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Maraîchage

L’EARL Martin Fruits et Légumes en toute autonomie

Vendre en direct l’ensemble de sa production maraîchère, c’est le défi que s’est lancé l’EARL Martin Fruits et Légumes à Crest. L’exploitation, qui a pris un virage en 2005, produit aujourd’hui près de 150 tonnes de légumes.

L’EARL Martin Fruits et Légumes en toute autonomie
Rémi Martin a rejoint l’exploitation familiale en 2013, gérée par ses parents Raymond et Nathalie depuis 1995. ©AP_AD26

L’EARL Martin Fruits et Légumes, exploitation familiale située à Crest, a su franchir les obstacles au fil des années. Lors de son installation en 1995, Raymond Martin reprend le troupeau de vaches laitières, la production de sapins et les surfaces de foin. « Il a très vite basculé en grandes cultures (maïs semence et céréales) et monté en parallèle deux bâtiments d’élevage de pintade label de 400 m² chacun, en intégration avec la coopérative Valsoleil », explique son fils Rémi, désormais installé sur l’exploitation.

40 variétés de légumes

La grosse sécheresse de 2003 a amené la famille d’agriculteurs à redessiner son exploitation. « Mes parents ont poursuivi la culture de céréales mais ont souhaité démarrer, en parallèle, une nouvelle activité dans la production de melons, de tomates et d’autres fruits et légumes ». C’est donc en 2005 que cette nouvelle aventure débute. Dix-neuf ans plus tard, le pari osé s’est transformé en véritable réussite. L’exploitation crestoise cultive aujourd’hui entre six et sept hectares (dont 5 000 m² de serres froides) de fruits et légumes, soit une production d’environ 150 tonnes.
La famille Martin a fait le choix de produire une grande diversité (fraises, melons, tomates, aubergines, courgettes, poivrons, salades, patates douces, choux, pommes de terre, etc.), avec près de quarante variétés. Les salades, choux et courgettes sont plantés tous les quinze jours pour proposer aux clients des produits de qualité. « Cela demande une grosse organisation et une adaptation sur des choix variétaux lissés sur l’année, en modifiant les dates de semis et de plantation quand cela s’avère nécessaire. On aimerait d’ailleurs pouvoir augmenter nos surfaces pour assurer une meilleure rotation, mais l’accès au foncier est une grosse problématique aujourd’hui… Aussi, face à une grande diversité de productions, il est parfois difficile de suivre les volumes », avoue Rémi Martin. 

En toute transparence

Toutefois, la diversité des produits jouit d’un atout indéniable : « L’an dernier, les épisodes de grêle avaient réduit à néant notre production de courges. Nous avons dû en jeter une grosse partie. La diversification est certes compliquée à gérer mais c’est une force dans ces moments-là ». 
Aussi, sur cinq hectares, l’EARL cultive des lentilles, des pois chiches, du blé, du sarrasin et du seigle pour la farine, du colza pour l’huile, etc. 
C’est après l’obtention de son baccalauréat professionnel en cultures maraîchères et productions horticoles à Carpentras que Rémi Martin s’est installé sur l’exploitation aux côtés de ses parents et a créé l’EARL en 2014 : « Mon arrivée sur la ferme a notamment permis de développer l’aspect vente directe. Nous avions intégré deux magasins de producteurs entre 2017 et 2020 sur Crest et Montélimar, mais nous avons fini par les quitter pour être vraiment libre de nos choix. Aujourd’hui, nous vendons nos fruits et légumes exclusivement sur la ferme et le marché de Crest le samedi matin, à l’exception de quelques restaurateurs du secteur avec qui nous travaillons toute l’année », indique-t-il. Une nouvelle boutique de 100 m², construite en 2018, accueille le public cinq jours par semaine en pleine saison, et deux jours et demi l’hiver. 
La période du Covid-19 n’a pas été un frein à leur développement, bien au contraire. « C’était une situation inédite qui nous a apporté beaucoup d’inquiétude, d’autant plus que nous commencions à avoir notre rythme de croisière. De plus, c’était le démarrage de la saison des fraises. Finalement, ce fut pour nous une période très intense, avec l’arrivée d’une nouvelle clientèle. Aujourd’hui encore, nous avons réussi à la maintenir », se réjouit le trentenaire, qui évoque la vente directe comme un métier à part entière. « Nous apprécions être en contact de notre clientèle à 90 % locale, et pouvoir parler de notre travail. On se rend compte notamment que les consommateurs sont de plus en plus attachés aux produits locaux, et sont en recherche de transparence et de cohérence sur les prix ». Si la boutique à la ferme regorge déjà de produits locaux (fruits, miel, vin, bières, fromages, viande), Rémi Martin souhaite développer davantage de partenariats avec des fermes du secteur.

Foncier, eau et main-d’œuvre, des problématiques majeures

En parallèle des activités maraîchage et élevage, l’EARL Martin Fruits et Légumes cultive quelques parcelles de céréales. « Cela nous permet d’avoir de la paille pour nos bâtiments. Nous sommes dans un circuit assez fermé, puisque le fumier de nos bâtiments d’élevage est ensuite apporté au champ. Grâce à cela, nous avons divisé par 2,5 notre utilisation d’engrais chimique. Cela n’est pas négligeable, que ce soit pour la vie de nos sols ou de notre portefeuille », poursuit Rémi Martin pour qui l’autonomie est un défi de tous les jours. Si l’exploitation n’est pas certifiée en agriculture biologique, les maraîchers cherchent à se rapprocher d’un « modèle propre », en ne traitant qu’en cas de réelle nécessité. 
Pour préserver la vie des sols, la famille Martin a également fait le choix de planter des haies et d’abandonner certaines pratiques comme le labour. « Nous avons des terres qui retiennent bien l’eau, et c’est aujourd’hui une nécessité. Sous serre, nous avons un système de goutte à goutte automatisé en fonction des besoins des plantes. Cela nous permet de faire des économies et de maîtriser l’apport en eau. En 2022, l’irrigation nous a été coupée début juillet. Nous avons vu des cultures crever…et nous n’avions aucune solution. La perte a été estimée à près de 20 000 € et on s’en relève seulement maintenant au niveau de la trésorerie. Nous avons réfléchi à faire des réserves d’eau mais le coût est astronomique pour les 15 000 m³ que nous consommons chaque année. Le maraîchage est une activité relativement énergivore en terme d’eau », prévient Rémi Martin. 
Autre problématique et non des moindres rencontrées par l’agriculteur, celle de la main-d’œuvre. « Nous avons comme projet de créer un emploi supplémentaire mais nous avons déjà du mal à trouver un apprenti… On est très inquiet pour l’avenir car notre métier - avec le froid, les intempéries ou la chaleur - ne fait pas rêver les jeunes d’aujourd’hui », conclut-il.

Amandine Priolet