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AVICULTURE

La ferme de JC, un modèle résilient

Au Grand-Serre, Jean-Christophe Vonlanthen élève des centaines de volailles en plein air. Portrait d’un jeune aviculteur passionné.

La ferme de JC, un modèle résilient
Les volailles de Jean-Christophe Vonlanthen sont abattues et transformées à la ferme puis vendues en direct. à la boutique de la ferme de JC. Elle est ouverte tous les vendredis entre 15 h 30 et 19 h. ©AD_PDeDeus

À 30 ans, Jean-Christophe Vonlanthen a entraîné toute sa famille dans l’aventure agricole. D’abord sa mère, « elle m’aidait pour les papiers et comme on s’entendait super bien je lui ai proposé de venir travailler sur la ferme, raconte-t-il. Mais ce n’était pas prévu au départ ! » Employée depuis cinq ans, Catherine va même devenir associée de l’exploitation dans les prochains mois. Le père de Jean-Christophe, Philippe Vonlanthen, a lui aussi rejoint la ferme, sur laquelle il est salarié depuis un an. Enfin, le petit-frère, Anthony, fait également partie du projet : après trois ans d’apprentissage auprès de sa famille, il devrait s’associer à son tour en 2025.

Les moutons, son premier amour

Pourtant, rien ne destinait à priori la famille Vonlanthen à l’agriculture. Jean-Christophe, alias JC, a grandi auprès d’une mère ouvrière et d’un père commercial dans l’agglomération grenobloise. Catherine a toutefois réussi à transmettre l’amour des animaux à son aîné. Fille d’agriculteur et ancienne bergère, elle a adopté des moutons quand Jean-Christophe avait douze ans. Deux décennies plus tard, le jeune homme en parle encore avec des étoiles dans les yeux... Après le collège, deux vocations se sont imposées à lui : le rugby et l’agriculture. Jean-Christophe (alias JC) a choisi la seconde et a rejoint un Bac pro agricole. Mais sa passion première, l’élevage ovin, a vite laissé place au pragmatisme. « Pour me tirer un Smic, il fallait minimum 400 brebis… C’est trop de travail pour une seule personne », analyse-t-il. En BTS, il se spécialise finalement en aviculture avec l’objectif de créer sa propre ferme. C’est sur la propriété acquise par ses parents trois ans plus tôt, au Grand-Serre, que Jean-Christophe crée son exploitation en 2016.

Plus de 400 volailles

Près de cet ancien corps de ferme, un premier bâtiment sort de terre, puis un second, et encore un autre… Il y en a aujourd’hui sept, pour élever entre 300 et 400 volailles en plein air. Des poulets de chair pour la majorité, mais aussi cinquante pintades, 240 pondeuses, une vingtaine de canards et plusieurs dizaines de dindes et de chapons pour les fêtes de Noël. Autour de chacun de ces bâtiments de 30 à 60 m², un parc de 1 500 m² est en accès libre. « À partir de sept semaines, on ouvre les trappes et elles font comme elles veulent », explique l’éleveur en désignant les poules occupées à picorer dans la pelouse. Et pour ce qui est des attaques, il compte sur ses chiens, deux vieux patous et trois borders collies qui veillent au grain. Seules les buses réussissent pour l’instant à échapper à leurs crocs, « d’ici un an ou deux, je vais mettre des filets sur les parcs, car j’en perds au moins une par jour, témoigne Jean-Christophe. Et puis mon élevage sera mieux protégé de la grippe aviaire. »

Une croissance naturelle

Ici, pas question de stimuler la croissance. Ses cous nus - race de poule ancienne et rustique - vont gambader dans leur parc pendant cent jours au minimum avant d’atteindre 1,8 kg. Dans des systèmes intensifs, les races à croissance rapide atteignent le même poids en une trentaine de jours. « Mais il faut l’expliquer au client car la fermeté n’est pas la même, précise l’éleveur. Les cuisses sont plus dures mais pour ce qui est du goût ça n’a rien à voir avec le poulet qu’on a l’habitude de manger ! »
Sur le marché de Saint-Marcellin, Saint-Jean-en-Royans, Valence, Fontaine ou directement à la ferme, Jean-Christophe prend le temps de présenter ses produits aux clients. Sa conduite d’élevage, son grain entièrement issu de la région, l’abattage et la découpe à la ferme… une philosophie de la fourche à la fourchette qu’il défend depuis ses débuts. « Avant de m’installer, j’ai visité des fermes avec différents systèmes et c’est ce qui me parlait le plus. Globalement, ce n’est pas déplaisant - à part l’abattage - et c’est plus rentable ! Et j’aime aussi beaucoup le contact avec les clients… Ça ne m’intéressait pas de vendre à une coopérative ! »

Il « retape » les animaux d’élevage

Une passion et une rentabilité qui ont un coût : celui du temps de travail. Entre l’abattage le lundi, la transformation trois fois par semaine, la gestion de l’élevage et la vente sur les marchés, Jean-Christophe avoue ne s’accorder que peu de répit. D’autant qu’il a rapidement installé un autre atelier complémentaire, « pour le plaisir », avec 350 brebis. « Mais cette fois, j’arrête là », lance-t-il, comme une promesse à lui-même. Dans son troupeau, des romanes vendues pour la viande, mais aussi d’autres races, et même quelques chèvres, déposées par l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA*) . Ces animaux, souvent en mauvaise santé, lui sont apportés le temps de leur trouver une nouvelle ferme, mais certains ne sont jamais partis du Grand-Serre. « Le travail avec cette association me fait un complément de revenus… Et surtout, j’aime les voir se retaper, raconte Jean-Christophe. Déjà que je tue le poulet, ce n’est pas agréable, alors quand je peux réparer, c’est plaisant. »

Pauline De Deus

* L’OABA est une association de protection des animaux de ferme. Lorsque des animaux sont récupérés, dans des élevages ou des abattoirs, suite à une décision juridique, ils sont placés dans l’une des quarante fermes partenaires en France.