La cuma, accompagnatrice d'évolutions

L'achat de matériel et l'organisation en commun, telle est la raison d'être de la cuma. Au-delà du partage d'outils, ce sont « des agriculteurs qui expérimentent, échangent, s'entraident, innovent, mettent en commun les savoir-faire des uns et des autres, souligne le président de la fédération départementale des cuma de la Drôme, Jean-Pierre Feschet. Elle dynamise le milieu rural, peut créer de l'emploi, facilite l'installation de jeunes agriculteurs. » Il la considère aussi comme un moyen de diminuer les risques liés aux investissements, d'amortir les effets des crises agricoles et un catalyseur de l'innovation. « Les cuma ont donc toute leur place pour accompagner les mutations du secteur agricole : nouvelles pratiques, nouvelles filières... »
Le tracteur partagé
Un tracteur en commun était l'un des thèmes de l'assemblée générale de la FD Cuma, le 23 février à Charols. L'étape est parfois difficile à franchir sur le plan psychologique et organisationnel. Mais « c'est un levier pour optimiser l'utilisation du matériel, le rendre accessible à tous types d'adhérents et même envisager sa conduite par un salarié », a remarqué Jean-Pierre Feschet. Et le président de la fédération régionale des cuma Auvergne-Rhône-Alpes, Daniel Petit-Jean a appuyé : « Il permet au groupe de passer à une autre dynamique ». Le partage d'un tracteur « ouvre des opportunités », a noté l'animateur de la FD Cuma, Bastien Boissonnier. Outre des économie sur les charges, « c'est structurant pour les groupes en cuma, un levier pour mutualiser d'autres matériels, l'accès à la performance et au confort, la possibilité d'aller plus loin avec un chauffeur ».
La cuma de Montvendre a d'abord testé la formule en louant un tracteur pendant deux ans avant de se lancer dans l'achat (voir ci-...). Celle d'Auriples-La Répara a facilité l'installation d'un jeune qui a repris une exploitation en 2008, Jean-Charles Jouve. « La cuma a acquis un deuxième tracteur en 2009, a expliqué celui-ci. Personnellement, seul, je n'aurais pas pu avoir ce type de matériel. Un tracteur en cuma quand on s'installe, c'est une économie financière, un moyen de disposer de matériels plus gros, plus perfectionnés et de dégager du temps pour d'autres activités. Pour l'organisation de son utilisation, il faut beaucoup de communication. »
Réduire les charges
La place des cuma dans le développement de la filière lavandicole a été le deuxième thème de cette assemblée. Cette filière est actuellement en expansion, a expliqué Alain Aubanel, entre autres président de la fédération départementale des producteurs de lavande et lavandin. Ces deux espèces gagnent du terrain en Drôme : 5 500 en 2015 contre 4 600 hectares en 2006, soit 20 % de plus. Le marché est mondial et d'autres pays s'y intéressent, comme l'Espagne et la Bulgarie. « Aujourd'hui, il est porteur mais des problèmes de prix pourraient apparaître dans le futur, a mis en garde Alain Aubanel. Il faut y aller quand même, il y a de la place à prendre. Mais, dans les prévisionnels, il ne faut pas intégrer les prix d'aujourd'hui. Et y aller en cuma est un moyen de réduire les charges. » Jean-Pierre Feschet a abondé dans ce sens : « Le coût du matériel étant élevé, les cuma se justifient ».
Des cuma dans les Ppam
Cédric Yvin, conseiller Ppam(1) à la chambre d'agriculture de la Drôme, a listé différents matériels pouvant être mutualisés en cuma pour planter, entretenir le sol, fertiliser, pulvériser, récolter... Côté transformation, l'évolution de la cuma du Bridon (créée en 1986 pour reprendre une distillerie à Souspierre), a été expliqué par son président, Cyril Hugues. Cette année, elle augmente sa capacité de distillation (bennes plus grandes, chaudière plus puissante...) pour répondre à l'accroissement de la production de lavandin de ses adhérents(2) et pouvoir en accepter de nouveaux. Et, pour elle, la distillation d'autres Ppam comme le thym sera un moyen d'optimiser les investissements. Cette cuma n'a pas de récolteuse à lavande, « ce serait compliqué à 52 adhérents, a observé Cyril Hugues. Par contre, lui et quatre autres agriculteurs ayant des systèmes de culture semblables et travaillant déjà ensemble ont décidé de créer une cuma pour acheter un tracteur, une épareuse, puis une récolteuse à lavande. Quant à la cuma César, à Réauville, elle a acheté une récolteuse de lavande et un tracteur pour la première fois en 1998. Elle a renouvelé l'opération en 2012. « Il nous a paru normal de partir sur du matériel de récolte en cuma, a confié Jean-Pierre Feschet, son président. En groupe, on est plus fort que le plus fort du groupe. »
Annie Laurie
(1) Ppam : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
(2) 10 tonnes voici cinq ans, 33 en 2016, 40 tonnes en prévision en 2017 et 50 en 2018.
Dans l'activité 2016
La Drôme compte 90 cuma regroupant plus de 1 000 agriculteurs. La fédération départementale les accompagne dans leur constitution, gestion courante, projets, formation... En 2016, 11 cuma ont été aidées par la Région, l'Europe et le Département : pour l'achat de tracteurs, semoirs, herses étrilles, déchaumeurs, effeuilleuse, machine à vendanger, ligne de décorticage mobile de petit épeautre... Les cuma ont par ailleurs pu bénéficier d'une nouvelle aide du Département en faveur de l'investissement collectif dans du matériel spécifique à l'agriculture biologique (9 dossiers). 2016 a aussi été l'année de mise en place de Dina, un nouvel outil de conseil (subventionné à 90 %) pour accompagner les cuma dans leur stratégie. Cinq en ont déjà bénéficié.La FD cuma a épaulé des collectifs dans leur projet, comme le séchage de luzerne collectif en bottes carrées, les techniques culturales simplifiées. Elle a en outre épaulé la dynamisation de cuma et informé des groupes d'agriculteurs sur les formalités de création. Et ce, à Bourdeaux pour la création de la cuma Les paysans réunis (projet d'achat d'une remorque frigorifique et d'une bétaillère) ; pour la relance de la cuma du Coin (Bellegarde-en-Diois) ; à Savasse avec la création de la cuma des 4 SA autour d'un projet d'achat de récolteuse à lavande.
Traction mutualisée / Après avoir loué un tracteur deux ans durant, la cuma de Montvendre a franchi le pas de l'achat.La Cuma de Montvendre a acquis deux tracteurs
