Avec L’accueillette, la solidarité se cultive
Officiellement créée depuis 2023, l’association L’accueillette propose des cueillettes solidaires, des chantiers paysans et un tiers-lieu alimentaire autour de Valence.

Portée par un soleil au beau fixe, mercredi 5 mars, une vingtaine de personnes a enfilé sa paire de bottes. Direction la ferme du Rougequeue, à Châteauneuf-sur-Isère. Dès 9 h 30, mini-bus et voitures se garent à l’entrée de chez Marianne Parel et Alain Sousa, installés en maraîchage bio depuis 2019. Le couple reçoit L’accueillette pour la troisième fois sur sa ferme pour un chantier paysan. En échange de leur service, les volontaires peuvent repartir avec des légumes frais. Toutefois, que ce soit pour les paysans ou les citoyens participants, cette matinée offre bien plus qu’un simple coup de main. « L’accueillette, c’est une thérapie. Je suis avec des gens avec qui il y a beaucoup d’échanges. C’est le vrai vivre-ensemble », témoigne Jeanne Sallier, âgée de 73 ans.
Sortir du monétaire
L’accueillette est née en 2022 de plusieurs constats. « Pour avoir 100 % de salades vendues, bien souvent, les producteurs en plantent beaucoup plus. Que faire du surplus ?, demande Lucie Cugerone, co-présidente et membre fondateur de l’association. En voyant la précarité alimentaire augmenter, nous avons pensé à les redistribuer à des personnes dans le besoin. L’occasion de donner accès à une alimentation de qualité ». C’est ainsi qu’en 2023, un groupe de citoyens officialise L’accueillette. Aujourd’hui, l’association récupère et distribue des produits, organise des cueillettes solidaires, des chantiers paysans, des cantines populaires, transforme certains produits en bocaux et organise des événements.
L’association embauche deux personnes pour créer des circuits entre les maraîchers basés autour de Valence et les structures sociales. Plusieurs organismes sont devenus adhérents de l’association à l’image d’Emmaüs, la maison des solidarités de Fontbarlette, la maison pour tous du Polygone, la pension de famille Roval à Romans et celle de Rossini à Valence. Une vingtaine de producteurs drômois a fait le pari de la solidarité. En l’espace de deux ans, plus de vingt tonnes de légumes ont ainsi été distribués et valorisés. « Nous ne cherchons pas à remplacer du travail salarié. Nous donnons des coups de pouce, prévient Lucie Cugerone, épaulée ce jour-là par Elsa Bouleau, bénévole. Nous n’avons pas de rapport économique. Au contraire, le but est de sortir du monétaire ». Seule l’adhésion à l’association, établie à deux euros, est demandée aux structures sociales et aux citoyens volontaires pour gérer les assurances. Pour s’assurer d’être en règle, l’association noue des conventions de partenariat avec les producteurs d’une durée d’un an et déclare chaque activité bénévole passée sur les fermes.
Des moments de thérapie
Ce jour-là, les volontaires s’attellent à couper des bouquets de persil, glaner et ramasser des blettes et des navets ou encore ajouter du compost sur les planches de cultures dans une serre. Paysans et participants sont aux anges. « Avec les épreuves de la vie, je me suis retrouvée dans une pension de famille pour essayer de remonter la pente. L’accueillette m’aide à faire une thérapie. Mes idées ne sont plus dans le mal-être », témoigne Marie Hennion, 51 ans.
Aujourd’hui, l’association récupère et distribue des produits, organise des cueillettes solidaires, des chantiers paysans, des cantines populaires, transforme certains produits en bocaux et organise des événements. ©ME-AD26
« Je suis demandeur d’asile car persécuté dans mon pays d’origine, la République Dominicaine du Congo. Cela fait six mois que je suis en France avec ma famille. Dans mon pays, je faisais du maraîchage. J’aime cultiver la terre, c’est ma passion. L’accueillette m’ouvre l’esprit. Je rencontre beaucoup de personnes de différents pays. La fraternité me fait énormément de bien, confie Ponpon Bafukalokaso, 39 ans. L’agriculture est totalement différente ici. Chez nous, pour irriguer, nous utilisions un arrosoir. Ici, il y a une amélioration des techniques agricoles ». « Depuis l’année dernière et ma découverte de L’accueillette, j’y suis presque tous les mercredis. C’est comme une thérapie. Ici, je ne fais qu’améliorer mes connaissances et j’adore », confie Jeanne Sallier, 73 ans.
Le moulin urbain, un tiers lieu alimentaire

Dans la même veine que L’accueillette, le Moulin urbain promeut la solidarité alimentaire. Ce collectif est né en décembre 2023 à l’initiative de L’accueillette et de Parenthèse-Graine de Cocagne et de citoyens valentinois. Ses objectifs : « Favoriser la réappropriation de la question de l’alimentation par les citoyens et citoyennes, et notamment l'accès à une alimentation saine et locale, la juste rémunération des producteurs et l’interconnaissance entre les producteurs et les citoyens », indique le collectif installé dans les locaux du tiers-lieu numérique Fabrico, rue Belle image à Valence. Parmi leurs actions, des marchés de producteurs locaux à tarifs différenciés.
Prochains événements et marchés les jeudi 13 mars à Saint-Marcel-lès-Valence et le 19 mars au siège à Valence à partir de 16 heures.
La Ferme Rougequeue relie le bio et le social
Marianne Parel et Alain Sousa se sont rencontrés au Brésil durant un tour du monde. Leur projet d’installation est né lors d’un volontariat dans le sud de l’Inde dans une ferme agroécologique. De formation ingénieure agronome, Marianne Parel a travaillé à la Commission européenne à Bruxelles, sur le financement des projets de recherche en environnement. Alain Sousa a été journaliste scientifique et a travaillé à la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) à Valence.
Le couple a fait partie des premiers producteurs à fournir des légumes à L’accueillette. ©ME-AD26
L’art du maraîchage sur sol vivant
Alain Sousa produit des légumes de saison en bio d’avril à décembre et Marianne Parel s’occupe de 48 poules pondeuses et des petits fruits, des plantes aromatiques et des produits transformés. La ferme de cinq hectares accueille notamment des serres et un verger maraîcher. Marianne Parel a planté des lignes d’arbres en vergers diversifiés qui jouent le rôle de haie. Entre chaque rangée d’arbres, Alain Sousa a développé une production de légumes. Comme pour l’agroforesterie, les arbres font de l’ombre et retiennent l’eau et les auxiliaires mangent les ravageurs.
Pour la plantation des arbres et des haies, la ferme a pu compter sur l’accompagnement de l’Adaf. L’atelier paysan épaule aussi les agriculteurs sur la pratique du maraîchage en sol vivant, qui repose sur trois principes : pas de labour pour préserver la vie et la structure du sol, des couverts (paillage, engrais verts, copeaux…) et des apports en matière organique. Ainsi, le taux de matière organique sur leur parcelle est passé de 2 à 4 % depuis leur installation. « Cela demande beaucoup de travail surtout que nous sommes peu mécanisés. Mais nous travaillons pour trouver des solutions et des outils car le maraîchage sur sol vivant reste encore assez innovant », précise Alain Sousa.
Des paysans engagés
Le couple a fait partie des premiers producteurs à fournir des légumes à L’accueillette. « Au départ, il s’agissait seulement de récupérations de légumes. La volonté des producteurs n’était pas de monétiser les produits mais plutôt de les donner à ceux dans le besoin, rapportent Marianne Parel et Alain Sousa. Souvent, nous plantons 30 % de plus pour être sûre d’avoir ce dont on a besoin. Avant, une partie partait au compost ».
« Nous travaillons avec pas mal de structures. Le tissu local associatif permet de créer du lien, estime Alain Sousa. L’accueillette, c’est un pont entre la ville et la campagne, notamment avec les chantiers solidaires. Nous aimerions que ces pratiques se démocratisent, que tous ceux dans le besoin puissent en profiter. En tant que producteurs, nous sommes pris entre deux volontés : pouvoir vivre de nos productions et rendre nos produits accessibles au plus grand nombre ».
M.E.
Cueillettes et chantiers les mercredis pairs de 9 à 12 h et permanence au 7 rue Belle image à Valence de 18 h à 20 h. Plus d’infos : [email protected]