Irrigation : entre efficience et conduite à distance

Dans le grand Sud-Est, la récurrence des étés secs et chauds rend l'irrigation indispensable, en particulier pour les cultures d'été. Elles sont souvent montrées du doigt, comme pour l'arboriculture ou la culture du maïs. Pourtant, l'agriculture n'utilise que 10 % de la ressource en eau, à parts égales avec l'industrie, tandis que l'eau potable représente à elle seule 19 % de la consommation. Ces quelques chiffres permettent de chasser bien d'idées reçues, à la faveur de l'irrigation... Néanmoins, il convient à l'agriculture de bien gérer sa ressource pour fournir la réponse sociétale que le grand public attend. Pour cela, il faut adapter les cultures aux potentiels des sols, à la ressource en eau, s'équiper des systèmes d'arrosage de plus en plus économes en eau et piloter mieux ses matériels grâce aux nouvelles technologies.
La performance de l'irrigation à la loupe
L'efficience de l'irrigation est un indicateur qui permet de mesurer la quantité d'eau apportée à une culture en situation d'ETM (Évapotranspiration maximum), pour atteindre le rendement maximum, par rapport à l'eau disponible pour la plante. La différence représente les pertes par évaporation dans l'atmosphère, par ruissellement ou par drainage. Une deuxième efficience commence aussi à être prise en compte dans les systèmes d'arrosage, c'est l'efficience énergétique qui consiste à mesurer les besoins en électricité ou en gasoil pour pomper et acheminer l'eau sous pression jusqu'aux arroseurs. Dans les deux cas, l'efficience en eau et en énergie varie selon les matériels de surface.
Tous les systèmes d'arrosage ne se valent pas
Dans la hiérarchie des matériels d'irrigation, la couverture intégrale peut avoir des efficiences en eau de 70 à 75 % seulement, si l'arrosage se fait en période ventée, alors que par temps calme, les valeurs remontent à 95 %. Sur le plan énergétique, elle fonctionne avec des pressions de service de l'ordre de 3 à 4 bars, ce qui la rend économe. L'enrouleur se place mieux en conditions mixtes, temps calme ou vent, que la couverture intégrale, avec des efficiences de l'ordre de 85 à 90 %. En revanche, il doit avoir des pressions d'entrée d'au moins 8 à 12 bars pour obtenir 4 à 6 bars de service au canon. Sur le plan de l'efficience énergétique, c'est le plus mal placé en raison de nécessité de pression élevée qui est très énergivore. Avec les fortes hausses des tarifs de l'électricité de pompage observées ces dernières années, cet aspect est à prendre en compte dans le raisonnement d'une installation. Pour autant, l'enrouleur est très présent chez les irrigants, il est facile à mettre en place et peut couvrir 4, 5 ou 6 hectares par position. Des systèmes de relevage automatique du chariot, d'abaissement hydraulique des béquilles ou encore de suivi à distance par GSM permettent à un agriculteur d'en gérer 6 à 8 par journée de travail et, de fait, place l'enrouleur très efficient en main-d'œuvre.
Le pivot, les avantages de la couverture intégrale et de l'enrouleur
Apparus sur le marché français au début des années 1960 dans le Sud-Ouest, les pivots importés des États-Unis rassemblent les avantages de l'enrouleur et de la couverture intégrale. Ils consomment 50 % d'énergie en moins qu'un enrouleur sur une saison et ils deviennent plus accessibles, dès de 5 hectares pour les premiers modèles. Pour Stanislas Gru, de la société 2IE qui fabrique au Mans des pivots depuis 1964 : « En système d'arrosage par pivot, on arrive à économiser jusqu'à 20 % d'eau à l'hectare sur une saison par rapport à l'enrouleur, à rendement égal de cultures. Cette meilleure efficience est principalement due à des pertes moindres par évaporation avec des gerbes d'arrosage plus petites, des pressions d'utilisation plus faibles qui génèrent moins de brumisation et aussi une meilleure répartition de la pluviométrie sur la surface... ».
Piloter son irrigation à l'aide d'un téléphone portable
Que ce soit pour les enrouleurs, les équipements de surface ou les pivots, il existe depuis quelques années des applications qui permettent de suivre à distance, par transmission GSM, le fonctionnement de l'automate des matériels d'arrosage.
Pour ses pivots, 2IE propose une transposition sur écran du cellulaire, ou du PC, de son système AGS, « Aqua Gestion Sytèm » qui est situé au pied de la tour. Toutes les fonctions accessibles sur l'écran tactile du pivot peuvent être affichées, via une application, sur l'écran du téléphone portable. L'agriculteur est prévenu en cas de défaut. Mais surtout, il pilote à distance les fonctions de démarrage ou de redémarrage, d'arrêt, de hauteur d'eau à apporter à l'aller ou au retour, de coupure de section de rampe... : « Un sacré gain de temps », rajoute Stanislas Gru. Réduire « l'empreinte de l'eau » en se posant les questions de la performance agronomique, énergétique ou encore de temps, fait pleinement partie de la réflexion globale qu'a l'agriculteur dans sa pratique d'irrigant. Les différents matériels aidés par les nouvelles technologies sont là pour l'accompagner dans cette quête à l'efficience.
Roland St Thomas
IRSTEA / Un logiciel pour optimiser l’irrigation des cultures
Disposer d’un calendrier pour optimiser sa stratégie d’irrigation des cultures tout en préservant l’eau, c’est l’aide apportée par le logiciel Optirrig, conçu pour gérer le déficit de la ressource et développé par l’Irstea. Ce logiciel de simulation permet de planifier l’irrigation selon des objectifs de rendement et l’évolution des conditions climatiques. L’agriculteur dispose d’un calendrier d’irrigation et peut optimiser sa stratégie. Pour une culture et un sol définis, Optirrig donne l’estimation de la quantité d’eau nécessaire pour atteindre le rendement recherché, selon la technique d’irrigation utilisée (aspersion, goutte-à-goutte, goutte-à-goutte enterré). Le logiciel comporte une fonction financière qui permet la gestion conjointe de l’irrigation et du rendement agricole dans des stratégies bénéficiaires. Optirrig a été présenté au Sima 2019 car il permet d’établir un bilan hydrique complet, selon la plante cultivée (blé, maïs, sorgho ou autres) et le type de sol, avec l’évaluation du drainage et de la variation de la réserve en eau du sol, au pas de temps journalier. Le logiciel donne une estimation de la réserve en eau, de la croissance foliaire, de la matière sèche totale et du rendement maximal associé, ainsi que de la consommation en eau nécessaire pour l’atteindre.