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Société

La définition de l’exploitant agricole toujours en débat

La FNSEA affine actuellement sa définition de l’exploitant agricole dans le cadre d’un groupe de travail. Le syndicat souhaite qu’un agriculteur soit présent régulièrement sur l’exploitation et qu’il possède non seulement du capital, mais aussi une partie du matériel de l’exploitation.
La définition de l’exploitant agricole toujours en débat

La FNSEA a fourni une première définition de l'exploitant agricole à l'occasion de son congrès de Biarritz en 2014. Cette définition, actuellement rediscutée dans le cadre d'un groupe de travail, sera soumise aux candidats à la présidentielle de 2017, avec qui des rendez-vous ont d'ores et déjà été pris. Pour ce groupe de travail, l'agriculteur est une personne physique et non une personne morale, contrairement à la définition européenne (qui ouvre l'activité aux personnes morales). Il peut exploiter en société ou en individuel. Il doit être majoritaire, seul ou à plusieurs, au capital de son exploitation ; de surcroît, il doit posséder au moins une partie du matériel d'exploitation, de manière individuelle ou collective (Cuma). Les patrons d'entreprises de travaux agricoles (ETA) ne sont pas des agriculteurs pour la FNSEA. « Les entreprises de travaux agricoles se sont construites dans la prolongation d'exploitations agricoles pour amortir du matériel sur d'autres surfaces à façon, explique Daniel Prieur, agriculteur dans le Doubs et secrétaire adjoint de la FNSEA. Un entrepreneur, lorsqu'il travaille sur sa propre surface, il est agriculteur. Mais pas sur une autre surface ». La FNSEA est favorable à la fixation d'un volume d'activité minimum, avec une progressivité pour les nouveaux entrants. Le volume d'activité de base correspond à celui fixé par la MSA : surface minimum d'installation départementale, temps de travail (au moins 1 200 heures de travail par an), ou volume d'activité (800 Smic par an). La FNSEA souhaite accorder une souplesse pour les entrants dans la profession. Ceux-ci pourraient d'ailleurs bénéficier en priorité d'autorisations d'exploiter dans le cadre du contrôle des structures.

Daniel Prieur, agriculteur dans le Doubs, secrétaire adjoint de la FNSEA et membre du groupe de réflexion sur le statut de l’exploitant agricole.

Participer aux décisions, avoir un diplôme ou une expérience professionnelle

L'agriculteur doit « diriger ou participer à la direction, ce qui suppose une présence régulière. On ne veut pas qu'il fasse tout par téléphone », explique Daniel Prieur. Ce sujet est encore en discussion au sein du groupe de travail, pour en affiner les contours, notamment la façon de mesurer ou contrôler cette présence. Pour l'instant, il existe un accord sur l'idée qu'une présence « une fois par mois dans les périodes importantes (semis, moissons...), c'est trop faible », explique Daniel Prieur. En somme, la FNSEA ne semble pas opposée à ce que les agriculteurs ne prennent pas part directement aux travaux des champs, à condition qu'ils soient décisionnaires et présents suffisamment souvent. Une position commune avec la Coordination rurale, et qui l'oppose à la Confédération paysanne. Pour la FNSEA, l'exploitant individuel doit avoir un diplôme ou une expérience professionnelle. En société, le ou les exploitants majoritaires doivent être diplômés ou avoir une expérience professionnelle. Si un médecin ou un notaire veut devenir agriculteur, il doit passer un diplôme. « On souhaite qu'un comédien, qu'un notaire, qu'un chef d'entreprise du bâtiment puisse devenir agriculteur », explique Daniel Prieur. Une réflexion est en cours à la FNSEA sur l'intégration de nouvelles formes d'agricultures dites urbaines au statut d'agriculture (sur les toits, agriculture verticale...). « Jusqu'ici, il fallait un registre parcellaire pour bénéficier des aides Pac ; que se passe-t-il si des firmes louent demain les toits de Paris, et proposent des services de recyclage de l'air à Anne Hidalgo ? », se demande Daniel Prieur. 
Agrapresse

 

 

Interview / Jérôme Volle est vigneron et producteur de lavande en Ardèche. En tant que membre du groupe de travail sur le statut d'agriculteur et du conseil d’administration de la FNSEA, il nous livre ses réflexions sur l’importance de disposer d’une définition officielle de l’agriculteur.

“ Un statut permet de définir des priorités ”

Pourquoi est-il important qu’il y ait un statut de l’agriculteur défini ?
Jérôme Volle : « Il est important aujourd’hui de définir réellement ce qu’est un agriculteur et cela passe par le statut professionnel. Les enjeux forts pour les agriculteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes sont de savoir qui a accès à un certain nombre d’accompagnements comme les aides Pac du premier et du deuxième pilier. Un statut permet aussi de définir des priorités, qui peut avoir accès à des terres dans des cadres prioritaires ou qui peut construire un bâtiment agricole. De plus, il y a aujourd’hui des métiers exercés dans le cadre de l’agriculture qui ne sont pas pris en compte dans le statut d’agriculteur : les activités de transformation à la ferme, la gestion comptable ou du fonctionnement de l’exploitation, la gestion des ressources humaines ou du commercial. Ces métiers sont plus éloignés de l’acte de production mais ils sont nécessaires sur l’exploitation. Un statut permet de faire reconnaître ces fonctions qui existent dans l’agriculture. Nous souhaitons aussi un statut plus professionnel car aujourd’hui disposer d’une surface agricole suffit parfois à avoir le statut d’agriculteur. Or, ce n’est pas la surface agricole qui nous intéresse aujourd’hui, le métier a changé. Nous estimons qu’il faut qu’il y ait un acte économique pour être reconnu agriculteur. »
Une enquête menée par une sociologue montre que 10 % des exploitations en grandes cultures en France délèguent l’intégralité de leurs travaux aux champs à des entreprises de travaux agricoles, qu’est-ce que cela vous inspire ?
J. V. : « Si quelqu’un a des hectares à son nom et que la totalité des travaux agricoles sont délégués à des ETA, et qui, en plus, a une autre activité professionnelle à temps plein, cela ne relève pas du statut d’agriculteur. S’il n’y a aucune pratique agricole sur l’exploitation, alors on n’est pas agriculteur. Nous ne souhaitons pas développer des exploitations agricoles à façon. Si quelqu’un veut garder des terrains à titre patrimonial, il le peut, mais il ne doit pas pouvoir disposer d’accompagnement financier destiné à soutenir la production agricole. Le statut n’empêche pas de déléguer une partie du travail sur l’exploitation. Beaucoup d’agriculteurs ont recours à des ETA, et c’est utile, mais il faut garder la main sur l’exploitation et rester dans l’activité agricole. On regrette aujourd’hui qu’il y ait des personnes qui ne sont jamais sur l’exploitation, qui ne font aucune activité agricole et qui reçoivent des aides de la Pac par exemple. »
Est-ce qu’un statut n’enfermerait pas l’agriculture dans un modèle figé, contraire à la souplesse nécessaire à l’innovation et aux évolutions ?
J.V. : « La définition du statut n’est pas là pour cloisonner ou pour exclure, mais pour spécifier qui est agriculteur et faire en sorte qu’un certain nombre d’agriculteurs soit reconnu. On est dans une posture d’ouverture face à des pratiques agricoles nouvelles et de fermeture face aux gens qui utilisent le statut d’agriculteur pour le côté patrimonial. On ne souhaite pas mettre de proportionnalité dans l’activité économique agricole. Une définition du statut n’empêchera pas d’être pluriactif, par exemple, car pour les agriculteurs pluriactifs, une partie de leur activité personnelle est liée à l’activité agricole. On peut être à trois quarts temps sur une activité différente et être agriculteur. Il convient aussi que l’agriculteur fasse partie du tissu social et économique du territoire sur lequel il est. »  
Propos recueillis par Camille Peyrache