La filière éolienne a le vent dans le dos

La production d'énergie éolienne se développe assez rapidement en France depuis les années 2000. Partie de rien en 1997, la puissance éolienne installée n'était que de 2 455 MW en 2007 et elle devait atteindre les 13 600 MW fin 2017, soit une multiplication par plus de cinq en dix ans. Même si cela représente une progression importante, la France a développé l'éolien bien après certains grands pays développés comme l'Allemagne qui comptait plus de 55 000 MW installés fin 2017. Mais c'est la Chine qui domine le classement mondial avec près de 169 000 MW installés fin 2016. La France dispose d'un gisement éolien exploitable relativement important pour 60 % en mer et 40 % via des éoliennes terrestres, principalement situées dans le Nord-Ouest, le Nord-Est, le Sud méditerranéen et la vallée du Rhône. Les autres territoires, comme le Centre-Est, représentent des zones intéressantes principalement sur les crêtes et collines et les plaines le long des fleuves. Si l'ensemble du potentiel éolien français était équipé, notre pays pourrait couvrir un tiers de sa consommation électrique. Aujourd'hui, l'éolien produit entre 4 et 5 % en fonction des conditions de vents de l'année et devrait couvrir 8 à 9 % d'ici 2023. Dit autrement, l'éolien aujourd'hui représente 25 % de la production d'électricité renouvelable française.
Un potentiel éolien moyen dans le Centre-Est
Dans les régions du Centre-Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, les installations d'éoliennes ont fleuri depuis quinze ans. Les deux régions comptent respectivement 95 et 61 parcs d'éoliennes pour une puissance installée de 447 MW et 569 MW. Ces deux régions représentent 9 % de la puissance nationale. À l'échelle de la France, presque la moitié de la puissance éolienne est installée dans les deux régions Grand-Est et Hauts-de-France. Si l'on rentre encore dans le détail, certains départements du Centre-Est n'ont quasiment aucune installation d'éoliennes comme l'Ain, le Rhône, la Loire, les deux Savoie, la Saône-et-Loire et le Jura. Tandis que les départements du Massif central et le long de la vallée du Rhône, l'Ardèche et la Drôme comptent entre 30 et 120 MW installés. « Le territoire Auvergne-Rhône-Alpes est particulièrement contraint par des éléments physiques liés à la forte présence de la montagne et à certains usages du territoire incompatibles avec l'éolien, explique Anne-Sophie Musy, chargée de mission énergie à la direction régionale de l'environnement (Dreal) Auvergne-Rhône-Alpes. Il y a par exemple une présence importante de zones d'entraînement de l'armée de l'air qui grèvent une partie du territoire, des montagnes escarpées et une forte urbanisation de certains bassins. » Si les éoliennes ne sont pas vues d'un bon œil par certains riverains, le développement de la filière éolienne a permis la création de 14 700 emplois en France. Toutefois, malgré un fort développement, ce n'est pas dans la fabrication d'éoliennes que la France parvient à tirer son épingle du jeu, mais bien dans les services et l'entretien des parcs. Ainsi, le Centre-Est accueillait jusqu'à peu, au Creusot, en Saône-et-Loire, le site du seul fabricant français de matériel d'éolienne. En dépit d'un marché en fort développement en France et en Europe, l'environnement concurrentiel porté par des fabricants de la péninsule ibérique, moins chère, a entraîné sa chute et son dépôt de bilan à la mi-2017.
Des objectifs de développement ambitieux
Malgré cela, les objectifs de développement de l'éolien prévus par la loi de transition énergétique pour la croissance verte ont fixé une fourchette de 22 000 à 26 000 MW installés d'ici cinq ans. Pour cela, l'État a posé un cadre incitatif pour soutenir le développement de la filière. Les tarifs de rachat de l'éolien terrestre sont fixés pendant une durée donnée à un prix garanti par arrêté ministériel. Actuellement, l'arrêté en vigueur date du 13 décembre 2016 et prévoit des contrats de 15 ans avec un tarif de rachat de 0,08 euro/kWh pendant dix ans, puis entre 0,028 et 0,08 euro/kWh pendant cinq ans. Pour financer ce soutien à l'électricité éolienne, la charge de service public de l'électricité (CSPE) est facturée à tous les consommateurs d'électricité, particuliers et entreprises.
Camille Peyrache
Innovation / Les premières hydroliennes fluviales à Génissiat (Ain)
Retenu par l’Ademe dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, le projet de ferme d’hydroliennes fluviales de Génissiat (Ain). Ce projet, financé par un programme de 12 millions d’euros, est porté par la CNR et réalisé en partenariat avec la start-up grenobloise HydroQuest et l’entreprise Constructions mécaniques de Normandie (CMN). D’ici fin 2018, 39 hydroliennes fluviales d’une puissance de 2 MW chacune seront immergées dans un secteur du Rhône très encaissé, à l’aval du barrage de Génissiat (Ain), proche de la frontière suisse. D’une production moyenne annuelle de 6 700 MWh, l’énergie récupérée serait suffisante pour la consommation annuelle d’environ 2 700 habitants, soit l’équivalent de 2 000 tonnes d’émissions de CO2 évitées par an.Une empreinte environnementale faible
« Les hydroliennes fluviales seront installées par groupe de trois, tous les 150 mètres environ sur un linéaire de deux kilomètres », explique Ahmed Khaladi, ingénieur à la direction ingénierie et grands projets de la CNR. La Compagnie nationale du Rhône sera en charge de l’exploitation, de la maintenance et de l’ingénierie hydroélectrique de la ferme tandis que CMN, partenaire industriel d’HydroQuest, assurera la fabrication des hydroliennes. La start-up grenobloise a déjà réalisé plusieurs projets tests en conditions réelles, notamment en Guyane en pleine zone amazonienne, et à Orléans sur la Loire. Ces expérimentations ont permis non seulement de tester les performances et les rendements des machines, mais aussi d’étudier l’impact environnemental en milieu fluvial, notamment dans le site urbain situé au centre d’Orléans classé en zone Natura 2000. « Ce type de projet présente une empreinte environnementale réduite et ne demande aucune intervention de génie civil. Nous sommes déjà en mesure de dire qu’il n’y aura aucun danger pour la faune et la flore », précise l’ingénieur. « Une vitesse de courant supérieure à 1,5 mètre seconde et une profondeur de plus de 2 mètres, c’est tout ce dont nous avons besoin pour faire marcher nos hydroliennes, ancrées dans l’eau comme des bateaux », précise-t-il.
« La taille significative du projet servira de référence […] pour le développement de cette nouvelle technologie à l’international », ajoute Jean-François Simon, PDG d’HydroQuest. Car oui, l’idée derrière cette première mondiale est bel est bien de lancer et développer une nouvelle filière industrielle dans les années à venir. « Des pays comme l’Afrique et l’Amérique du Sud ont déjà manifesté leur intérêt pour cette production électrique décentralisée ». Une alternative séduisante aux projets de barrage, coûteux et entraînant souvent de grands déplacements de population, notamment en Chine.
Alison Pelotier