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Règlement Omnibus

“ La capacité des interprofessions à agir en cas de crise est renforcée ”

Le règlement omnibus apporte de nouveaux outils pour la filière laitière en dotant les interprofessions de moyens supplémentaires pour réagir aux crises et en leur permettant de mettre en place des accords de partage de la valeur ajoutée. Une avancée saluée par André Bonnard, secrétaire général de la FNPL et producteur de lait dans la Loire.

“ La capacité des interprofessions à agir en cas de crise est renforcée ”

Comment qualifieriez-vous l'accord intervenu sur le volet agricole du règlement omnibus ?
André Bonnard : « Pour le secteur du lait, de nombreuses dispositions étaient déjà dans le "Paquet lait", mais c'est une avancée importante pour les autres secteurs de l'agriculture qui accède à des souplesses bienvenues. Pour la filière laitière, la nouveauté réside dans le fait d'avoir accès à des clauses de partage de la valeur ajoutée qui existaient dans le sucre. Jusqu'à présent, il était interdit de s'entendre en organisation verticale. Nous n'avions pas le droit de faire un accord collectif sur le partage de la valeur ajoutée. La filière sucre le pouvait. Grâce à cette réforme, tous les secteurs agricoles vont pouvoir s'organiser. Un autre point intéressant de l'omnibus, c'est qu'il n'y a plus de fin prévue pour les dispositions du "Paquet lait". »

Au niveau des interprofessions, qu'est-ce que cela va changer concrètement ?
A.B. : « L'interdiction de fixer les prix ou les volumes reste valable pour les interprofessions. Ce qui est nouveau, c'est leur capacité d'agir en cas de crise. Elles pourront ainsi prendre des mesures de réduction des volumes ou de promotion pour alléger un marché, dès que la Commission européenne aura déclaré un secteur de production en état de crise. Il n'y aura plus besoin d'avoir l'accord de la Commission européenne à chaque étape. L'interprofession gagne aussi le pouvoir de partage de la valeur ajoutée. Par exemple, dans la filière sucre, l'interprofession calcule les valeurs des différents marchés (mondial, sucre de table, sucre industriel et sucre pour alcool). Cet accord interprofessionnel impose aux entreprises et aux planteurs de créer des commissions de partage de la valeur. Pour déterminer ce qui revient aux agriculteurs, ces commissions doivent s'appuyer sur les valeurs définies par l'interprofession. Les quatre marchés sont pondérés pour chaque entreprise afin de répartir la part qui revient aux producteurs. C'est ce que l'on essaye de proposer au Cniel pour s'appuyer davantage sur la valeur réelle produite par chaque laiterie. Au début, nos partenaires industriels voyaient cette proposition d'un mauvais œil, mais c'est inclus dans une négociation plus globale, ce qui nous laisse penser que nous pouvons arriver à un accord. C'est l'effet positif des États généraux de l'alimentation qui ramène tout le monde à la table de la discussion. »

Comment allez-vous utiliser les avancées offertes par le règlement omnibus dans les organisations de producteurs ?
A.B. : « Sur les organisations de producteurs, nous attendons aujourd'hui plus du droit français que du droit européen. Nous pourrions aller beaucoup plus loin dans les contrats mais nous sommes limités par les lois encadrant la contractualisation. Par exemple, l'obligation d'émissions de contrat par l'industriel est à renverser. Dans la vraie vie, ce sont les conditions générales de vente qui sont en pratique et non les conditions générales d'achat, comme c'est le cas aujourd'hui dans le secteur laitier. Dans le concept d'inversion de la formation des prix, il y a la prise en compte des coûts de production mais aussi, et surtout, la capacité des producteurs à proposer des contrats aux acheteurs. C'est ça qui donnera plus de pouvoir aux organisations de producteurs françaises et c'est au gouvernement français de faire évoluer cette situation. » 

Propos recueillis par Camille Peyrache

 

Omnibus / Le volet agricole sera adopté avant 2018

Les représentants permanents des Vingt-Huit à Bruxelles ont donné le 15 novembre leur feu vert à la procédure devant permettre de dissocier le volet agricole de l’ensemble du règlement omnibus, ce qui permettra une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2018 des mesures agricoles. Cet accord a fait l’objet d’un compromis inter-institutionnel le 12 octobre, confirmé le 6 novembre par leurs experts du CSA. Cette dissociation a reçu, dans la foulée, l’aval de la Conférence des présidents du Parlement européen. De son côté, la Commission européenne, dont l’avis en la matière n’est pas indispensable, attendait cet accord entre le Conseil de l’UE et les eurodéputés pour accepter la procédure. Certains de ses services, ceux chargés de la concurrence notamment, avaient manifesté quelques réticences. La présidence estonienne du Conseil va maintenant adresser à la commission de l’agriculture du Parlement européen une lettre confirmant l’accord, avec le texte du règlement spécifique. La commission parlementaire donnerait alors le feu vert lors de sa réunion des 22 et 23 novembre, ce qui permettrait à l’Assemblée de voter au cours de sa session des 29 et 30 novembre à Bruxelles, et au Conseil de donner son approbation définitive avant la fin de l’année. 

Concurrence / Les limites aux exceptions rappelées

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu à la justice française qui l’avait interrogée, dans le cadre de l’affaire de l’entente présumée des producteurs d’endives, sur les limites des dérogations au droit de la concurrence accordées au secteur agricole. Il existe quelques dérogations au droit de la concurrence dans le secteur agricole, car, rappelle la CJUE, « la Pac prime sur les objectifs de concurrence ». Ainsi, des exceptions ou dérogations sont tolérées lorsqu’elles permettent notamment de défendre cumulativement les cinq objectifs de la Pac (1) ou lorsqu’elles favorisent les regroupements de producteurs au sein d’OP. Par exemple, il est possible au sein d’une OP de réguler la production, alors que dans tout autre secteur, une telle pratique serait sujette à sanction car assimilée à un frein à la concurrence horizontale. Concernant la question de la fixation d’un prix minimal de vente, elle est formellement interdite, indique la CJUE, même au sein d’une même OP. Ainsi, si parler de prix est possible au sein d’une même OP, imposer un prix minimal en dessous duquel un agriculteur n’aura pas le droit de vendre sa production est contraire au droit de la concurrence. La réponse, claire, de la CJUE a de quoi inquiéter les producteurs d’endives poursuivis. Car l’interprétation de la justice européenne semble aller dans le sens de celle de l’Autorité de la concurrence. n(1) Accroître la productivité, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés, garantir la sécurité des approvisionnements et assurer des prix raisonnables aux consommateurs.