La Biennale de tous les possibles

Me, you, nous, créons un terrain d'entente. Le design de la concorde... » Le fil conducteur de cette édition 2019, proposé par la commissaire principale, la franco-américaine Lisa White, est créatif, artistique, mais toujours très conceptuel et donc parfois à peine explicite pour le commun des mortels.
La commissaire se fait plus claire : « nous allons traiter d'inclusion dans une ère de divisions, d'individualisme et de peurs vis-à-vis des autres, de la technologie, de la nature et du futur. Regarder au-delà de nos propres limites. Prendre en compte et comprendre nos voisins qui ont leur propre vision du monde, parfois très différente de la nôtre. Regarder au-delà des bulles du business, de la technologie et du marketing afin de s'adresser aux personnes, à leurs besoins, leurs désirs et, au-delà, leurs rêves. » Une thématique qui ne pouvait laisser indifférent le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau : « Nous faisons le choix de montrer en quoi le design peut rendre possible, au-delà des différences de toutes natures, la création d'avenirs communs, qu'il s'agisse de produits, de services ou de choix de politiques publiques », assure-t-il.
Le directeur de la Cité du Design, Thierry Mandon, voit dans cette thématique : « une volonté, un défi et une exigence. À quelles conditions des démarches inclusives peuvent-elles enrichir des processus de création ? Comment faire force des différences ? Autant de questions d'une brûlante actualité dans un monde en profond bouleversement. »
En résumé, faire que le design soit un lien entre les populations d'un même territoire, tout en répondant aux enjeux économiques, sociétaux, environnementaux... Vaste programme !
De la route du design chinois au design numérique de la Silicon valley
Cette année, les organisateurs ont décidé de parler chinois... invitant les designers de Pékin, Shanghaï, Shenzhen et Wuhan. Fan Zhe sera le commissaire de l'exposition Equi-libre qui propose un parcours à travers une sélection d'objets qui marquent la vie quotidienne chinoise depuis que le pays a basculé vers l'économie de marché. Un panorama du design chinois qui accompagne
la croissance de la consommation tout en prenant conscience des enjeux environnementaux qui en découlent. Espérons que la route du design chinois soit promise au même avenir que celle de la soie. Autre personnalité de marque, américaine celle-là : John Maeda, acteur majeur du design numérique, qui sera l'invité « carte blanche ». Il dévoile son univers dans l'exposition Design in Tech où il met l'accent sur le lien très fort entre design et nouvelles technologies, notamment celles développées par les grandes entreprises de la Silicon Valley pour créer leurs logiciels et autres produits. En outre, il présentera son rapport d'un programme de recherches portant sur la conception, l'expérimentation et l'analyse de nouvelles voies d'apprentissage de la conception par ordinateur pour le compte de publics éloignés de l'emploi. Au-delà des œuvres et des expositions, il sera aussi possible d'assister à des débats, conférences, colloques « pour transformer le territoire en un laboratoire de réflexions », en présence notamment de Cynthia Fleury (enseignante-chercheuse en philosophie politique et psychanalyste) et Michel Lussault (géographe et directeur de l'École urbaine de Lyon).
Une ville au diapason
Évidemment à l'épicentre du phénomène, le laboratoire vivant de la Cité du design, La Platine, se transformera pendant un mois en un lieu de rencontres, d'expérimentations et de co-créations pour permettre un échange entre visiteurs et professionnels du design. Cet espace propose un parcours d'immersion dans les étapes clefs du design, pour tous les publics. Les visiteurs, petits et grands, pourront participer à des ateliers de créations ou d'expérimentations. Mais au-delà des lieux consacrés, c'est toute la ville qui va vivre au rythme du design et même au-delà. Le musée d'art moderne et contemporain, le musée d'art et d'industrie, le musée de la mine, le conservatoire Massenet, La Serre, le site Le Corbusier de Firminy, etc. autant de lieux qui organisent des événements, des expositions spécifiques pour faire de l'agglomération stéphanoise un lieu de culture unique durant un mois. Tous les commerçants sont invités également à se pavoiser aux couleurs de l'évènement.
D. B.
Repères
Le déroulé de la biennale (21 mars au 22 avril)
Semaine 1 : Le design à l’international.
Semaine 2 : le design en pratique.
Semaine 3 : le design en réseaux.
Semaine 4 : le design en recherche.
Semaine 5 : le design et la Chine.
Infos pratiques : https://biennale-design.com/
Insolite : la Table des négociations
Les étudiants de l’École supérieure d’art et de design se sont intéressés à la Table des négociations, emblème des discussions diplomatiques en tous genres et devenue, par métonymie, la pratique elle-même (quitter la table signifiant arrêter la négociation). À partir de quelques exemples concrets, plus ou moins célèbres, les étudiants vont montrer comment le design assume la mise en récit de la négociation, autant que son efficience. La Table des négociations sera activée tout au long de la Biennale par des conférences, des débats, des tables rondes et des spectacles.
Le charbon, les armes, les cycles, les Verts, Saint-Étienne tient une place singulière dans l’histoire industrielle et sportive du pays. Mais comment a-t-elle gagné ses galons dans le monde du design ?
Saint-Étienne, en mode design
Le point commun entre Saint-Étienne, Buenos Aires et Mexico ? Ne riez pas, il y en a bien un. La réponse, vous ne pouvez pas la rater quand vous arrivez par l’A 47 depuis la vallée du Rhône. C’est écrit en grosses lettres : « Ville Unesco du design », un label prestigieux obtenu le 22 novembre 2010 qui sonne comme une reconnaissance (une renaissance ?) Aux origines,il y eut l’école de dessin en 1803, qui devint l’école régionale des arts industriels en 1884, les Beaux-Arts en 1923 et enfin l’École supérieure d’art et design en 2006. Un cheminement de deux siècles qui a épousé les contours de l’histoire économique du territoire. Cet établissement a joué un rôle majeur dans le positionnement du design à Saint-Étienne en créant le premier post-diplôme français design et recherche dès 1989 puis la revue Azimuts (recherche en design) en 1991 et enfin la Biennale internationale en 1998.
Une école, une biennale, une cité
Le succès de la Biennale et le développement de l’enseignement sur le design ont encouragé la Ville et la Métropole à créer en 2005 la Cité du design : plateforme d’observation, de création, d’enseignement, de formation et de recherche sur le design. La Cité du Design et l’École supérieure d’art et design se sont ensuite rejointes dans une même structure et, en 2009, elles se sont implantées sur le site emblématique de la Manufacture royale d’armes – comme pour boucler la boucle – où ont été installées, entre autres, la Platine (espace d’avant-garde créé par les architectes Finn Geipel et Guilia Andi) et la tour d’observation qui culmine à 32 mètres et ouvre un panorama à 360 degrés. Le design est omniprésent dans la ville, dans le mobilier décoratif des places mais aussi par l’appel à des urbanistes de renom pour des projets emblématiques : le Zénith, la Cité administrative, Immeubles Chateaucreux, Green Park pour n’en citer que quelques-uns. Depuis 2018, c’est Thierry Mandon qui guide à la destinée de la Biennale. L’ancien secrétaire d’État à la Réforme de l’Etat et à la Simplification puis à l’Enseignement supérieur et à la recherche est venu avec l’objectif de donner une nouvelle dimension à l’événement et de rapprocher la Cité du design du monde de l’entreprise.
D. B.