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L'alcool et son histoire

« L’ivresse des sommets », une exposition à voir sans modération

Loin de vanter les effets de l’alcool, l’exposition «L’ivresse des sommets »
du Musée dauphinois fait voyager à travers l’histoire du territoire et des liqueurs du terroir.

« L’ivresse des sommets », une exposition à voir sans modération

Certains se rappellent sa couleur, d'autres son odeur forte fleurie ou sucrée tandis que d'autres encore lui dédieront des chansons ou des scènes de cinéma... L'alcool a toujours su faire parler de lui. Plus que les cinq sens, c'est avant tout son histoire culturelle que le Musée dauphinois invite à déguster dans l'exposition « L'ivresse des sommets ». Titubant entre les panneaux géants de bouteilles, le visiteur est invité à rejoindre les moines, alchimistes et médecins qui distillaient les breuvages et préconisaient l'alcool en tant que médicament. « L'alcool était lié à la santé, au bien-être du corps et de l'esprit », rappelle la chargée de médiation du Musée dauphinois, à Grenoble. Appelé à plusieurs reprises « élixir d'amour », les noms fleuris donnés à l'alcool feraient de l'ombre au marketing d'aujourd'hui.
Par la suite, l'alcool se popularise et certains objets de contrebande apparaissent tels que la gourde cachée sous la selle de la mule ou encore le bâton de ski faisant office de contenant. Loin de l'image de l'alchimiste jouant des potions, l'alcool devient peu à peu une production à part entière, avec les distilleries ambulantes dans les villages et les grands alambics de cuivre. Le premier liquoriste à Bourgoin-Jallieu (Isère) est mentionné en 1798. « On a eu beaucoup de difficultés à avoir un alambic pour l'exposition. La réglementation impose qu'on ne puisse pas fabriquer son propre alcool. Celui exposé ici est donc percé et contrôlé », raconte la chargée de médiation.

Plantes et tradition

Avant d’être distillées, les plantes servant à la conception des alcools sont présentées, de leur odeur à leur aspect. Les visiteurs doivent tituber entre les panneaux pour entrer dans l’exposition « L’ivresse des sommets ».

L'exposition revient aussi sur la fabrication en tant que telle, depuis la cueillette jusqu'à la mise en flacon. Un long couloir présente les petites plantes et petites mains qui construisent l'histoire des breuvages. Mises sous cloches olfactives, la gentiane, l'absinthe ou encore la vulnéraire sont présentées sous leurs formes végétales rencontrées dans les alpes. Les différents corps de métier sont aussi mis à l'honneur : les tonneliers pour les cuves, barriques et fûts, les verriers pour la qualité des bouteilles ou encore les faïenciers pour les cruches blanches. De la seconde moitié du 19ème siècle au milieu des années 1950, vient la promotion. Le long des murs, des grandes
affiches, appelées les réclames, prônent sur fond de montagnes les bienfaits de l'ivresse. Couleurs chatoyantes, femmes aux grands sourires et slogans évocateurs : les ficelles du marketing étaient rôdées. La promotion se devine également à travers la forme des bouteilles et des étiquettes qui évoluent au fur et à mesure des décennies. Et la consommation d'alcool augmente toujours... On apprend ainsi que La Mure, commune iséroise, aurait détenu le record du nombre de bars par habitant en 1938 !

Alcoolisme et santé publique

Le design des bouteilles et des étiquettes est une partie fondamentale dans la vente des alcools. L’alambic exposé a dû être percé afin de respecter la législation concernant la fabrication de l’alcool.

Mais très vite, les dégâts de l'alcool se font sentir. La définition de l'alcoolisme apparaît en 1849, sous la plume du médecin suédois Magnus Huss. L'absinthe est interdite en 1915 mais vite remplacée par le premier pastis créé par Pernod en 1932. Il faut attendre Pierre-Mendès France, en 1954, pour que le verre de vin soit remplacé par un verre de lait dans les cantines scolaires. Suivent, en 1959, les premières sanctions pour la conduite en état d'ivresse. Les slogans des campagnes de santé publiques sont plus récents : 1977 pour le fameux « Boire ou conduire, il faut choisir » et 1989 pour « A consommer avec modération ».
Même si l'alcool fait encore des ravages, la mixologie a pourtant su donner une nouvelle jeunesse aux bouteilles. La création de cocktails est devenu un art à part entière avec un concours national et des établissements de formation dédiés. Le dernier phénomène de mode ? Le spirit free ou l'élaboration de cocktails...sans alcool. Une façon d'aller chercher une nouvelle clientèle dans les bars à l'heure où la consommation d'alcool en France est en baisse. En revanche, elle reste stable pour la catégorie des alcools forts. L'exposition finit d'ailleurs sur les dires d'un addictologue. Si l'exposition passe en revue plusieurs dizaines de distilleries, de maisons, d'alcools et autres liqueurs, un alcool est laissé de côté car non distillé : la bière. La région Rhône-Alpes compte pourtant le plus grand nombre de micro-brasseries en France. De quoi créer une nouvelle histoire... et une nouvelle exposition.

Virginie Montmartin

Infos pratiques /

L’exposition est présentée depuis le 29 mars 2019 jusqu’au 29 juin 2020 au Musée dauphinois à Grenoble. Il est ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 10h à 18h et jusqu’à 19h le week-end. Informations au 04 57 58 89 01 ou sur leur site internet : musees.isere.fr

 

Dégustation de tradition / Durant l’exposition, le Musée dauphinois présente des distilleries locales dont la distillerie Meunier, basée à Tullins.

La distillerie Meunier a fait déguster ces génépis colorés aux visiteurs intrigués.
L’invention du génépi est attribuée à Charles Meunier au 19ème siècle. Depuis 1809, la distillerie Charles Meunier et successeurs s’est spécialisée dans la distillation des plantes. Grâce à ses 13 salariés, la technique de fabrication a su évoluer sans perdre le coup de main traditionnel. « La mise du bouchon, l’ajout du brin de génépi et l’étiquetage sont toujours faits manuellement », explique Alexia Virone, responsable qualité. Et on en voit de toutes les couleurs. « Le génépi blanc, celui à couleur jaune avec une macération de deux à trois semaines, le génépi des glaciers de couleur bleue, ainsi que le génépi noir... », énumére-t-elle. Depuis peu, ils ont également développé une gamme en apéritif à base de fruit comme la mûre, la framboise et même la noix. C’est dans les stations de ski en Savoie et Haute-Savoie ainsi que dans les GMS en plaine que les bouteilles sont vendues. Depuis le lancement de l’exposition, d’autres Maisons ont été invitées pour faire déguster leurs produits : Maison J.Colombier, la Charteuse et les sirops Bigallet. n
VM