Jusqu’à 10 900 tonnes d’intrants valorisées en gaz vert
Douze années de travail acharné. Michel Rozand voit enfin le bout du tunnel. L’agriculteur de cinquante-neuf ans, basé à Romans-sur-Isère, a été soutenu par la société Romans Valence Énergie Renouvelables (Rovaler¹ - 29 %) et Ter’Green, filiale du groupe Keon, spécialisé dans la méthanisation (20 %). Le reste du capital de la SAS Bioteppes (51 %) appartient à Michel Rozand reconnu pour sa « ténacité » par ses partenaires. En effet, ce type de projet prend, en moyenne, trois à cinq ans avant de voir le jour. Mais Michel Rozand a dû surmonter de nombreux obstacles au fil des années (procédures judiciaires, fouilles archéologiques, hausse des matières premières, problèmes techniques…).
Michel Rozand et ses partenaires ont inauguré le site sept mois après sa mise en fonctionnement. ©ME-AD26
Pourtant, il y a cru jusqu’au bout. Et c’est d’ailleurs le conseil qu’il donne aux agriculteurs qui, comme lui, souhaitent se lancer dans un tel projet : « Il faut être motivé, et avoir de l’ambition car c’est costaud ». En effet, l’unité de méthanisation, située près des serres du lycée horticole, a nécessité un investissement de 5,74 millions d’euros, dont une partie a été financée par l’Ademe, la Drac Auvergne-Rhône-Alpes et par la Région². Un prêt non négligeable que le porteur de projet s’est engagé à rembourser d’ici treize années.
Des partenaires solides
Avant que l’unité de méthanisation voit le jour, Michel Rozand a eu le temps de peaufiner le projet et de trouver des partenaires solides sur lesquels s’appuyer. Dès 2014, et la création de Valence Romans Agglo, les élus se sont engagés auprès de l’agriculteur dans le cadre du Plan climat air énergie territorial et de la création de Rovaler. La société Ter’green a d’abord permis d’apporter une expertise technique à la construction du site avant de devenir actionnaire de la société Bioteppes. L’unité de méthanisation devrait fournir 11,4 gigawatts par an de biométhane, soit l’équivalent de la consommation annuelle moyenne de 2 850 logements. Cette énergie sera produite grâce à la valorisation de 10 900 tonnes d’intrants maximum chaque année (49 % d’effluents d’élevage, 26 % de déchets végétaux et 25 % de cultures intermédiaires à vocation énergiques (Cives).
À proximité des serres du lycée horticole, les bâtiments du site s’étendent sur 16 000 m². ©TER’GREEN
Le biométhane issu de l’unité, en fonctionnement depuis le mois de mars, est revendu à la société SAVE Énergies, à un prix fixe de 159 € le mégawatt PCS³ et transite par le réseau GRDF. Le digestat produit, soit 9 500 tonnes par an, est épandu sur près de 500 hectares de terres agricoles. « Ça va progressivement remplacer l’engrais chimique donc c’est un gain pour nos terres et pour nos portes-monnaies », estime Louis, salarié sur l’exploitation de Michel Rozand.
Un projet d’avenir
Sur le site, actuellement quatre personnes assurent une astreinte à tour de rôle, un salarié fait tourner le méthaniseur et un autre assure le transport de marchandises. Une fois les intrants récupérés et mélangés, ils passent par le Fleximix, une machine dite de pointe développée par le groupe Keon qui permet de presser la matière, d’extraire l’air et de retirer les cailloux. L’envoi aux digesteurs permet de faire maturer le digestat à une température ambiante d’environ 40 degrés. Après 80 jours, la matière brute est envoyée dans une presse pour obtenir le fertilisant et le gaz est redirigé vers l’unité d’épuration pour être refroidi et dépollué avant d’être injecté dans le réseau. Concernant les potentielles odeurs libérées par le méthaniseur, des travaux sont en cours pour limiter au maximum les nuisances.
La matière reste dans les digesteurs 80 jours à 40 degrés avant d’être extraite. ©ROVALER
À quelques années de la retraite, Michel Rozand a lutté pour arriver au bout de ce projet pour les jeunes agriculteurs qui l’entourent. En 2021, il a installé son fils Maxime, 26 ans, ainsi que Thibault Foulhoux, 30 ans, et son frère Mathias, 35 ans. Tous les trois sont en Gaec et Michel Rozand projette de leur transmettre son exploitation et l’unité de méthanisation d’ici quelques années. Ils font partie des bénéficiaires du fertilisant naturel issu du méthaniseur. « Pour le moment nous sommes autonomes en intrants et en quantité de terres pour l’épandage », précise le porteur de projet. Pour les agriculteurs, cette installation permet ainsi de diversifier leurs revenus, de valoriser leurs déchets, et de s’engager pour un avenir plus respectueux de l’environnement.
¹ Rovaler (Romans Valence Énergies Renouvelables) est une société d’économie mixte détenue par Valence Romans Agglo (50,5%), la Caisse des Dépôts et Consignations (24,45%), la Compagnie Nationale du Rhône (24,45%) et Energies Partagées (0,6%).
² 1,68 M€ de subventions dont 649 000 € de l’Ademe, 250 000 € de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et 169 000 € de la Drac.
³ Pouvoir calorifique supérieur (PCS), unité usuelle qui donne le dégagement maximal théorique de la chaleur lors de la combustion
Le septième méthaniseur dans la Drôme
« Valence Romans Agglomération, c’est l'Eldorado de la méthanisation en Drôme », selon Christophe Leroy, directeur territorial Auvergne Loire Drôme Ardèche au sein de GRDF. Sur le département, six autres sites sont comptabilisés, dont deux dans l’agglomération de Valence-Romans : à Étoile-sur-Rhône, Geyssans, Valence, Albon, Vaunaveys-la-Rochette, Chatuzange-le-Goubet. L’ensemble des sept sites permet de répondre à 14 % des besoins du territoire. Sur sept unités de méthanisation en Drôme, cinq sont portées par des agriculteurs. Rien de très étonnant lorsqu’on sait que 85 % des gisements méthanisables sont produits par les professionnels agricoles. Actuellement, cinq autres projets de méthaniseurs sont en émergence dans la Drôme.
Morgane Eymin