattoir et responsable de la protection animale, connaît son métier sur le bout des doigts. À Saint-Romain-de-Popey, elle gère une équipe de quinze personnes dont quatre polyvalentes, permutables à tous les postes. Son rôle ? S'assurer que le bien-être animal et les règles sanitaires soient respectés du début à la fin du processus de l'abattage.

Danielle Couble, responsable 
de la protection animale à l’abattoir de Saint-Romain-de-Popey (Rhône).

L'intérêt du bien-être

Cette ancienne ambulancière s'est reconvertie à l'âge de 39 ans. D'abord responsable qualité en atelier de découpe, elle devient ensuite directrice d'abattoir en 2009. Un concours de circonstances lui permet d'entamer une nouvelle étape de sa vie. Aujourd'hui, elle supervise tous les postes de la chaîne d'abattage : de l'assommage ou électronarcose pour les animaux les plus petits jusqu'aux opérations de dépouille et d'éviscération en passant par la saignée. À l'intérieur de l'abattoir, une scie attire l'attention. C'est avec cet ustensile que le sternum des bovins est fendu. « Quelqu'un qui n'a jamais tenu un accessoire pareil dans ses mains aura besoin d'être accompagné de nombreuses fois avant de pratiquer le geste seul ». Certains salariés se rendront compte au bout d'une journée que ce travail n'est tout simplement pas fait pour eux. « Cela arrive, il faut être solide pour exercer ce boulot », explique-t-elle. Danielle Couble, elle, réussit à faire la part des choses entre sa vie personnelle et professionnelle. « On ne peut bien faire ce métier que si on aime les animaux. Sur le plan technique, un animal stressé sera plus difficile à passer sur la chaîne. Il peut être énervé et dangereux pour les opérateurs. Notre intérêt, c'est de les manipuler dans le calme, pas de les maltraiter ». Tout au long de l'activité, le rôle de la responsable de la protection animale est de vérifier que chaque opérateur mène à bien ses fonctions, en gardant un sang froid exemplaire. Chaque poste a son lot de règles à respecter. Les cornes sont coupées sur la zone de saignée, les trachées sont bloquées pour éviter la régurgitation de l'estomac, les flancs dépouillés, la moelle épinière aspirée, le cœur, les poumons et les intestins triés, le sang placé dans les déchets de catégorie 1 et les carcasses émoussées afin de tirer le maximum de gras... Pendant l'abattage, la vigilance maximale peut parfois ne pas être suffisante. « Ça arrive qu'on se rate. S'il y a une reprise de conscience, on refait un assommage tout de suite. Le test du réflexe cornéen ne trahit pas. On pose le doigt délicatement sur la cornée pour tester les réflexes ».

Apprendre sur le tas

Côté compétences, Danielle Couble doit s'assurer du professionnalisme de ces salariés. Tâche difficile, d'autant plus qu'à ce jour, il n'existe pas de diplôme ou de certificat d'aptitude officiel préalable pour travailler en abattoir. Un CAP/BEP en boucherie ou industrie alimentaire suffit. « Ce sont des métiers très techniques qui demandent une certaine connaissance et dextérité. Pourtant, depuis des décennies, on apprend sur le tas », regrette la directrice. Les salariés souhaitant travailler de la réception des animaux en bouverie jusqu'au poste de saignée ont donc l'obligation de suivre une formation dans les deux mois suivant leur embauche. « Ils sont obligés d'être titulaires du certificat de compétences, accordé par module en fonction de l'espèce ». Les règles d'hygiène et de protection animale doivent systématiquement être évoquées et assimilées par chacun d'entre eux. « Il y a une vingtaine d'années, la protection animale n'était pas au cœur des préoccupations. Cette prise de conscience a nécessité beaucoup d'aménagements de notre part. Aujourd'hui, nos opérateurs sont formés à cela et bien plus attentifs au bien-être animal ». Ainsi, la directrice paie 2 600 euros par personne pour une formation de deux jours. Une responsabilité de plus mais surtout un budget de poids dans les comptes de l'abattoir. « Si tout ce qui est enseigné pendant ces deux jours était inclus dans une formation spécialisée, on aurait plus de facilité à recruter. Nos salariés seraient opérationnels immédiatement sur tous les postes ». Parmi les nombreuses tâches de la directrice, le recrutement fait partie de celles les plus aléatoires. « Aujourd'hui, mon premier critère, c'est la motivation mais quand on recrute un jeune qui n'a pas d'expérience et sans certificat de compétence, il faut prévoir du temps et de l'argent pour le former ». Aux gestes techniques, mais aussi à la protection animale... Si l'amour des animaux ne fait pas partie des questions qu'elle pose en entretien, valorisant plutôt l'envie d'apprendre et la marge de progression du candidat, elle s'assure pendant les premiers mois d'embauche que les bêtes soient traitées « comme des êtres sensibles ». Danielle Couble aurait du mal à se « voir ailleurs que là où elle est aujourd'hui ». Un grand écart par rapport à sa toute première idée de métier. « Quand j'étais gamine, je voulais être véto. Si quelqu'un m'avait dit qu'un jour je serai à la direction d'un abattoir, je l'aurai traité de fou ! ». 
A. P.

 

 

Des consommateurs en attente d’explications

Dans sa boucherie de la galerie marchande d’Auchan à Saint-Genis-Laval dans le Rhône, Patrick Goyon ne tarit pas de mots. « Nous avons énormément de clients tous les jours et il n’est pas rare d’être pris à partie par certains, explique le boucher. Les clients réagissent beaucoup face aux images qu’ils voient à la télévision ou sur internet. Dès qu’une diffusion a lieu, les gens viennent poser des questions. » À 61 ans, le cogérant de la boucherie Bellemin Noël est en prise directe avec ses clients et les sujets abordés sont nombreux. « Il y en a beaucoup en ce moment autour des conditions d’abattage, certaines images ont choqué les clients, alors on explique que ce sont des exceptions, poursuit Patrick Goyon. J’ai travaillé en abattoir et je n’ai jamais vu de telles scènes. On explique aussi que l’éleveur comme l’abattoir n’ont pas d’intérêt à faire du mal à leurs animaux, car ce sont pour la quasi-totalité des gens passionnés par ce qu’ils font et que cela provoque une perte de valeur de leur travail. » Dans la boucherie, les clients viennent souvent en famille, et Patrick remarque qu’il est de plus en plus fréquent qu’un des enfants de la fratrie refuse de manger de la viande. « Ce n’est pas facile, on a beau expliquer, beaucoup d’enfants de plus de 7 ans refusent de manger de la viande, souvent en réaction à des polémiques ou des images. » Pourtant, dans la boucherie Bellemin Noël, on joue la transparence totale. Le magasin a été entièrement refait selon un design très moderne et permet de voir l’atelier de préparation et de découpe grâce à une large ouverture dans l’arrière-boutique. « Nous affichons toutes les zones d’élevage, les origines et les modes de production de manière très visible, dans le rayon et sur un écran géant », indique le gérant. Lui et son associé se fournissent dans les abattoirs de la région, dans l’Allier, à Saint-Étienne, à Bourg-en-Bresse. Parfois, ils choisissent une bête chez un éleveur à Amplepuis, et une dégustation-rencontre avec l’éleveur est organisée. « Nous ne prenons que des viandes françaises sauf pour la souris d’agneau qui vient d’Irlande, indique le boucher. Il faut vendre de la viande française car c’est ce que les clients nous demandent. » Pour la viande bovine, seules les races allaitantes sont vendues. « De temps de temps, on fait des vaches charolaises qui ont entre 6 et 10 ans. C’est excellent car on les fait maturer trois semaines à un mois. Cela fait des énormes côtes de bœuf que l’on propose à moins de 20 euros/kg. » Pour continuer de vendre de la viande, Patrick Goyon estime qu’il faut rassurer les clients, créer de l’animation et proposer des produits de qualité à un prix attractif. « Il y a de l’avenir dans ce métier, tant que l’on offre de la bonne viande, que l’on est disponible pour répondre aux questions et des offres commerciales qu’on propose, croit Patrick Goyon. On voit des jeunes couples revenir, se mettre à cuisiner car c’est meilleur et que ça leur coûte moins cher que d’acheter tout prêt. On innove aussi. Par exemple, nous proposons plus de 50 sortes de brochettes, accompagnées de fromages, de légumes et de sauces, de mai-juin et jusqu’à septembre. C’est un succès, nous en vendons plus de 120 000 sur la saison avec des clients qui font parfois plus de 40 km pour venir. » 
C. P.