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Droit rural

L’entraide : un service en vaut un autre…

Depuis toujours, les agriculteurs ont eu un comportement solidaire en se soutenant mutuellement dans les périodes de travail intensif comme l’ensilage, les moissons ou encore les vendanges et encore plus aujourd’hui durant cette crise sanitaire du covid-19. En revanche, rares sont ceux qui se posent la question de la qualification juridique du « coup de main » donné à son voisin. Or cette qualification est du plus fort intérêt notamment en cas d’accident.

L’entraide : un service en vaut un autre…

En 1962, le législateur a instauré le régime de l'entraide pour tenir compte de la pratique des agriculteurs et régler les multiples questions à ce sujet.
Un principe de réciprocité
L'entraide est basée sur le principe de réciprocité, c'est-à-dire que la prestation de travail est effectuée en échange d'une autre prestation qui peut être personnelle (participation personnelle aux labours, à une récolte...) ou matérielle (mise à disposition d'un tracteur ou autre engin d'exploitation).
Cette réciprocité est présumée, ce qui signifie que le régime d'entraide est applicable dès le premier service rendu, à condition qu'il s'agisse d'un service que se rendent habituellement les agriculteurs dans l'intérêt de leur exploitation. Toutefois, des limites peuvent apparaître : ainsi la mise à disposition de cuves de vinification pourra être qualifiée de bail et est donc déconseillée. La fourniture de produits, quant à elle, pourra être qualifiée de prestation en nature et donc comme paiement, ce qui exclut le service et donc l'entraide. En effet, un trait de caractère de l'entraide est la gratuité des services. Des services qui doivent impérativement consister en des travaux agricoles ou des activités accessoires auxquelles se livrent habituellement les exploitants.
La gratuité du service n'empêche pas l'indemnisation lorsqu'il s'agit d'un échange de matériels. Il existe des barèmes départementaux d'entraide, appelés aussi barème d'équivalence, qui fixent un coût de chaque matériel, soit à l'heure, soit à l'hectare.
Responsabilité en cas de dommage
Il y a deux choses à retenir concernant l'entraide : la première est l'exonération de tout prélèvement à caractère fiscal ou social ; et la seconde concerne la responsabilité en cas de dommage. L'article L 325-3 du code rural stipule que « le prestataire reste responsable des accidents de travail survenus à lui-même ou aux membres de sa famille... ».
Cette règle d'exclusion du régime de droit commun de responsabilité s'applique, à priori, qu'aux accidents corporels. La cour de cassation a ainsi jugé qu'un dommage causé au matériel du bénéficiaire par la faute d'un ouvrier agricole du prestataire engage la responsabilité contractuelle de celui-ci (cass. civ. 27 févr. 1980).
Il est fait une autre exception à la responsabilité du prestataire, dans la mesure où la simple mise à disposition de matériel sans fourniture de la main-d'œuvre n'engage pas sa responsabilité en cas d'accident. Dans les faits, le bénéficiaire du service a la garde de la chose. Donc, dans le cas d'un accident, c'est sa responsabilité qui sera engagée.
Le cas traité par la cour de cassation concernait le prêt d'un tracteur et d'une remorque pour transporter du bois. Ce matériel était à l'origine d'un dommage causé à une personne dont le bénéficiaire avait sollicité l'aide pour le transport. Le prestataire, ayant perdu ses pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur le tracteur et la remorque en la remettant au bénéficiaire, ne pouvait pas être rendu responsable du dommage qu'avait causé son engin.

La prochaine fois que vous donnerez un coup de main à votre voisin agriculteur, vous saurez qu'il s'agit juridiquement de l'entraide et que la responsabilité en cas d'accident est réglée par la loi. L'essentiel n'a pourtant pas changé depuis des siècles : la solidarité entre agriculteurs reste primordiale.

Le service juridique rural
de la FDSEA 26,
Nathalie Kotomski