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La permaculture

La permaculture : “ c’est notre philosophie ”

À Peyrins, dans la Drôme, Stéphane Fragnol et Katy Chorier ont choisi de pratiquer la permaculture. Ils ont lancé leur activité en mars 2016. Témoignage.
La permaculture : “ c’est notre philosophie ”

L'un travaillait dans une boutique de vêtements, l'autre est infirmière. Stéphane Fragnol est propriétaire, depuis 1999, d'une maison et de terres sur lesquelles il envisage, depuis longtemps, de mener un projet. Mais lequel ? De son côté, Katy Chorier avait un objectif : « posséder, un jour, un jardin thérapeutique et pratiquer la zoothérapie ». Il y a deux ans, c'est la rencontre. L'idée germe et le projet prend forme. La ferme Theragaia, principalement tournée vers le maraîchage est créée, avec une part belle à la permaculture. L'activité débute en mars 2016.

Stéphane Fragnol et Katy Chorier sont installés dans la Drôme et pratiquent la permaculture.

Optimiser l'espace

D'ici quelques semaines, les deux entrepreneurs devraient recevoir le label Nature & Progrès. Il faut dire qu'entre le conventionnel et l'agriculture biologique, le choix a vite été fait. « Cette certification, c'est encore plus strict que le cahier des charges de l'agriculture biologique. Cela correspondait davantage à notre philosophie ; c'est plus respectueux des hommes et de la terre », précise Stéphane Fragnol. Pour l'heure, difficile de communiquer sur d'éventuels résultats technico-économiques. « C'est encore trop tôt, on ne pourra faire un point là-dessus qu'en septembre », commente-t-il. La première récolte semble cependant satisfaisante, avec la production de 1 500 kg de légumes (courges, aubergines, blettes, salades, haricots, melons, etc.) sur 9 buttes de 30 m². C'est l'occasion des premiers tests. « Les associations de légumes, c'est la base de notre jardin. Les plantes poussent mieux et se protègent mutuellement des ravageurs. C'est pourquoi nous associons des légumes, des fleurs – qui attirent les auxiliaires –, des aromates ou encore des engrais verts (épinard, trèfle), afin de diminuer le désherbage et étouffer des adventices très gênantes », explique le couple. À titre d'exemple, le poireau éloignera ainsi la mouche de la carotte, tandis que la tanaisie repoussera la mouche du poireau.

La nature, source de solutions

Les deux exploitants disent ne pas avoir rencontré de difficultés techniques particulières. Le mildiou ou l'oïdium ont pu être vaincus grâce à la nature, et notamment avec un purin de fougères ou encore une décoction de prêle. Lorsqu'ils ont besoin de conseils, Stéphane Fragnol et Katy Chorier se plongent dans les livres afin de trouver des solutions. Pour apporter de la matière organique ainsi que de la source azotée, le couple ajoute du fumier, de la tonte d'herbe fraîche (autour des plants de salades), de l'humus, des feuilles ou encore du paillage (paille, BRF). Pour les besoins en eau, ils peuvent compter sur de multiples sources présentes sur l'exploitation. Ces dernières produisent environ 12 m³ d'eau par jour. De quoi alimenter jusqu'à 2 500 m² de cultures. Pour aller au-delà, les producteurs devront peut-être s'orienter vers la création de retenues d'eau. Quid des débouchés ? L'exploitation s'est constituée au fil des semaines une clientèle locale. Mais la vente directe n'est pas le but recherché. « C'est du temps en moins consacré au jardin. Ce dernier demande beaucoup d'observation », précise Stéphane Fragnol. L'exploitant peut en tout cas compter sur deux magasins primeurs pour écouler ses produits. Pour autant, beaucoup de choses restent à construire. Au printemps prochain, l'exploitation comptera 45 buttes. Les deux exploitants comptent également faire visiter leur jardin. Mais même s'ils sont à la recherche d'un idéal, ces derniers gardent bien les pieds sur terre. Katy Chorier restera encore infirmière, même si elle espère réduire ce temps d'activité. Il faudrait en effet atteindre les 4 000 m² pour que l'affaire soit viable pour deux personnes. Qui plus est dans un contexte agricole qui reste difficile. Le projet d'un jardin thérapeutique reste lui-aussi d'actualité. 

A. T.

 

Comprendre
L’émergence de la permaculture

Le mouvement de la permaculture est né à la fin des années 1970, sous la plume de deux Australiens, Bill Mollison, biologiste et professeur à l’université de Tasmanie et son étudiant David Holmgren, avec la parution de leur livre Permaculture One en 1978. Les deux environnementalistes sont alors très influencés par l’agriculture naturelle telle que pratiquée par Masanobu Fukuoka au Japon dans les années 1960 et 1970 qui limite très fortement les interventions humaines dans les cultures. Avec la permaculture, les deux Australiens expérimentent et proposent des méthodes culturales qui permettent à la terre de maintenir sa fertilité naturelle sans apport d’intrants chimiques d’où le terme anglais de « permanent agriculture ». Leur objectif est alors de créer des systèmes agricoles stables et soutenables, contrastant avec les méthodes agro-industrielles destructrices misent en œuvre à grande échelle en Australie dans les années 1960 et 1970 et provoquant d’importantes pollutions de l’eau et de la terre, réduisant la biodiversité et érodant des millions de tonnes de terres auparavant fertiles. Pour comprendre les objectifs de la permaculture à sa naissance, il faut se souvenir du contexte historique d’alors sous l’influence du mouvement hippie et marqué par quelques événements forts comme la guerre du Vietnam, qui a fait émerger une importante contestation, la publication du rapport du Club de Rome en 1972 intitulé Les limites à la croissance ou encore le choc pétrolier de 1973 qui a fait quadrupler le prix du baril d’or noir. La permaculture selon Mollison et Holmgren repose sur une éthique et des principes qui en découlent qui sont largement influencés par le contexte historique. On peut en citer certains : tendre à la meilleure efficacité énergétique, faire collaborer les espèces entre elles, travailler avec la nature plutôt que contre elle et faire le plus petit effort pour le plus grand changement. Ce système vise ainsi à produire une grande richesse tout en étant résilient et efficace. Il s’enrichit des pratiques ancestrales et traditionnelles pratiquées dans le monde entier.
Une approche globale des systèmes humains
Après la publication de leur premier livre, les deux auteurs se consacrent à temps plein à développer la permaculture et jouent un rôle important dans la dispersion du concept à travers le monde dans les années 1980 et 1990. Si la permaculture s’intéresse d’abord à l’agriculture, le concept s’élargit assez rapidement pour devenir une approche globale des systèmes humains via le « design ». Cet aspect très important dans la permaculture permet de représenter graphiquement l’organisation des éléments d’un lieu en suivant les principes et l’éthique de la permaculture. La permaculture a été par exemple une source d’inspiration très forte pour le fondateur du mouvement « ville en transition », le professeur britannique en permaculture, Rob Hopkins, à la fin des années 2000. La permaculture est aujourd’hui un mouvement mondialement répandu qui inspire différentes autres approches comme l’agriculture de conservation ou l’agriculture biologique. 
C. P.